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Amir Vesali : «Le LSAP doit viser le ministère du Logement»


(Photo : Hervé Montaigu)

Amir Vesali, le coprésident des Jeunesses socialistes (JSL), dresse les perspectives du LSAP, qui vient de fêter, samedi, ses 120 ans d’existence. Le jeune militant souligne l’importance de se positionner aussi dans des dossiers qui ne font pas partie de l’ADN socialiste.

Samedi, le LSAP avait invité ses militants au Ellergronn à Esch-sur-Alzette pour célébrer son 120e anniversaire. Le rendez-vous a servi à la fois à rappeler l’héritage historique du Parti ouvrier socialiste et à lancer la précampagne électorale. Le coprésident des Jeunesses socialistes Amir Vesali livre une analyse des forces et faiblesses du LSAP.

Le LSAP a fêté samedi ses 120 ans d’existence. En tant que représentant de la jeune génération du parti, qu’est-ce que vous inspire cet anniversaire?

Amir Vesali : Il s’agit d’une date marquante. Depuis 120 ans, le mouvement socialiste s’inscrit dans l’histoire du Grand-Duché. Le parti a influencé cette histoire, lors de l’ère ouvrière, où le volet syndical était encore plus important. C’est toujours le cas aujourd’hui. L’histoire est aussi marquée par des conflits, ce qui a permis au parti de grandir. Tout cela veut aussi dire que l’on ne doit pas oublier d’où l’on vient, sans toutefois faire du surplace. Le parti doit évoluer et se positionner dans des domaines qui ne font pas partie de sa force historique.

Quels sont ces domaines auxquels vous faites allusion?

Il importe que le LSAP, s’il intègre un prochain gouvernement, tente de dégager une majorité aussi grande que possible pour développer un nouveau contrat sociopolitique, mettant aussi l’accent sur l’écologie. Le volet social reste très important. Sans oublier le logement. Tout le monde reconnaît enfin qu’il s’agit d’une véritable crise qui touche de larges pans de la société. Personnellement, je pense qu’il faudrait repenser le droit absolu à la propriété et aller plutôt en direction d’un usage utile du parc de logements.

L’histoire est aussi marquée par des conflits, ce qui a permis au parti de grandir

Cette réflexion confirme donc que le logement est la préoccupation majeure des jeunes?

Cela ne se limite plus aux jeunes. Toutes les couches de la société sont aujourd’hui exposées à la pénurie de logements abordables. Il revient au LSAP de prendre ses responsabilités dans ce dossier. Si le parti reste au gouvernement, il faut qu’il vise le ministère du Logement. Ce portefeuille pourrait être profitable, tout comme les autres ressorts sociaux, tels que le Travail. Je songe à la réglementation du télétravail. Le travail doit être autrement conçu pour que l’on puisse respecter des normes environnementales. Le LSAP doit aussi mettre la pression pour que la place financière relève le défi écologique. Je ne dis pas que rien n’est entrepris, mais connaissant les énormes sommes qui transitent par le Luxembourg, il faudrait mieux évaluer l’empreinte carbone des investisseurs et mettre en place des réglementations adéquates. Comme revendiqué par les JSL, avec d’autres ailes jeunes de partis, le Fonds de pension doit, lui aussi, respecter les normes écologiques. Notre parti mère doit se montrer intraitable sur ce dossier.

Le concept que vous dessinez ressemble à l’écosocialisme prôné par déi Lénk. Vous comptez marcher sur les platebandes de la gauche radicale?

Pas du tout. Je me réjouis si un grand nombre de partis sont d’avis qu’il faut établir un nouveau contrat sociétal, basé sur le social et l’écologie. Cela permet de dégager le large consensus que j’ai évoqué au début. Déi Lénk est un parti de gauche. Les JSL ont toujours tendance à se positionner plus à gauche que le LSAP. Pourquoi donc ne pas avancer ensemble? Le grand point qui nous différencie de déi Lénk est que le LSAP, en tant que membre du gouvernement, est soumis à la realpolitik. Dans l’opposition, vous avez d’autres moyens pour formuler des revendications.

Vous avez évoqué les tensions qui ont fait grandir le LSAP. Comment jugez-vous le conflit actuel avec l’OGBL autour de l’indexation?

