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[En coulisses] Immersion dans les réserves du musée national d’Histoire naturelle


Le secteur de la minéralogie compte plusieurs milliers de spécimens au sein de ses réserves. (photos Hervé Montaigu)

Paléontologie, minéralogie, zoologie… Les collections du natur musée regorgent de trésors, d’histoires et de découvertes.

Des tiroirs à perte de vue, des squelettes de dinosaures exposés sur des étagères métalliques : nous sommes bien dans les réserves d’un musée. Dans la petite commune de Kehlen, près de Capellen, se trouve une partie des collections du musée national d’Histoire naturelle. «L’autre partie se trouve au Grund dans un bâtiment en face du musée», précise Patrick Michaely, directeur de l’institution culturelle. Ici, des milliers de spécimens sont conservés et étudiés par des scientifiques. Tous ont été regroupés au sein de plusieurs secteurs. Parmi eux : la paléontologie, la minéralogie ou encore la zoologie. Au sein de ces groupes, on y trouve des pièces provenant de la collection historique datant du XIXe siècle – période de la création du natur musée – et d’autres plus récentes acquises au fil du temps.

Toutes ces collections sont le fruit de dons issus de particuliers, de passionnés et parfois de scientifiques. «Nous avons par exemple reçu cette année, une très grande collection d’un herbier qui appartenait à une botaniste et professeure d’université. Celui-ci est en train d’être étudié par nos spécialistes pour être intégré à notre registre national», explique le directeur.

Dans l’histoire du musée, les bourgeois locaux ont pendant longtemps légué leurs collections. «Dans de nombreux pays, il était courant qu’une certaine bourgeoisie soit liée à un musée», raconte-t-il. Parfois, ces derniers pouvaient même solliciter des chasseurs de plantes ou d’animaux afin d’obtenir des espèces issues de pays lointains. Parmi ces donateurs figuraient également de grands noms. «Edmond de la Fontaine, notre poète national, nous a par exemple donné le plus ancien oiseau que nous ayons», confie Patrick Michaely.

Dans de nombreux pays, il était courant qu’une certaine bourgeoisie soit liée à un musée

À Kehlen, tous les scientifiques travaillent dans un même but, celui de faire l’inventaire de la biodiversité nationale. Alors, ils trient, répertorient et classent les différents spécimens originaires du Luxembourg, de la Grande Région et du monde entier. Mais leur travail ne s’arrête pas là. Les spécialistes ont d’autres missions comme l’entretien des collections. Régulièrement, ils vérifient la dégradation des espèces. Selon le type, les menaces sont différentes. L’humidité et les changements de température sont par exemple très néfastes pour les minéraux. Tandis que les animaux naturalisés vont souffrir des insectes invasifs. Et parfois, certains spécimens sont dans un tel état de dégradation qu’ils doivent être complètement restaurés.

De multiples découvertes

Dans les réserves de la minéralogie, tous les spécimens ont été soigneusement emballés et classés par zone géographique. Ici, on retrouve tout type de pierres formées il y a plusieurs milliards d’années dans la roche ou dans les mines. Parmi eux, sont présents des spécimens retrouvés dans le pays. «Nous avons pas mal d’espèces venant des anciennes mines de cuivre ou de plomb. C’est quelque chose qui est difficile à montrer au public, car ce sont de microcristaux», détaille Simon Philippo, conservateur en minéralogie.

Dans cette collection impressionnante de plusieurs milliers de spécimens, on retrouve aussi certains trésors. «Nous avons ici un échantillon découvert à 400 km de la frontière luxembourgeoise, à Sierck-les-Bains. C’est l’un des plus gros quartz jamais retrouvé à proximité du Grand-Duché», explique le spécialiste en montrant avec fierté le minéral légué dans les années 1980. Des pièces rares que l’on retrouve également dans l’une des collections les plus importantes de la réserve, celle du professeur brésilien Cassedanne. Cet ancien confrère de Simon Philippo a fait don à sa mort de toute sa collection de minéraux provenant notamment de mines brésiliennes.

Les minéraux demandent un entretien soigneux, car ces derniers peuvent vite se dégrader à cause des variations de températures ou de l’humidité. Un entretien à base de produits chimiques peut être nécessaire.

Quelques chiffres en bref

3 millions d’invertébrés sont présents dans les réserves sèches et humides du musée national d’Histoire naturelle.

50 000 entrées C’est le nombre de spécimens figurant dans le secteur de la minéralogie. Le conservateur précise qu’une entrée peut parfois rassembler plusieurs échantillons. «Dans certains cas, nous avons besoin de plusieurs centaines ou de dizaines d’échantillons pour analyser un minéral», précise-t-il. L’ensemble des minéraux originaires du Luxembourg comprend environ 8 000 échantillons. «La très grande majorité est étudiée», note le scientifique. Au total, les réserves comptent 41 000 minéraux.

10 000 échantillons Il y a trois ans, le professeur brésilien Cassedanne a légué l’ensemble de sa collection de minéraux. Elle représentait près de 10 000 échantillons.

45 000 C’est le nombre de fossiles présents au musée d’Histoire naturelle

7 nouvelles espèces ont été découvertes en minéralogie

Dans ces réserves, on trouve aussi de belles découvertes. Comme ce fut le cas en 2015. «Nous avions un échantillon qui se retrouvait entre deux espèces. Il a fallu pousser l’analyse pour dire que ce nouveau spécimen découvert à Bivels était inconnu dans le monde. Nous l’avons prénommé la Luxembourgite.» Une trouvaille incroyable, qui reste assez rare dans le pays. «C’est très difficile, car le territoire est très petit», explique-t-il. Par souci de sécurité, toutes les nouvelles découvertes des chercheurs ne sont pas situées dans les réserves de Kehlen mais dans une armoire blindée au musée national d’Histoire naturelle.

