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Steve Martellini : «La disparition de cafés est une réalité»


(Photo : Hervé Montaigu)

Steve Martellini, le nouveau secrétaire général de l’Horesca, dresse l’état des lieux d’un secteur où la relance post-covid ne suffit pas encore pour résoudre tous les problèmes. Les coûts pèseraient lourdement sur les cafés, restaurants et hôtels.

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Selon les chiffres du Retail Report 2024, publié fin février par l’Observatoire national des PME, le Luxembourg compte encore quelque 1 250 restaurants, 350 établissements de restauration rapide, 480 cafés, 270 bars et pubs ainsi que 200 hôtels.

Ce même rapport attribue à l’Horesca une «relative robustesse». C’est dans ce contexte que la Fédération nationale des hôteliers, restaurateurs et cafetiers (Horesca) vient de changer de direction.

Steve Martellini a succédé le 25 mars à François Koepp comme secrétaire général. Une de ses priorités est d’être davantage à l’écoute des tenanciers et autres exploitants d’un secteur qui resterait confronté à de nombreux défis et problèmes.

Vous prenez le poste de secrétaire général dans des temps difficiles, comme cela fut souligné lors de la récente assemblée générale de l’Horesca. Quel est l’état de santé du secteur dans son ensemble?

Steve Martellini : Ce que l’on peut dire, c’est que les clients sont de retour. Mais, ce qu’il faut souligner, c’est que les marges sont extrêmement réduites. Dans la restauration, on se situe entre 3 et 5 %.

L’hôtellerie dispose de marges qui varient entre 7 et 10 %, ce qui n’est plus suffisant pour procéder à de grands investissements.

Et qu’en est-il des cafés?

Un calcul vient à la conclusion que sur une bière vendue à 3,5 euros, l’exploitant touche à peine 17 centimes d’euro. Cette marge est largement insuffisante. L’Horesca va prochainement publier d’autres exemples de calcul de ce type afin de démontrer aux gens quels facteurs influencent le prix de vente.

Dans le « Retail Report », il est précisé que 50 % des cafés et bars du pays sont implantés dans les cinq plus grandes communes du pays, la capitale en tête. Faut-il en déduire que le café du coin est en voie de disparition?

La disparition de cafés est une réalité. Ce phénomène ne date pas d’hier, mais se fait remarquer depuis six ou sept ans. Quelles sont les raisons? Comme évoqué, avec un gain de 17 centimes d’euro par bière vendue, il n’est plus possible de survivre.

Vous avez entretemps beaucoup de cafés et bars qui se sont adaptés et proposent désormais une petite carte de plats afin de compenser un peu la chute des marges. Néanmoins, la situation reste difficile. Les mœurs ont aussi changé. L’apéritif du dimanche n’existe plus trop.

Et puis, il arrive aussi souvent qu’il n’existe pas de repreneur lorsqu’un cafetier décide de passer la main.

En parallèle, le « Retail Report » constate une tendance à la réaffectation de surfaces de vente classiques en établissements de l’Horesca. S’agit-il d’un signal positif?

Nous sommes toujours contents si de nouveaux établissements ouvrent leurs portes. Il faut ajouter que l’Horesca garde à l’œil, en tant que fédération, les chiffres de l’accession à la profession. On constate tous les ans énormément d’inscriptions.

Il existe donc toujours pas mal de personnes qui souhaitent se lancer dans l’Horesca, en dépit du contexte difficile dans lequel le secteur se trouve.

Le directeur général de la Fédération des artisans, Tom Wirion, a fait, dans nos colonnes, la corrélation entre le niveau de qualification des patrons et les chances de réussite d’une entreprise. Est-ce que la formation pour devenir tenancier a le même effet positif?

Le dicton allemand qui dit « Wer nichts wird, wird Wirt » (NDLR : à traduire littéralement par « Celui qui ne sait rien faire devient tenancier ») n’est plus d’actualité. Aujourd’hui, vous devez vraiment connaître vos chiffres, savoir calculer vos marges, faire attention à l’achat des matières premières, etc.

Le personnel est un autre facteur. On se trouve face à une pénurie. Il est d’autant plus important de trouver du personnel qualifié et de savoir le fidéliser. Bien sûr, il existe toujours des moutons noirs, mais dans leur ensemble, les établissements prennent vraiment soin de leur personnel.

Quelle est la dimension de la pénurie?

Il est difficile de la chiffrer. Mais, pour le moment, on dénombre quelque 250 patrons qui cherchent à faire occuper un poste vacant. C’est le chiffre fournit par l’Adem. En même temps, les recrutements tendent à la baisse.

La raison est liée la pénurie, mais aussi à la crise énergétique. Il existe des établissements qui doivent rester fermés un ou deux jours par semaine parce qu’ils ne trouvent plus de personnel dans leurs frais. Ils ont donc besoin de moins de personnel et, par conséquent, les offres d’emploi sont moins nombreuses. Toutefois, il reste très difficile de recruter du personnel qualifié.

Comment donc expliquer l’énorme succès rencontré par le récent « Jobday » de l’Adem, spécifiquement dédié à l’Horesca?

Nous saluons l’initiative de l’Adem. Notre coopération fonctionne bien, aussi pour satisfaire le besoin en personnel très varié. L’Horesca est d’ailleurs encore un des seuls secteurs à embaucher des personnes non qualifiées.

