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Sous les chapiteaux de cirque, l’animal reprend ses droits


(photo AFP)

À plume, à poil ou stimulateur d’imaginaire, l’animal retrouve sa place dans le cirque contemporain, mais la bête de foire bien dressée s’est muée en un partenaire auquel l’humain doit s’adapter.

Avec 73 spectacles et des artistes de plusieurs continents, la Biennale internationale des arts du cirque (BIAC) a présenté pendant un mois, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, la pointe de la création contemporaine. L’évènement a pris fin dimanche. Dans Animal, dernière création de Manolo Bez, conçue avec la chorégraphe japonaise Kaori Ito et jouée sous le chapiteau du théâtre du Centaure, à l’entrée des Calanques de Marseille, quatre somptueux chevaux noirs foulent tour à tour la piste, guidés par le rythme d’une guitare électrique, d’un accordéon ou de percussions indiennes.

Au son des kartals – sortes de castagnettes indiennes – maniés par Manolo Bez, qui le monte, le fougueux Sahadeva s’élance à vive allure, épris de liberté dans une énergie explosive. «L’idée est d’abandonner la performance pour être dans la relation et l’écoute, ainsi que dans le jeu, au sens ludique du terme, avec les chevaux», explique l’artiste, qui souhaitait garder «cette vitalité animale, en partie imprévisible».

C’était «un rêve d’enfant d’être à moitié humain, à moitié animal», raconte-t-il. «On a essayé d’écouter tout ce que, eux, les animaux, ont envie de faire, de partager avec les humains, et de réveiller ainsi l’animal qui est en nous», renchérit Kaori Ito.

 

Dans Brame, de Fanny Soriano, l’animal n’est pas sur scène mais ses parades nuptiales deviennent source d’inspiration : les corps des huit artistes se roulent et s’enroulent, se lovent, se portent et se lâchent, se combinent et ondulent, formant des créatures mouvantes, grimpantes, rampantes dans une forêt clairsemée de lignes verticales. Autant de mouvements qui rappellent tantôt un lièvre, une limace, un lémurien ou un singe, un combat de béliers et puis le cerf, dont le cri lors du rut donne son nom au spectacle. «J’aime bien observer les animaux, je n’aime pas forcément les apprivoiser, je ne me sens pas supérieure, mais je ne me sens pas non plus inférieure», estime Fanny Soriano, qui, plutôt que de céder à une certaine «culpabilité d’être humain», préfère «voir les forces de chacun» pour «essayer de replacer l’humain dans la nature».

 

La circassienne avoue comprendre davantage de voir sur scène «des animaux apprivoisés depuis longtemps qui font partie de nos cultures européennes» que des créatures exotiques, dont la présence sera d’ailleurs progressivement interdite dans les cirques en France comme elle l’est déjà dans d’autres pays européens.

«Travailler avec des animaux de ferme», c’est le parti pris de la Compagnie des Plumés, qui dans Poil de la bête, son dernier spectacle, met en scène des poules, des chiens de berger et même… des canards. Une basse-cour où chacun joue sa partition, mais selon son bon vouloir : une poule accompagne le pianiste présent sur scène en tapant sur des clochettes, une autre joue parfois la funambule. «Ce que j’aime bien, c’est que la poule, on ne peut pas l’obliger : quand elle le fait, c’est généralement qu’elle en a envie et quand elle ne le fait pas, nous, on s’adapte», explique Diane Dugard, conceptrice du spectacle avec Guillaume Marsalet et le pianiste Juan Cocho.

«Après avoir commencé à travailler avec deux poules, je me suis dit que c’était génial, qu’on pouvait vraiment vivre et avoir des relations avec les animaux domestiques, sans qu’il y ait de domination», poursuit-elle. «On peut se sublimer les uns les autres», ajoute Diane Dugard.

Dans un des tableaux d’Animal, le facétieux Arjuna court après Manolo Bez : «C’est lui qui me poursuit s’il en a envie, mais si à ce moment-là, il a envie d’autre chose, c’est à moi d’être à son écoute», souligne l’artiste. Un dialogue que l’on retrouve dans le corps-à-corps avec Nakula, cheval craintif que l’artiste, quasiment nu, embrasse langoureusement dans une grande caresse sensuelle. «C’est un dialogue sans mots, un dialogue du corps, du mouvement, de la peau à la peau, peut-être ce que l’auteur Baptiste Morizot appelle une « diplomatie du vivant »», conclut-il.

 

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