Des espèces, objets d’étude

La réserve humide est avant tout utilisée pour l’étude scientifique des espèces.

Un peu plus loin, dans une salle située à quelques pas du secteur des minéraux se trouve la collection humide du musée. Ici, des poissons, des crustacés et même des reptiles ont été conditionnés dans des récipients remplis d’alcool. Si la pratique est encore courante, le conservateur historique, le formol, n’est plus utilisé. «On prend d’autres alcools comme l’éthanol. Avec le formol, nous ne pouvions pas faire une analyse génétique car il conservait uniquement le bio matériel mais pas l’ADN», explique Alexander Weigand, conservateur en zoologie au musée national d’Histoire naturelle. Comme pour les minéraux, l’entretien doit se faire régulièrement. «On change souvent les contenants. Car certaines espèces, celles qui contiennent beaucoup d’eau, peuvent vite se dégrader.»

Ici, des milliers de spécimens ont été classés et répertoriés mais le chiffre total de cette collection est difficile à déterminer. «L’inventaire complet n’a pas été réalisé par manque de temps et de spécialistes», regrette le scientifique. Une collection nombreuse qui sert surtout d’objet d’étude au spécialiste. «À travers ces analyses, on peut aussi comprendre comment fonctionnent les différents perturbateurs environnementaux comme les parasites ou les microplastiques qui peuvent exister dans les rivières ou les eaux souterraines», explique le zoologiste.

Avec le formol, nous ne pouvions pas faire une analyse génétique

Dans cette collection – qui a aussi un usage pédagogique – on découvre des espèces très anciennes datant du XIXe siècle et d’autres plus récentes. «On voit par exemple certaines que l’on ne voyait pas auparavant dans le pays. Tout cela est évidemment lié au réchauffement climatique», explique Alexander Weigand. Un peu plus loin, la réserve sèche contient elle aussi des milliers d’espèces. Ici, on peut trouver une collection presque complète de papillons paléarctiques. «Nous avons 98 % des spécimens», note le zoologiste. Une réserve impressionnante obtenue grâce au travail d’un ancien scientifique du musée. Car selon les spécialités de ces derniers, certaines collections peuvent davantage se développer.

Dans ces réserves où sont rassemblés des millions de spécimens, très peu d’entre eux sont finalement exposés dans le musée national d’Histoire naturelle. Environ 5 % le sont, selon le directeur. «Pour certains secteurs, nous avons un turnover avec certaines pièces qui vont être présentées lors d’expositions temporaires par exemple», explique-t-il. Mais de nombreuses collections restent encore à découvrir et peut-être à la clé de nouvelles trouvailles.

L’aide précieuse des bénévoles

À Kehlen, deux personnes travaillent actuellement pour le secteur de la minéralogie, le conservateur Simon Philippo et son assistante. Mais face au travail colossal des collections, le scientifique a régulièrement recours à des bénévoles. «Un monsieur qui est malheureusement décédé m’a aidé durant des années toutes les semaines à faire le tri des échantillons. Il m’a fait gagner des heures de travail», indique le minéralogiste. Des anciens professeurs d’université, des passionnés ou encore des étudiants ont compté parmi les bénévoles. «Nous en avons une dizaine qui est directement liée à chaque département du musée», précise le directeur de l’établissement, Patrick Michaely.

Patrick Michaely est le directeur du musée national d’Histoire naturelle.
Les collections des musées bientôt toutes rassemblées ?

Depuis 2005, les réserves du natur musée sont installées dans un ancien entrepôt industriel.

«Ce n’est pas un bâtiment idéal pour les collections d’un musée. Au départ, c’était un choix temporaire mais par manque de place, nous sommes restés ici», explique Patrick Michaely, directeur du musée d’Histoire naturelle du Luxembourg. Mais un grand projet pourrait changer la donne. En effet, l’ensemble des collections publiques des musées du Grand-Duché pourraient bientôt être toutes rassemblées dans un même bâtiment à Dudelange. Plusieurs institutions culturelles participeraient à ce projet dont notamment le musée national d’Histoire et d’Art, le Centre national de l’audiovisuel, le Centre national de littérature ou l’INRA. Mais l’horizon est encore lointain et a été fixé à 2035. Un préprojet a d’ores et déjà été établi dans le but de constituer des «réserves dignes de ce nom».

Des vols pendant la guerre

Ce futur déménagement n’est pas le premier dans l’histoire du musée. En effet, les collections ont subi de nombreux remue-ménages. «On peut dire qu’elles ont fait le tour du pays», sourit Simon Philippo, conservateur en minéralogie. Et, cela n’a pas été sans conséquences sur les collections. «N’importe quel déménagement représente un risque pour la conservation de ces espèces. Car elles sont très fragiles et très anciennes», note le minéralogiste.

D’autres évènements ont aussi eu un impact sur les collections. Pendant la Seconde Guerre mondiale, certaines d’entre elles ont été volées lors de l’occupation allemande du pays. «Nous savons qu’un très bel échantillon d’une émeraude russe avait été inventorié avant la guerre. Depuis, nous n’avons plus aucune trace», regrette Simon Philippo.

Plus récemment, en 2021, certaines collections présentes au Grund ont été perdues en raison des aléas climatiques. «Il y a deux ans, nous avons été confrontés aux inondations dans la capitale. Cela nous a engendré beaucoup de travail par après, car nous n’étions pas préparés», explique le directeur du musée. Pour le secteur de la minéralogie, deux mois de travail ont été nécessaires pour nettoyer et trier les spécimens touchés.

E. D.

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