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[En coulisses] La BnL, une véritable usine au service du savoir


Derrière la façade de la BnL, l’on trouve une «maison dans la maison». (photos archives LQ/Julien Garroy)

Les apparences sont parfois trompeuses : derrière le calme de la salle de lecture de la Bibliothèque nationale se cache une activité frénétique dans des salles interdites au public.

«Pour m’entendre quand nous entrerons dans la salle de lecture, il faut que vous sélectionniez tous le même canal.» Mélanie Correia da Veiga donne les consignes tout en distribuant à la quinzaine de personnes présentes dans le vaste hall d’accueil de la Bibliothèque nationale du Luxembourg (BnL) des casques audio. Une fois en possession de l’appareil ressemblant à un petit stéthoscope, le public venu assister ce samedi matin à la visite guidée du bâtiment est tout ouïe. Des personnes de tous les âges dont le point commun est de vouloir découvrir l’architecture et le fonctionnement de ce lieu devant lequel certaines d’entre elles passent tous les jours. Ces visites d’une heure et demie remportent un franc succès depuis que la BnL a emménagé en 2019 au Kirchberg.

Auparavant, le fonctionnement de la Bibliothèque nationale était loin d’être optimal. Les livres étaient alors répartis sur sept sites différents, parfois mal entreposés dans des locaux humides. Leur déménagement dura cinq mois et s’acheva fin septembre 2019, date à laquelle les 150 employés prirent possession des lieux imaginés par les architectes Bolles et Wilson.

La salle de lecture peut accueillir 450 visiteurs. Photo : archives lq/julien garroy

Sur trois étages, la salle de lecture et ses quelque 200 000 livres de langues luxembourgeoise, française, allemande et anglaise sont rangés sur des rayonnages. Les revues, la presse et les bandes dessinées occupent le rez-de-chaussée; les livres d’art et la médiathèque sont au 2e, tandis que le 3e étage regorge des ouvrages de langues et littérature, d’histoire, de sciences… Beaucoup de lumière indirecte, du bois, du verre, du bleu et un rouge profond – qui représente le cœur de la BnL et recouvre les murs de la salle de consultation spécialisée où les livres précieux peuvent être lus.

Une bibliothèque patrimoniale et scientifique

Dorénavant, 1,8 million de documents sont entreposés au Kirchberg, soit 40 km linéaires. On y trouve comme dans chaque bibliothèque, des ouvrages papiers, numériques et numérisés, mais ce qui fait la particularité de la BnL c’est qu’elle se veut patrimoniale et scientifique. Autrement dit, tout ce qui est édité au Luxembourg ou ayant trait au pays (y compris les affiches, cartes postales, posters, livres écrits à l’étranger sur le pays) est présent en trois exemplaires et constitue le luxemburgensia, le fonds luxembourgeois.

Quant à l’engagement scientifique, il est assuré par les chargés de collections (lire encadré) qui constituent un fonds accessible aussi bien aux chercheurs qu’aux néophytes, selon une charte d’acquisition très précise. Sur les étagères, pas de romans ou guides touristiques que l’on peut trouver dans les bibliothèques municipales, seulement des œuvres d’une qualité académique.

Les ouvrages attendent d’être empruntés ou consultés sur place. Ils sont rangés selon la classification décimale de Dewey qui divise les connaissances humaines en différentes classes. Cette cote constituée d’un indice décimal suivi des trois premières lettres du nom de l’auteur et collée sur la tranche de chaque livre, indique dans quelle partie de la bibliothèque l’ouvrage se trouve.

Et si le lecteur cherche un livre en particulier mais ne le trouve pas, il peut faire appel aux bibliothécaires pour lesquels trouver un livre est un jeu d’enfant. La BnL propose d’ailleurs des formations à l’attention de son public pour l’aider à naviguer sur la plateforme en ligne de recherche a-z.lu, qui offre un accès direct aux catalogues et aux contenus numérisés par la Bibliothèque nationale.

Des ouvrages bien préservés

Les livres visibles dans la salle de lecture ne représentent en effet que la partie émergée de l’iceberg. La grande majorité d’entre eux se trouvent dans les réserves interdites au public, dans un bâtiment séparé du reste de la bibliothèque, où même la climatisation et l’électricité fonctionnent à part, par sécurité. Sur cinq étages, dont trois sous terre, sont répartis 55 dépôts, ou magasins.

L’un des 55 magasins de la BnL. Photo : archives lq/julien garroy

Ici, finie l’élégance de la salle de lecture, son ambiance feutrée et studieuse, place au béton gris et froid… La température est constante, comprise entre 17 et 18 °C, le taux d’humidité est de 50 %, des conditions optimales pour conserver les livres. Dans des grands rayonnages sur rail en acier, les ouvrages sont classés selon leurs dimensions et leur ordre d’arrivée. Les documents les plus importants sont réunis sur un même étage pour les secouristes sauvent prioritairement cette partie en cas d’incendie ou autre catastrophe. C’est d’ailleurs là que l’on trouve le plus ancien document de la BnL, un manuscrit de Grégoire le Grand, qui date du VIIe siècle.