Je regrette que la discussion ait « dérapé », que l’OGBL ait mis le LSAP dans son viseur. Les intentions des deux côtés sont justifiées, mais il faut sincèrement admettre que l’on se retrouve face à une situation très compliquée pour le pays. Après le covid, on a affaire à la guerre en Ukraine. Vu l’impact de ces crises, il ne serait pas très équitable de forcer les entreprises à payer, en très peu de temps, plusieurs tranches indiciaires. Même si l’OGBL a fini par rejeter l’accord, le LSAP s’est engagé pour qu’aucune tranche indiciaire ne soit supprimée. Chaque socialiste qui est membre du gouvernement ou qui siège à la Chambre a le cœur là où il le faut.

Que répondez-vous à l’argument de l’OGBL que le report de l’index équivaut à un cadeau pour le patronat?

L’intention n’est pas de faire un cadeau aux entreprises. Je suis issu d’une famille d’entrepreneurs. Mes parents ont bâti avec moi des petits commerces. Nous avons ressenti l’impact financier de l’index. Pour de plus grandes entreprises, la charge financière est encore tout autre. La décision du gouvernement est, en fin de compte, très osée, mais ce fut la bonne décision.

Est-ce que les jeunes peuvent encore s’identifier aujourd’hui à un Parti ouvrier socialiste?

Il y a quatre ou cinq ans, lorsque j’ai commencé à vraiment m’engager, les JSL étaient un peu tombées aux oubliettes. On était peu attrayants, en tant qu’aile jeunes, mais aussi en tant que parti. Cela s’est répercuté sur le nombre d’adhérents. Il nous est arrivé, en tant que JSL, de tenir des réunions du bureau national (*) en présence de moins de 10 militants. J’ai déjà dit par le passé que j’envie un peu déi gréng qui ont la cote auprès des jeunes, aussi pour secouer un peu notre parti mère. Depuis lors, un renouveau est engagé. Les JSL ont changé leur façon de communiquer, on s’est positionnés différemment sur certains sujets. En pleine crise sanitaire, nous avons été les premiers à thématiser le bien-être des jeunes. Nous avons aussi été les premiers à nous positionner sur la réforme de la Cour grand-ducale. Le cannabis et le fonds de compensation sont d’autres dossiers qui ont trouvé un écho positif auprès des jeunes. On est redevenus une des associations politiques de jeunes comptant le plus de membres. Une section des JSL vient de voir le jour dans le Sud, une autre suivra en septembre dans le Nord. La section ouest s’est renouvelée et nous visons la création d’une section dans le Centre. La pandémie a aussi amené plus de jeunes à s’engager en politique.

Le rôle des JSL au sein même du LSAP a donc pu être renforcé?

Grâce à un surplus de membres et des positionnements clairs, le rapport de force est plus favorable. La nouvelle structuration des JSL fait que l’on dispose aujourd’hui d’un des plus jeunes bureaux exécutifs jamais connus. Les coprésidents du LSAP nous soutiennent aussi pleinement et tiennent à ce que les propositions des JSL soient entendues dans les différentes structures du parti.

La question posée pour les jeunes, vaut aussi pour la génération adulte : est-ce que la population active peut encore être attirée par un Parti ouvrier socialiste?

Je souhaite que le LSAP ne devienne jamais un parti clientéliste. Nous avons nos thèmes de base. Il existe néanmoins d’autres enjeux. Le LSAP se doit de développer et porter vers l’extérieur les meilleures positions possible qui sont compatibles avec nos valeurs intrinsèques. Bien entendu, il faut viser l’une ou l’autre couche de la société. Celui qui affirme le contraire, ne dit pas la vérité. Selon moi, le concept de parti populaire n’est plus valable. Grâce à des positionnements très concrets, le LSAP ne fera certainement pas fausse route.

En tant que JSL, quels seront les autres dossiers majeurs qui seront abordés à l’approche de l’année électorale 2023?

Nous travaillons actuellement sur l’éducation et aussi sur des revendications concernant l’aide financière pour études supérieures où l’on compte présenter un nouveau modèle. Il est aussi prévu de relancer notre catalogue avec 30 idées sur le logement. Dès le mois d’octobre, on va s’impliquer dans la rédaction du programme électoral. On se trouve en pourparlers avec le parti mère pour qu’un maximum de nos idées soient reprises dans ce document.

Allez-vous réclamer un quota minimal de jeunes sur les listes de candidats pour le scrutin?

Je plaide toujours pour avoir un tiers de jeunes candidats sur les listes pour les législatives. Il s’agit d’un objectif optimiste, mais rien n’empêche qu’on y parvienne. Les JSL travaillent activement à recruter, préparer et positionner ces jeunes candidats. On veut éviter que tout ne tourne qu’autour des coprésidents. Chacun doit avoir une chance équitable pour s’affirmer. Et je pense que l’on dispose de bons talents, aussi grâce à la création des nouvelles sections déjà énoncées.

