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[Le Portrait] Les derniers jours de LA moustache?


Le président de la FLF a promis de raser ce monument national si les Roud Léiwen se qualifient pour l’Euro.

Longtemps, c’est-à-dire vraiment dans les premières années de ce XXIe siècle, on n’aurait pas su dire quelle était la moustache la plus célèbre du sport grand-ducal. Il y avait celle tombante de Marc Thomé, coach à succès de DN, celle en guidon de vélo de Jean Regenwetter, le président de la FSCL, celle malicieuse de Marcel Wagener, le président du T71, celle volubile du Dr Urhausen, sommité du COSL et des sports olympiques, et puis finalement, une l’a emporté sur toutes les autres. Celle de Paul Philipp. Qui non seulement l’a trimbalée sur tous les terrains de Belgique et du Luxembourg au fil de sa carrière de joueur, sur tous les terrains d’Europe au fil de celle d’entraîneur, dans tous les congrès UEFA et FIFA depuis qu’il a entamé, il y a vingt ans depuis un mois, celle de président.

Et puis, il y a eu l’annonce. Celle qui a fait se mettre en PLS* une grande partie des supporters des Roud Léiwen, du monde du football local en général, mais pas encore des rares Luxembourgeois qui s’en moquent mais n’ont pas encore vraiment saisi la portée du déplacement en Géorgie. L’annonce? Elle a été faite sur RTL, en direct, donc enregistrée, donc archivée et elle n’est pas contestable : le président de la FLF a admis l’idée, symboliquement, de la raser, cette moustache, si le 26 mars, son équipe nationale se qualifie pour l’Euro.

Faire tomber ces quelques poils, c’est quasiment mettre à bas un monument national. L’attribut capillaire de Paul Philipp est un phare dans la nuit pour le ballon rond grand-ducal et Dieu sait qu’elle a été longue et bien sombre. On a le droit de douter de l’intensité de la lumière produite par un homme qui a aussi ses détracteurs qui ont le droit de douter de la méthodologie, mais c’est un fait qu’elle escorte le football national depuis plus de 50 ans, au travers de ses déchéances et ses reconstructions. Si Euro il devait y avoir, Paul Philipp, aux manettes, l’aurait fait non pas ressusciter (car aucune équipe de la FLF n’a encore jamais atteint ce niveau d’excellence), mais exister.

J’ai commencé à la porter vers 18 ans et c’était un petit duvet

Et puisqu’on n’a pas le droit de douter que son propriétaire agit avec légèreté envers sa propre image, il faut bien se résoudre à l’évidence : lui aussi a bien jugé de ce qui se joue cette semaine pour son sport chéri. Atteindre, après un demi-siècle de loyaux services à trois postes différents, une forme de reconnaissance absolue qui s’incarnerait sous la forme d’une tondeuse presque autant que d’une qualification.

Qui mieux que lui pourrait dire l’ampleur de l’événement qui pourrait advenir à la condition d’éliminer la Géorgie, puis le vainqueur de Grèce – Kazakhstan? La dernière fois que le petit Luxembourg a été si proche de se voir grand, Paul Philipp avait 13 ans. En décembre 1963, en quarts de finale d’un Euro qui se disputait selon une tout autre formule, bien plus «light», il avait fallu un match d’appui pour que le Danemark élimine les Roud Léiwen de Louis Pilot, alors que le Grand-Duché venait d’éliminer les Néerlandais au tour précédent.

Petz Lahure, président de Sportspress en 2024 mais alors simple étudiant en goguette présent pour ce «replay» disputé à Amsterdam (1-0), estime qu’il s’agissait «de la première finale de l’histoire du foot luxembourgeois». Si Luc Holtz et ses gars nous offrent un moment digne de celui-là, une deuxième finale en gros, c’est donc à cet état originel que retournera la lèvre supérieure du président de la fédération : «J’ai commencé à la porter vers 18 ans et c’était un petit duvet! Mais depuis, je ne l’ai jamais perdue.»

Le lendemain, Petz Lahure a posé tout de même une limite à la mythologie présidentielle : «Dans mon souvenir, Paul ne l’avait pas encore, cette moustache, pour son tout premier match en tant qu’international, le 10 avril 1969, contre le Mexique. Eux venaient de battre le champion du monde brésilien et on avait gagné 2-1. Paul avait marqué le but du 2-1.» Il serait si drôle d’apprendre que c’est en souvenir, même inconscient, de ce dépucelage contre une nation réputée pour ses fabuleuses bacchantes que Paul Philipp s’est offert ce style qu’on croyait éternel et dont on espère qu’il ne le restera pas…

Mardi matin, au Findel, il a admis en souriant, après 22 années d’une présidence paternaliste qu’«il y a assez de joueurs de l’effectif qui seraient volontaires pour tenir la tondeuse». Maxime Chanot, tout émoustillé par cette perspective, depuis les salons de l’hôtel Marriott de Tbilissi, a avoué qu’il allait «tout faire pour» que ça arrive. Cette génération semble prête à entrer dans l’Histoire et à sacrifier ce symbole. Celle de 1995, celle des 10 points, n’avait même pas songé à faire passer celui qui était leur coach sous les ciseaux de qui que ce soit. Guy Hellers a beau se creuser la cervelle, «non, je ne me rappelle pas que cela nous soit passé par la tête». C’est sans doute que la moustache attendait son heure. Une heure bien plus légendaire. Est-ce que c’est en 2024 qu’elle disparaîtra?

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