Un livre vient d’être rendu et atterrit dans la salle de tri. Photo : i. s.

Dans cette «maison dans la maison», comme elle est appelée en interne, s’activent magasiniers et bibliothécaires qui viennent chercher et rapporter les ouvrages demandés par les lecteurs. Une partie du processus de rangement est automatisée grâce à un tapis roulant qui pré-trie les ouvrages rendus selon leur destination finale et à des puces RFID collées sur chaque livre sur lesquelles sont encodées le nom et la cote. Le magasinier pose alors le document sur un lecteur de tag connecté au système informatique de la bibliothèque pour indiquer son retour ou son emprunt. Puis il le dépose sur un chariot qui sera ensuite conduit jusqu’au bon étage.

Des livres oubliés ou réparés

L’étiquette noire indique que le livre qui devrait se trouver là a disparu. Photo : archives lq/julien garroy

C’est ce système qui permet de savoir qu’un lecteur n’a pas rendu les livres empruntés après le délai. D’abord, un courriel lui est automatiquement envoyé, et s’il ne se manifeste toujours pas, son compte est bloqué. Mais il peut arriver aussi qu’un livre soit mal rangé. Un inventaire est réalisé tous les cinq ans pour comptabiliser ce qui est perdu et doit être racheté. Il arrive aussi qu’un document réservé par un lecteur soit abîmé. La BnL explique dans son dernier rapport d’activité qu’«il est réparé en priorité, souvent dans la journée, avant d’être communiqué au prochain lecteur». Ainsi, en 2022, le service restauration et reliure de la BnL a traité «1 031 documents, dont 522 nécessitaient des traitements plus laborieux : confection de nouveaux dos, reliures collées ou cousues ou confection de nouvelles couvertures».

«Comment je choisis les livres que l’on trouve à la BnL…»

Le dernier rapport d’activité de la BnL en 2022 stipule que le montant des acquisitions pour la bibliothèque et la médiathèque s’élevait à un peu plus de deux millions d’euros. Vingt employés sont chargés de collections et ont donc pour tâche de commander les nouveaux documents. Tania Mousel, responsable adjointe de ce service et elle-même en charge des collections de sociologie, économie et commerce, nous explique le processus de décision.

En quoi consiste principalement votre métier ? 

Tania Mousel : Je dois acheter des ouvrages pour alimenter la salle de lecture et les magasins. Mais une partie importante de mon travail consiste à cataloguer les livres que j’ai achetés. Je dois enregistrer dans un logiciel le plus de renseignements possible comme le nom de l’auteur, celui de l’éditeur et les thèmes principaux. Enfin, je lui attribue une cote pour que le lecteur le trouve facilement. Et régulièrement, je suis présente pendant deux-trois heures d’affilée dans la salle de lecture pour répondre aux questions du public.

Cela implique-t-il de lire tous les livres que vous achetez ?

(Elle sourit) Non, ce ne serait pas possible, mais pour les entrer dans le système, je dois en lire le résumé, la table des matières, l’index, etc.

Sur quels critères choisissez-vous les ouvrages que vous commandez ?

Comment je choisis les livres ? Parfois, il s’agit de demandes de lecteurs, qui ont besoin d’un ouvrage spécifique pour leur doctorat, par exemple. Il m’est déjà arrivé de refuser l’une de ces demandes, car elle doit satisfaire à la charte d’acquisition. Mais la plupart du temps, je regarde ce qui a été publié récemment dans mon domaine ou s’il manque des œuvres importantes dans des séries de documents plus anciens. Je peux alors les commander, même sur le marché d’occasion.

Que stipule la charte d’acquisition ?

Plusieurs points, mais l’idée principale est que les ouvrages de la BnL doivent être de qualité académique. On évite d’acheter des romans, sauf s’ils ont obtenu un prix littéraire. Pas de livres pour enfants non plus ni des livres à compte d’auteurs, sauf bien sûr s’ils sont édités au Grand-Duché, auquel cas ils rejoignent le fonds luxembourgeois. Nous sommes différents d’une bibliothèque municipale, puisque nous sommes une bibliothèque patrimoniale et scientifique.

Informations pratiques

La BnL est ouverte du mardi au vendredi de 10 h à 20 h et le samedi de 10 h à 18 h. À condition d’avoir plus de 14 ans, vous pouvez vous inscrire par téléphone (26 55 9-101), courriel (inscription@bnl.etat.lu) ou en vous rendant sur place au 37D, avenue John-F.-Kennedy à Luxembourg et pourrez alors emprunter gratuitement des ouvrages et accéder aux documents numérisés.

Vous pouvez venir seulement pour travailler en toute quiétude dans des petites salles privées ou lire confortablement installé dans l’un des fauteuils, écouter de la musique dans la médiathèque, déchiffrer des partitions sur un piano… Et si vous aspirez au repos, rien que pour le cadre, cela vaut le déplacement. N’hésitez pas à vous renseigner sur les fréquentes conférences dispensées ou le thème de la dernière exposition.

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