Au niveau national, le LSAP fait désormais depuis 18 ans partie des gouvernements successifs. Ne faut-il pas craindre une lassitude en vue des prochaines législatives?

Je me rappelle, qu’en 2018, je suis monté à la tribune du congrès pour annoncer mon abstention pour valider le maintien du LSAP au gouvernement. J’estimais qu’à ce moment, avec l’équipe dont on disposait, il aurait peut-être été mieux de ne pas rester au pouvoir. Entretemps, il y a eu bon nombre de remaniements dans les rangs du LSAP avec de nouvelles figures comme Taina Bofferding, Georges Engel et Paulette Lenert. Le renouvellement se fait aussi à la Chambre des députés. Des nouvelles têtes amènent des nouvelles idées et je pense, donc, qu’il serait bien que le LSAP puisse mener la prochaine coalition avec à sa tête un premier chef du gouvernement socialiste. Il ne s’agit cependant pas seulement d’une question de pouvoir. Le contenu d’un prochain accord de coalition doit représenter les valeurs du parti.

Paulette Lenert peut-elle devenir la première Première ministre du Luxembourg?

La chance existe. Mais il sera important de ne pas trop se focaliser sur une seule personne. Peu importe qui va être désigné tête de liste, il devra faire ses preuves dans plusieurs domaines clés de la politique, comme l’environnement ou le logement, en plus de son ressort personnel. Cela fait la qualité d’un Premier ministre, même si ce n’est pas forcément le cas avec l’actuel chef du gouvernement…

Peut-on envisager une double tête de liste, composée par un candidat plus chevronné et un candidat plus jeune?

Les statuts permettent désormais de former une double tête de liste. Il n’existe cependant pas d’obligation à le faire. Si Paulette Lenert se manifeste pour devenir tête de liste, il serait bien qu’elle se lance seule avec le soutien d’une bonne équipe. Si un autre candidat s’impose, on peut aussi s’imaginer former une double tête de liste paritaire, avec un jeune candidat à ses côtés. Je ne veux rien n’exclure, car il est vraiment encore trop tôt pour se positionner définitivement.

Quel est donc l’état de santé du LSAP désormais âgé de 120 ans?

Nous sommes un grand parti, où les choses prennent parfois plus de temps pour avancer. La démocratie directe reste de mise, on s’investit beaucoup dans les discussions internes. Rien n’est imposé du haut vers le bas. Le parti réussit désormais à éviter les polémiques sur la place publique. En tant que JSL, on s’est aussi engagés à mener d’abord les discussions en interne. Par contre, s’il n’y a pas le retour escompté, on n’hésite pas à passer à l’offensive. Ce fut encore le cas après l’invasion russe en Ukraine où certains membres du LSAP ont tardé à quitter leurs postes d’administrateurs dans des banques russes. La pression exercée par les JSL a fini par produire ses effets, ce qui démontre l’influence que l’on peut avoir au sein du parti.

(*) Dans la version initiale de cette interview avait été avancé que, par le passé, des congrès des JSL ont eu lieu en présence de moins de 10 militants. Il s’agit d’une erreur de retranscription. En fait, Amir Vesali avait fait référence aux réunions du bureau national de l’ailes jeunes du LSAP, moins fréquentées à un moment. Toutes nos excuses aux intéressés.

2 plusieurs commentaires

  1. Christian Sikorski

    okay le JSL est plus gauche que le LSAP, mais on est pour les cadeaux tout azimuts aux patrons, même à ceux qui affichent des bénéfices substantiels en se prononçant pour une manipulation de l’index et par cela étouffant le pouvoir d’achat vital aux commerces et aux PME? Cool Monsieur est issu d’une famille d’entrepreneur qui a ressenti les effets de l’index? Qu’en est-il de l’empathie avec les salariés qui ressentent les effets de la perte du pouvoir d’achat.? En espérant ? que le parti ne devienne pas clientéliste, mais avec la volonté de viser l’une ou l’autre couche de la société (lesquelles ?) on ne doit pas oublier d’où on vient et se détourner du « concept » de parti populaire. Je pige que dalle mais tout cela me rappelle la Macronnie avec ses excroissances lepénistes. et beh, ça promet!

  2. Que le parti redeviennent un Parti socialiste. Condamner les inégalités,l’ exploitation de l’homme par l’ homme , l’ égalité social et économique plus juste, Un monde meilleur ´ surtout lutter contre l’ injustice. Il y a du boulot, moins d’individualismes.On peut toujours rever’

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