Je suis toujours étonné de voir les statistiques qui concluent que les salaires les moins élevés sont payés dans l’Horesca. Il faudrait davantage décortiquer ces données, en faisant la comparaison entre les personnels qualifié et non qualifié. Il existe un monde de différence entre les deux catégories.

Le programme du nouveau gouvernement CSV-DP s’engage à promouvoir les métiers de l’Horesca à l’aide d’actions de promotion ciblées. Avez-vous déjà pu échanger à ce sujet avec les ministres concernés?

L’Horesca entretient un échange permanent avec notre ministre de tutelle. Récemment, nous avons aussi eu une entrevue avec le ministre du Travail. Mon souhait est que l’Horeca soit inscrite sur la liste des métiers en grande pénurie, ce qui constitue une de mes priorités comme secrétaire général.

Cette inscription nous aiderait beaucoup, car l’accès aux pays tiers, où le réservoir de personnel est encore important, serait rendu beaucoup plus simple. Pour l’instant, il est très compliqué d’embaucher quelqu’un issu d’un pays hors de l’UE.

D’un autre côté, l’Horesca dénonce une lourdeur administrative et des réglementations trop complexes, concernant notamment les coupures. Quelle est la situation sur le terrain?

Les coupures entre deux services sont une grande thématique. Il faut néanmoins dire que nos établissements se sont toujours adaptés à la clientèle. Pour un plus petit restaurateur, il est très difficile à proposer des emplois sans coupure.

Au Luxembourg, le client a tendance à aller manger entre 12 h et 14 h et entre 18 h et 20 h. Entre les deux, il existe un vide. Dans les toutes petites structures, il faudrait donc le double du personnel afin d’éviter ces coupures. Cela est quasiment impossible, à la fois au niveau du financement et des prix facturés aux clients.

De l’autre côté, de nouveaux concepts sont en train de se développer, surtout dans des grands groupes, où la semaine des 4 jours avec 10 heures de travail par service est envisagée.

Le Premier ministre a annoncé que l’augmentation de pouvoir d’achat offert aux ménages – grâce à l’adaptation du barème d’imposition à l’inflation – devait aussi profiter à l’Horesca. Ressentez-vous déjà un effet?

Il est toujours important que le pouvoir d’achat des gens soit maintenu. Ce que l’on remarque, c’est que les restaurants affichent pleins les week-ends. Mais il faut rappeler que la hausse du chiffre d’affaires ne permet pas toujours de réaliser de grands bénéfices.

Les derniers chiffres officiels, repris dans le « Retail Report », font état de 2,8 millions de nuitées en 2022, soit une hausse de 31,3 %. Pourtant, votre fédération évoque le fait que les hôtels se retrouvent, eux aussi, face à une situation compliquée. Comment expliquer ce paradoxe?

Comme pour les cafés et restaurants, il faut différencier les hôtels implantés à Luxembourg-Ville de ceux des autres régions du pays. Dans la capitale, le tourisme d’affaires a très bien repris après le covid.

À travers le pays, la situation est plus difficile, même si l’on constate aussi une amélioration des chiffres. Les habitudes des clients ont toutefois changé. Au lieu de rester quatre ou cinq jours, ils choisissent des séjours plus courts, par exemple, trois jours sur un week-end. Et puis, le prix de la chambre joue aussi.

Chez les uns, les tarifs sont à la hausse, dans d’autres, ils descendent, mais l’équilibre est globalement de mise.

Plus globalement, votre prédécesseur François Koepp a appuyé sur le fait que le contexte géopolitique, avec les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, impacte lourdement les « petits » établissements luxembourgeois. Est-ce que cette déclaration n’est pas un brin exagérée?

Il a notamment fait référence aux prix de l’énergie qui ont explosé depuis l’invasion russe en Ukraine. La hausse des coûts impacte davantage un grand restaurant ou hôtel qu’un plus petit établissement. Mais il faut regarder plus loin. En fait, il s’agit d’un cumul de beaucoup de choses qui pèsent sur notre secteur.

Est à mentionner, entre autres, la hausse des salaires à la suite des tranches indiciaires versées. On n’est pas opposé à ce mécanisme qui est important pour le maintien du pouvoir d’achat. En même temps, l’indexation représente un coût pour les patrons d’établissements.

S’y ajoute encore la hausse des prix des matières premières, qui est en partie due à la guerre en Ukraine. Tout cela pèse sur les marges.

Dans cet ordre d’idées, est-il primordial que le gouvernement prolonge les plafonds appliqués sur l’énergie, qui, pour l’instant, viendront à échéance le 31 décembre de cette année 2024?

Ce plafond a une importance pour notre secteur. Je tiens à rappeler que le Statec prévoit une hausse entre 60 et 80 % des prix pour le gaz et l’électricité. Un tel scénario va lourdement peser sur nos établissements, mais aussi sur les clients qui vont perdre en pouvoir d’achat.

On serait dès lors contents si cette mesure devait rester de mise en 2025, même si, je le répète, aucun tenancier n’est content de devoir vivre grâce à des aides étatiques.

Notre secteur serait content de pouvoir travailler normalement, mais actuellement, ce n’est pas possible.

Un commentaire

  1. Moi je monsieur Voldi masaka je intéressé de travail en avec vous je 19ans je suis encore juene

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