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[En coulisses] Les figures de l’ombre de la Philharmonie


Depuis 2005, la Philharmonie s’est inscrite dans le paysage de la capitale et trace un trait d’union entre la vieille et la nouvelle ville. (photo Fabrizio Pizzolante)

Avec près de 500 concerts par an, la Philharmonie de Luxembourg ne pourrait fonctionner sans une multitude de petites mains qui, dans l’ombre, œuvrent au bon fonctionnement de cette énorme machine.

Sous la baguette de Tarmo Peltokoski, l’Orchestre philharmonique du Luxembourg peaufine les dernières mises au point avant son grand concert. Le soir même, 1 500 spectateurs prendront place dans le Grand Auditorium de la Philharmonie de Luxembourg pour le concert de gala de SOS Villages d’enfants Monde. En attendant, dans l’ambiance feutrée de cette grande salle quasiment vide, le baryton Taehan Kim s’échauffe la voix sur les répertoires de Strauss et de Wagner.

Le mouvement se termine et le chef d’orchestre donne quelques instructions supplémentaires. D’ici la fin de la journée, artistes et techniciens seront fin prêts pour la représentation. Mais avant d’en arriver là, comme à chaque concert, de nombreuses personnes se sont affairées dans l’ombre pour livrer ce spectacle au public.

Dans les bureaux visibles depuis le grand hall, et qui semblent former un bâtiment dans le bâtiment, ou dans le socle souterrain, qui comprend les salles de répétition et les installations techniques, ils sont environ une centaine à s’activer pour proposer chaque année 500 concerts couvrant tous les styles de musique : classique, jazz, moderne, enfantine…

En tant que project manager, Christophe Galeota fait partie des premiers maillons de la chaîne. À chaque saison, il se voit attribuer un certain nombre de projets dont il va devoir gérer de nombreux aspects pratiques. Plannings, hôtels pour les artistes, instruments, matériel nécessaire… des tâches diverses lui incombent. «À la fin de la saison, on nous attribue une partie des projets de l’année suivante, explique-t-il. Le reste arrive après.»

Très souvent, chaque project manager garde les mêmes artistes d’année en année. Christophe Galeota travaille ainsi depuis dix ans avec Jean-François Zygel. De quoi créer et cultiver un lien de confiance. «Je connais les habitudes de chacun.» Ainsi que leurs petites manies, comme «le café Grand’Mère» que lui réclame le pianiste français à chacune de ses venues. En 18 ans de maison, Christophe a des centaines d’anecdotes à raconter, au point d’avoir du mal à en choisir une quand on le lui demande. «On a un jour eu un chef d’orchestre qui avait oublié ses chaussures au Royal, finit-il par se souvenir. Il nous a demandé d’envoyer quelqu’un à l’hôtel pour les rapporter. Je lui ai répondu qu’on allait plutôt faire venir l’hôtel ici pour économiser un trajet!»

Passer son temps à trouver des solutions aux problèmes de chacun, c’est l’un des challenges qui le motivent chaque jour. Comme cette fois où un artiste avait besoin d’un aluphone, un instrument à percussion composé de cloches en aluminium qu’il ne connaissait pas et qui l’a obligé à activer tous ses réseaux. «Je travaille aussi beaucoup avec le département de Frank, qui s’occupe de toute la technique.»

Cinq cents concerts et ateliers par an

Frank, c’est Frank Reinard, senior manager stage operations. «J’ai une équipe technique composée de trois stage managers pour l’orchestre et deux autres pour le reste des concerts. Mon travail consiste à gérer tous les besoins de la production et à planifier l’installation technique avec les équipements nécessaires.» Travaillant sur les trois scènes de la Philharmonie, ses équipes organisent environ 500 concerts et ateliers par an, ce qui impose tout autant de calendriers à respecter.

Ce rythme de travail prenant plaît énormément à Frank. «J’aime faire mon boulot le plus efficacement possible. J’ai commencé ma carrière ici comme responsable des lumières. J’en suis à ma 13e saison et j’ai acquis beaucoup d’expérience que je souhaite maintenant partager.» Comme Christophe, il doit composer avec de nombreux artistes. «On doit leur fournir le meilleur équipement et être bien préparé. Quand on se sent bien sur scène, on fait un bon concert : ça vaut pour la musique classique, le jazz ou autre. Et c’est à moi et à mon équipe de fournir la meilleure prestation technique possible.»

