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[Album de la semaine] Metz : du beau et du bruit


Voilà plus d’une dizaine d’années qu’un bruit puissant se répand depuis le Canada et, comme une déferlante, emporte tout sur son passage.

De ce raffut émergent des sons qui semblent venir d’une industrie sidérurgique, des riffs de guitare qui hurlent, un chant possédé et une rythmique de tous les diables. Le tout livré dans une énergie vitale, comme si la vie devait s’arrêter brusquement. En concert, l’effet prend corps avec des prestations abrasives, tête baissée et fureur en bandoulière. La tête qui résonne et le souffle coupé, le public, groggy tel un boxeur dans le dernier round, fait régulièrement la même remarque : «Mais comment font-ils pour jouer si fort?» Une performance que le groupe reproduit à sa guise en studio avec, en main, un carré d’albums gagnant : Metz (2012), II (2015), Strange Peace (2017) et Atlas Vending (2020).

Comme son nom ne l’indique pas, Metz vient de Toronto et non de Lorraine. Et ce n’est pas dans cette ville que le guitariste-chanteur Alex Edkins et ses deux camarades de jeu (le batteur Hayden Menzies et le bassiste Chris Slorach) ont trouvé le nom de leur groupe. Juste le hasard d’une soirée arrosée et de quatre lettres associées façon Scrabble qui claquent et qui, selon eux, correspondent bien à leur vision musicale sans compris. On est ici dans la sauvagerie rock, animale, mâtinée d’un peu de noise et de grunge (d’où sa présence, depuis 2012, sur le label de référence Sub Pop). En tout cas, Metz maîtrise la règle de trois sur le bout des doigts : trois instruments, trois accords et un nombre de décibels à trois chiffres. À l’époque, il poussait même l’idée jusqu’à proposer des morceaux qui excédaient rarement les trois minutes.

Celle-ci semble aujourd’hui éloignée, selon une formule du leader visible sur Bandcamp : «Le changement est inévitable… si vous avez de la chance!» Ou plutôt de la patience à la vue d’un groupe à la croissance naturelle, qui a pris son temps pour faire d’autres pousses, à l’image de cette rose d’un rouge éclatant sur la pochette. Le premier bourgeon, le plus visible du moins, est arrivé en pleine crise sanitaire avec un disque tout en relief porté par une chanson, A Boat to Drown In, à la mélodie imparable et qui, sur plus de sept minutes, s’amusait à multiplier les couches et à les étirer dans un long écho. Une orientation qui ouvrait des perspectives, confirmées quatre ans plus tard avec On Gravity Hill et son titre d’ouverture à la trempe identique : No Reservation / Love Comes Crashing. Dessus, la métamorphose semble totalement assumée avec ces harmonies qui lissent la fureur et amènent les compositions dans des atmosphères à haute altitude.

Le groupe continue à faire du bruit mais y ajoute une délicatesse, une finesse, un éclat

Non, Metz n’est pas devenu un groupe de post-rock, et si ses racines punks restent sensibles, elles n’ont plus la même intention : au début, le trio voulait en mettre plein les oreilles. Désormais, il cherche des formes plus complexes, comme l’imaginait déjà Alex Edkins pour Le Quotidien, en marge d’un concert en 2018 : «Il y a cette volonté de s’ouvrir à d’autres horizons, tout en restant fidèle à nos racines féroces. Rester honnête et continuer à grandir, voilà notre souhait!» Aux mots, le trio préfère les actes avec cette réunion de huit chansons qui filent vite (34 minutes), mais qui se montrent sous une nouvelle lumière, plus charmeuse, plus abordable aussi. Allez, osons le mot : plus pop. C’est certain, le groupe continue à faire du bruit (beaucoup), comme agrippé à son modèle d’origine, fait de distorsion et de dissonances. Mais il y ajoute une certaine délicatesse, une finesse, un éclat.

C’est justement ce va-et-vient qui donne à ce cinquième album une beauté particulière, à l’instar de ces chœurs enjoués sur la chanson 99, vite écrasés par la puissance des trois instruments en mode rouleau compresseur. La méthode s’explique : «On n’a jamais été assez lourd pour le metal ou le hardcore, et trop pour le rock. On n’a tout simplement pas de voie. On existe en dehors des lignes de démarcation», dit Alex Edkins. Hors cadre, le groupe montre qu’il est l’un des meilleurs d’Amérique du Nord avec cette production entre ombre et lumière, dans laquelle on peut se perdre ou s’agiter. En guise de conclusion, Metz glisse Light Your Way Home, dernier titre bien plus tranquille que les autres, et qui profite de l’appui d’une chanteuse (Amber Webber). Peut-être le signe d’une nouvelle transformation à venir.

Metz – « On Gravity Hill »

Sorti le 19 avril

Label Sub Pop Records

Genre rock

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