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Couple empoisonné à Bereldange : la réclusion à vie requise contre le policier


La soeur et le beau-frère du policier venaient de prendre l'apéro sur la terrasse de l'appartement. Quand d'un seul coup, ils avaient été pris d'un malaise... (Photo : archives lq/Julien Garroy)

Pour le parquet, il n’y a qu’une seule peine adaptée pour le policier qui a causé la mort de sa sœur et de son beau-frère le 25 septembre 2016 en leur proposant un apéro empoisonné : la réclusion à vie. Dans son réquisitoire mercredi après-midi, sa représentante a parlé d’un «crime crapuleux et perfide».

Une tentative d’empoisonnement n’est pas punissable lorsque l’auteur qui a administré le poison se ravise ensuite et intervient dans le but d’empêcher le décès et y réussit. C’est la jurisprudence qui le dit, plus particulièrement un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles de 1969. «Si Gilles L. avait réagi et parlé du flacon aux secours, on aurait pu discuter. On aurait eu un cas juridique épineux… Mais aujourd’hui on n’a pas besoin de discuter», récapitulait le substitut principal Martine Wodelet, mercredi après-midi au terme de neuf jours de débats. Car «entre le moment où il a administré le poison à sa sœur et son beau-frère et leur mort, il ne s’est pas ravisé. Il n’a rien fait…»

«Rien», ce mot retentira plus d’une fois dans la bouche de la représentante du parquet. «Il ne dit rien à 14 h 29 quand il appelle le 112. Il ne dit rien non plus à 14 h 42 quand les premiers secours arrivent. Et il ne dit toujours rien pendant les deux heures où on tentera en vain de réanimer le couple : absence de réaction cardiaque. Il était 16 h 32 quand le médecin a déclaré le décès des victimes.»

«Une affaire exceptionnelle»

En entamant son réquisitoire, la représentante du parquet avait parlé d’une «affaire exceptionnelle» à tous les égards. Que ce soit pour la tragédie des faits, l’enquête dans laquelle même le FBI est intervenu… ou la manière dont le prévenu a procédé : ses recherches sur le darknet ont débouché sur l’empoisonnement de sa sœur et son beau-frère dans son appartement à Bereldange. Le couple est mort foudroyé après avoir avalé le Get 27 qu’il leur avait proposé sur la terrasse.

La question cruciale dans ce procès : le prévenu Gilles L. (30 ans) voulait-il tuer sa sœur et son beau-frère quand il a versé les quelques gouttes dans leur gobelet? Ou a-t-il causé leur mort sans l’intention de la donner?, comme l’avait plaidé la défense la veille.

Pour le parquet il n’y a aucun doute sur le fait que le trentenaire qui dort aujourd’hui à Schrassig avait l’intention de tuer. Il suffit de remonter le fil des événements tels qu’ils se sont déroulés ce dimanche 25 septembre 2016, dans l’après-midi : Gilles L. a veillé au grain à ce que ses invités boivent l’apéritif qu’il leur avait préparé. Il a tout fait pour qu’ils ne puissent pas le décliner. Comment auraient-ils pu refuser de trinquer pour son nouveau grade dans la police? Et l’intense goût du Get 27 devait camoufler la dose de poison non dilué dans le verre.

Si Gilles L. a déclaré qu’il pensait leur avoir administré de la toxine botulique, l’autopsie a révélé que les victimes avaient été intoxiquées au cyanure de potassium. Et même qu’il n’avait «pas été radin avec la dose administrée».

Deux poisons, mais une même finalité : la mort

«Cyanure de potassium ou toxine botulique? Pour caractériser l’intention, le poison n’est pas important. Car pour les deux produits, la finalité est la même : la mort», précisera la parquetière.

Pour une raison qui n’a pas pu être élucidée au cours de l’enquête, le vendeur ne lui a pas envoyé la substance qu’il dit avoir commandée. La toxine botulique est certes «le numéro 1 des poisons connus», mais elle a des effets décalés – entre 7 et 8 heures – et il y a possibilité d’administrer un antidote. Contrairement au cyanure de potassium. Mais ce détail n’aurait vraisemblablement pas changé grand-chose quand on connaît la suite des événements.

Les autres éléments qui prouvent, selon le parquet, que Gilles L. avait bien l’«intention» de tuer sont la fausse piste avec la liqueur de noix et la disparition du flacon et des gobelets. «C’était un empoisonnement. Et Gilles L. est un empoisonneur», appuiera sa représentante. Et de citer quelques extraits de l’expertise psychiatrique : «Pour quelqu’un qui ne voulait pas la mort, il a gardé un sang-froid et une présence d’esprit étonnants en voyant sa sœur et son beau-frère s’écrouler à terre.»

330 dollars pour toucher 500 000 euros?

Pourquoi ont-ils dû mourir? Si d’un point de vue juridique, le motif n’a pas d’influence sur l’imputabilité, la parquetière ne manquera pas d’en toucher un mot. Pour elle, l’histoire du voyage en Thaïlande duquel Gilles L. raconte avoir été exclu est un «motif surréel et futile. Le motif de l’argent est le plus plausible». Elle avait fait le calcul : «Il a investi 330 dollars pour le poison afin de toucher en échange un demi-million. Vu d’une certaine manière, cela valait peut-être le coup. Mais éradiquer sa famille pour cela? C’est la tragédie dans ce dossier.»

«Les victimes ne se doutaient de rien quand vous avez trinqué les yeux dans les yeux», dira encore la parquetière. «On y voit toute votre perfidie. L’empoisonnement est un crime crapuleux, lâche, sournois, traître, pervers…»

Prononcé le 31 juillet

En raison de l’atrocité de l’acte et l’absence de repentir, il n’y aurait qu’une seule peine adaptée : la réclusion à vie. Dans le box des prévenus, Gilles L. avait les yeux rivés au sol. Il ne les relèvera que quelques instants plus tard. Ses excuses pour les proches des victimes, il les avait gardées pour le dernier mot. «Peu importe quels mots j’emploierai, ils n’effaceront pas ce que j’ai fait.» «Tout cela est de ma faute, mais ce n’était pas mon intention. J’aurais dû dire ce qui s’est passé. Mais je pensais qu’à l’hôpital, cela serait réglé…», dira-t-il encore avant que les juges ne prennent l’affaire en délibéré.

La 13e chambre criminelle rendra son jugement le 31 juillet.

Fabienne Armborst

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