Aucun concert ne se ressemble

Le public aussi doit bénéficier de l’expérience la plus fluide possible, une fois les portes franchies. Certaines personnes, comme Elisabeth Sousa, sont donc là pour encadrer les spectateurs. Si son rôle, en tant que head usher, est avant tout de guider les gens jusqu’à leur place dans la salle et de répondre à leur question, ses missions vont beaucoup plus loin. «Nous avons un public qui vient depuis l’ouverture de la Philharmonie, précise-t-elle. Ils parlent parfois avec nous de leur vie privée. Il y a un côté très proche du public. On est toujours présent, alors les gens viennent vers nous.»

Comme avec les artistes, la dimension sociale est primordiale et une bonne dose de diplomatie est nécessaire, surtout avec les retardataires. «Certains veulent accéder au concert tout de suite, mais on ne peut les faire entrer qu’entre les œuvres. Cela peut parfois les énerver, il faut beaucoup de tact.» Pour répondre au mieux aux questions, Elisabeth et son équipe doivent également être incollables sur la représentation et travaillent donc énormément en amont avec tous les services. «Si on voit qu’il nous manque des infos, on va les chercher.» Une routine qui dure depuis onze ans et demi pour Elisabeth, mais dont elle ne se lasse pas, puisque chaque soirée est différente. «Aucun concert ne se ressemble. On ressent la salle, on la voit réagir, c’est quelque chose d’exceptionnel.»

«Casser l’image de la Philharmonie»

Pamela Cabello Lopez est là, elle aussi, pour accompagner le public, mais en amont. «Je suis senior manager marketing & digital. En gros, je suis là pour imaginer des solutions digitales afin d’améliorer l’expérience du public.» Elle travaille notamment sur la refonte du site internet, sur lequel on pourrait retrouver plus d’informations ainsi que des vidéos de l’orchestre et des concerts.

«On imagine aussi une appli en plus de Phil30 (NDLR : une appli qui permet aux moins de 30 ans d’obtenir des billets à des tarifs préférentiel). Le but est de casser l’image de la Philharmonie, qui peut apparaître comme un lieu chic et élitiste.» Les nouvelles technologies sont également à l’honneur afin de proposer des expériences plus immersives. «On peut digitaliser la programmation d’un concert pour l’agrémenter de playlists ou de contenus supplémentaires.» Parce qu’elle est dépendante des autres corps de métiers, il est important pour elle de les convaincre de l’intérêt de ces projets qui bouleversent parfois de vieilles habitudes et peuvent susciter des réticences. «Nous devons inclure tout le monde, on ne peut pas travailler en portes fermées.»

Dans le Grand Auditorium, l’orchestre termine ses répétitions. En guise de félicitations à Tarmo Peltokoski, les musiciens tapent du pied. D’ici quelques heures, ils seront 1 500 à les applaudir sans forcément se rendre compte que de nombreuses autres personnes ont œuvré en coulisses pour que le concert se déroule sans accroc. Mais pour ces dernières, aucune amertume. Le plaisir de participer à cette grosse machinerie qu’est la Philharmonie est déjà une récompense en soi.

Une institution tournée vers les jeunes

À la recherche de nouveaux publics, la Philharmonie organise de nombreuses activités destinées aux enfants. C’est notamment la mission de Pascal Sticklies, senior manager artistic planning & education. «Je suis responsable de l’équipe éducative, traduit l’intéressé. Notre action culturelle se décline en quatre axes : la programmation jeune public avec 200 concerts par an, les scolaires avec des activités organisées ici et dans les écoles, la programmation participative avec des ateliers destinés aux enfants et le festival Jeune Public.»

Le but est de créer un lien entre l’enfant et la musique dès le plus jeune âge. «La naissance est le meilleur moment pour écouter de la musique, c’est pour cela que nous organisons des concerts pour bébés.» Mais cet apprentissage ne passe pas que par la musique classique. Le jazz ou les musiques du monde font également partie de la programmation, tandis que l’interaction est au cœur de la démarche. Les enfants les plus investis pourront ainsi monter leur propre spectacle, mais de nombreuses autres animations sont organisées tout au long de l’année. De quoi rendre la Philharmonie plus accessible et moins intimidante. «Il faut s’intéresser au monde des enfants. Cela demande un certain équilibre entre souplesse et rigidité, reconnaît Pascal. Mais il faut avoir de l’ambition, la même que pour les adultes.»

Le Grand Auditorium peut accueillir 1 500 spectateurs, 140 musiciens et 190 choristes grâce à sa scène modulable. Photo : fabrizio pizzolante

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