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[Gardiens de la nature] En mai, on oublie la tondeuse !


Les jardins trop propres sont néfastes à la biodiversité. Laisser des espaces plus naturels, au contraire, la favorisera.

Le Sias (syndicat intercommunal pour la protection de la nature), lance cette année une campagne pour inciter les propriétaires de jardins à laisser fleurir leur pelouse. Les insectes diront merci !

On le sait, les populations d’insectes déclinent d’une manière très inquiétante depuis plusieurs dizaines d’années. Or ces pollinisateurs sont indispensables au maintien de la biodiversité, et donc de la vie sur Terre. Se sentir démuni face à ces discours catastrophistes est presque naturel, tant les échelles et les enjeux semblent nous dépasser. Mais le Sias lance cette année une action simplissime, que toutes les personnes possédant un jardin pourront très facilement mettre en application puisqu’il s’agit… d’en faire moins!

«Méi net am Mee» («Ne tonds pas en mai») incite à laisser la tondeuse dans l’abri de jardin tout au long de ce mois qui débute pour laisser le temps aux fleurs d’éclore lors des premiers beaux jours du printemps. «Le ministère de l’Environnement avait lancé un appel à projets en 2022 dans le cadre de son Plan d’action Pollinisation et cette proposition a été retenue», avance Michelle Clemens, biologiste du syndicat intercommunal à vocation multiple en charge de la protection des espèces. «Cette initiative est née en Grande-Bretagne, puis elle a essaimé un peu partout dans le monde», précise-t-elle.

Une pelouse fleurie est un paradis pour la biodiversité, notamment parce que tous les insectes vont pouvoir butiner à leur guise. Ils vont pouvoir ainsi se nourrir, assurer leur reproduction et féconder les fleurs des potagers et vergers alentour qui donneront un peu plus tard fruits et légumes.

Il faut préférer les fleurs locales

Pour que les bénéfices soient complets, il convient même de semer des graines de fleurs luxembourgeoises. Les Wëllplanzesom Lëtzebuerg produites dans le parc naturel de l’Our par des agriculteurs bio en collaboration avec le Sicona (un autre syndicat intercommunal pour la protection de la nature) et le musée national d’Histoire naturelle sont particulièrement recommandées.

On peut les trouver à de nombreux endroits dont le site web de la firme allemande qui les conditionne (www.rieger-hofmann.de), les sites d’accueil des parcs naturels de l’Our, de la Haute-Sûre et du Mullerthal, la Maison de la Nature de natur&ëmwelt (Kockelscheuer), la Fondation Kräizbierg (Dudelange), l’Ëmweltberodung Luxembourg, à la boutique du musée national d’Histoire naturelle… La liste se trouve sur internet (sicona.lu/projekte/saatgut).

«Semer des fleurs luxembourgeoises est très important parce que certaines abeilles sauvages ou certains papillons, par exemple, ne sont adaptés qu’à une fleur ou famille de fleurs, explique la biologiste. Avec les semences génériques pour pelouses fleuries que l’on trouve dans les jardineries, vous aurez de belles fleurs pleines de nectar qui attireront tous les insectes mellifères. Mais ils n’ont pas besoin que de nectar, il leur faut aussi du pollen qui servira à nourrir les larves. Or les récepteurs de pollen de chaque type d’insectes sont très spécifiques et adaptés à un très petit nombre de fleurs. Seules les espèces locales permettent à nos insectes d’être en symbiose.» En somme, avec les fleurs de jardinerie, les abeilles pourront produire du miel, mais pas assurer leur reproduction.

L’action «Méi net am Mee» permet donc de réfléchir à la valeur de son jardin et remettre en question le modèle dominant de cette pelouse façon green coupé ras encadrée par des haies taillées avec niveau à bulle et fil à plomb. «Les gens sont habitués à avoir des jardins très propres et très nets, mais entretenus ainsi, ils sont écologiquement très pauvres…» relève Michelle Clemens. La biologiste n’incite cependant pas à refuser tout entretien. «Un jardin reste un jardin et il n’a pas à être sauvage, sourit-elle. Il existe beaucoup de moyens pour introduire la biodiversité dans cet univers!» Le Sias, d’ailleurs, conseille les particuliers qui le désirent, il suffit de les appeler (Tél. : 34 94 10).

Idéalement, laisser davantage de temps entre deux tontes sera toujours une bonne idée, car on permettra alors à la petite faune de trouver ses aises. Et puis, garder une partie de son gazon non taillé en hiver en est une autre. «Les insectes ont besoin d’hiverner et, selon qu’ils soient sous forme de larves, d’œufs ou de chrysalides, ils peuvent se trouver partout : sur le sol, sur les tiges… précise Michelle Clemens. On oublie souvent que la vie des insectes représente tout un cycle et que nous devons faire attention à toutes ces étapes.»

Tous ceux qui participeront à l’action «Méi net am Mee» pourront le faire savoir grâce à un autocollant dessiné par Michelle Clemens et distribué gratuitement par le Sias sur simple demande. Cerise sur le gâteau, les propriétaires de pelouses fleuries pourront même envoyer leur photo au syndicat intercommunal (moien@sias.lu) et les plus beaux clichés seront récompensés, notamment avec de beaux livres sur la nature.

La question

Pourquoi tous ces jardins de pierre?

C’est à la mode. Souvent, au pied des nouvelles résidences ou de pavillons, on trouve des champs de graviers, des cailloux de toutes les couleurs sans un brin d’herbe qui dépasse. Alors que l’artificialisation des sols est un vrai problème, celle des jardins pose vraiment question. «Je ne sais pas d’où ça vient, soupire Michelle Clemens. Est-ce que les gens trouvent ça vraiment beau? Est-ce que ce sont des visions d’architectes qui ne sont plus vraiment discutées par les propriétaires?»

Oui, il y a là comme un mystère. D’autant que ces espaces demandent, eux aussi, du temps d’entretien. Notamment pour le désherbage qui risque bien de voir l’utilisation de produits phytosanitaires extrêmement dangereux pour l’environnement. «Deux tontes annuelles suffisent pour une pelouse à fleurs, ce n’est pas un grand travail non plus…», avance la biologique.

Carte d’identité

Nom : Michelle Clemens

Âge : 34 ans

Poste : biologiste au Sias (syndicat intercommunal à vocation multiple basé à Senningerberg) depuis 5 ans.

Profil : Titulaire d’un master obtenu après des études passées à Glasgow puis Cologne, Michelle Clemens a surtout étudié les insectes (qu’elle adore photographier), puis les poissons. Elle s’est spécialisée sur les processus qui ont mené leur évolution. Après avoir entamé sa carrière professionnelle chez natur&ëmwelt, elle a rejoint le Sias en 2018.

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