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[Gardiens de la nature] «En 30 ou 40 ans, nous avons perdu la moitié des hirondelles»


Même dans la ferme bio de Pierre et Caroline Witry (à g.), les hirondelles deviennent rares. Pourtant, Fernand Schoos et Mara Lang font tout ce qu'ils peuvent... (photo Alain Rischard)

Les hirondelles et les martinets noirs sont des oiseaux que l’on a l’habitude de voir, qui semblent communs. Pourtant, bien qu’ils soient protégés (ainsi que leurs nids), ils deviennent dangereusement rares…

Le retour des hirondelles est toujours un petit évènement. On sait bien que, chaque année, elles annoncent le printemps, mais les revoir, immanquablement, donne le sourire ! On les apprécie pour ce qu’elles représentent, parce qu’elles sont d’une agilité en l’air sans pareille et que l’idée du long voyage qu’elles viennent de faire épate toujours. Les hirondelles passent l’hiver sur le pourtour du bassin méditerranéen et en Afrique quand les martinets noirs, qui vivent à leur côté, peuvent voler jusqu’en Afrique du Sud ! Mais malgré tout, force est de constater qu’on ne fait pas grand-chose pour leur faciliter la vie.

« En 30 ou 40 ans, nous avons perdu environ la moitié de la population dans beaucoup de nos communes membres », souffle Fernand Schoos, initiateur et moteur du Sicona pendant de longues années. Les causes de cet inquiétant déclin sont multiples. Avec l’artificialisation sans cesse croissante des sols, elles ont de plus en plus de mal à trouver l’argile pour construire leurs nids. « Il n’y a plus guère que dans les grandes vallées comme celle de l’Alzette qu’elles peuvent en trouver », souligne-t-il. D’autre part, la disparition de 75 % de la biomasse des insectes volants en 26 ans ponctionne une bonne partie de leur alimentation. Et puis, de plus en plus de personnes n’acceptent pas de voir ces nids sous leurs corniches, qui n’existent de toute façon pratiquement plus sur les maisons modernes…

Je vais sur place pour voir si c’est possible et intéressant

Pour tenter d’inverser la tendance, le Syndicat intercommunal pour la conservation de la nature (Sicona) a lancé ses premières actions dès 2000 et instauré un suivi annuel à partir de 2009. Pour faciliter l’installation des hirondelles dans nos villes et nos villages, il installe des nids artificiels sur les bâtiments publics et privés. Le Sicona a en outre lancé un projet d’envergure en coopération avec le ministère de l’Environnement pour restaurer des zones humides, le milieu de chasse préféré des hirondelles.

Les actions pour la protection des oiseaux sont coordonnées par Mara Lang : «Lorsqu’une personne souhaite installer des nids, je vais sur place pour voir si c’est possible et intéressant. Nous préférons que des hirondelles soient déjà présentes autour du site, et la façade doit être exposée vers le lever du soleil.» Et si les fientes sont un problème, le Sicona peut fixer une tablette sous les nids pour préserver la façade et le sol.

Des nids artificiels ont été installés sur plus de 300 sites rien que pour l’hirondelle de fenêtre, comme à l’école primaire de Pontpierre où la moitié sont occupés cette année, une proportion normale. «Il ne faut pas être trop ambitieux, note Fernand Schoos, réaliste. Si l’on parvient à maintenir la population existante, dans un premier temps, c’est déjà bien.» Comme souvent dans ce domaine, il faut être humble. Les efforts payent souvent, mais pas toujours. «D’habitude, une colonie de plus d’une trentaine de couples crèche au siège du Sicona, à Olm, relève-t-il. Mais cette année, pour la première fois, il n’y en a aucune et on ne sait pas pourquoi…»

Il faut compter 25 jours avant que les petits s’envolent du nid

La situation est un peu similaire à Dippach, dans la ferme bio de la famille Witry. Cette fois, nous observons des hirondelles rustiques. «Elles préfèrent la campagne aux zones urbaines et installent leurs nids dans des endroits protégés des courants d’air, comme les étables ou les granges», détaille Fernand Schoos. Autre différence flagrante, le nid est ouvert sur la partie supérieure et posé sur une surface, plutôt que suspendu dans le vide.

Chez Pierre et Caroline Witry, les hirondelles ont tout pour elles : un environnement idéal, sans pesticides ni produits chimiques, des bâtiments ouverts et des propriétaires aux petits soins. Eh bien, même là, les hirondelles se font désormais rares. « Il y a dix ans, nous avions une vingtaine de couples, mais ils ne sont plus que quatre cette année… » déplore l’éleveur, qui amène ses vaches cinq par cinq dans la petite salle de traite.

C’est dans cet espace exigu, où les bovins vont et viennent sous les ordres de l’agriculteur, que les nids sont installés. Les hirondelles, pas farouches, font preuve de leur grande sociabilité vis-à-vis des humains. Dès que les adultes reviennent au nid, les petites têtes aux becs grands ouverts apparaissent. «Les premiers petits sont nés dans la deuxième quinzaine de mai, après deux semaines de couvaison, précise Fernand Schoos. Il leur faudra 25 jours pour s’envoler du nid.» Une deuxième nichée aura lieu en juillet-août et une fois que ces jeunes seront capables de voler, toutes les hirondelles prendront la route du sud.

Tous ces acteurs espèrent qu’une fois qu’ils auront pris leur envol autour de la fin du mois de septembre, hirondelles et martinets reviendront au pays l’an prochain et que leurs efforts n’auront pas été vains. Car malgré l’énergie déployée, les trois espèces figurent désormais sur la liste rouge des oiseaux nicheurs au Grand-Duché.

La Question : comment faire pour installer un nid artificiel chez soi ?

Vouloir aider les hirondelles est une excellente idée ! Le Sicona, qui comprend 40 communes du centre-ouest du pays, peut venir placer des nids artificiels ainsi que des tablettes pour que les fientes ne salissent pas la façade et le sol près des murs. Pour savoir si une telle installation est possible, il suffit de contacter le Sicona. Après une description de la situation, Mara Lang viendra sur place pour évaluer la possibilité de l’opération. Si la visite est positive, les ouvriers du Sicona viendront fixer avec une nacelle ces nids qui sont bien acceptés par les hirondelles.
Et une fois que les oiseaux seront partis à l’approche de l’hiver, les nids et les tablettes seront nettoyés par le Syndicat intercommunal pour la conservation de la nature. Le coût de ces mesures est intégralement pris en charge par le Sicona.

Carte d’identité

Nom : Fernand Schoos

Âge : 63 ans

Poste : Initiateur et ancien membre du comité de direction du Sicona

Profil : Après une première carrière dans les télécoms, il fait de sa passion son travail. Avec un groupe de jeunes engagés pour la protection de la nature, il participe à la création du Sicona en 1990. Il est passionné par les oiseaux, mais aussi par les reptiles, les batraciens, les insectes…

Carte d’identité

Nom : Mara Lang

Âge : 31 ans

Poste : Technicienne de l’environnement naturel

Profil : Une fois ses études de technicienne de l’environnement naturel au lycée technique agricole terminées, elle commence à travailler au Sicona. Mara coordonne les actions de protection des oiseaux et des chauves-souris pour le syndicat intercommunal.

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