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Double homicide à Bereldange : il tente de faire avaler sa version aux juges


Avant l'arrivée des secours, Gilles L. dit avoir jeté le flacon et les gobelets par dessus son balcon à Bereldange. (Photo : archives lq/Julien Garroy)

Jeudi au 6e jour du procès, la chambre criminelle s’est attaquée à l’audition du policier poursuivi pour avoir empoisonné sa sœur et son beau-frère dans son appartement à Bereldange en 2016. Le couple avait bu le Get 27 que Gilles L. lui avait proposé. Il est mort foudroyé entre l’apéro et le gratin de pâtes…

«J’étais choqué. Je ne pensais pas que cela pourrait arriver.» Depuis son arrestation, le prévenu Gilles L. (30 ans) conteste avoir eu l’intention de tuer sa sœur et son beau-frère, le 25 septembre 2016 dans son appartement à Bereldange. Cela n’avait pas changé jeudi après-midi à la barre. Tous trois venaient de boire l’apéro sur la terrasse et ils comptaient se mettre à table quand le couple avait été littéralement foudroyé. Gilles L. raconte avoir versé dans leur Get 27 quelques gouttes d’un flacon qu’il avait commandé sur internet. Après qu’ils avaient trinqué, tout se serait passé très vite. Trop vite…

«Mais vous vous attendiez à quoi alors?, s’intéresse la présidente.

– Qu’ils aient, après un ou deux jours, des vertiges, des nausées et souffrent de vomissements pendant une semaine», détaille le prévenu.

Si l’analyse toxicologique a révélé que le couple a été empoisonné au cyanure de potassium, Gilles L. dit avoir été convaincu à l’époque de lui administrer de la toxine botulique. Pour lui, c’était le produit idéal pour leur «pourrir» leurs vacances en Thaïlande.

Une version qu’il aura eu toutefois du mal à faire à avaler à la 13e chambre criminelle jeudi après-midi. La présidente n’aura pas longtemps tourné autour du pot. «Dans le deuxième paragraphe sur Wikipedia, c’est écrit que la toxine botulique est de loin le poison le plus mortel pour les êtres vivants. Quand on lit quelque chose de pareil, cela on ne l’oublie pas.Et vous avez entendu ce qu’a dit l’expert toxicologue : « C’est le numéro un des poisons connus. Moins d’un grain de sel suffit! »»

Intéressé par les boîtes de conserve bombées…

Mais selon le prévenu, ce n’est pas ce qu’il avait retenu sur internet. Il se serait concentré sur les intoxications alimentaires, dit-il. C’est dans ce contexte qu’il serait tombé sur la toxine botulique. «La consommation de boîtes de conserve bombées contaminées peuvent provoquer nausées et diarrhées.»

Problème : ce n’est pas tout à fait ce qui ressort de l’historique de ses recherches sur internet longuement épluché par les enquêteurs. Son explication hier : «Je l’ai fait depuis le navigateur du darknet, le Tor Browser, cela n’a donc laissé aucune trace.» À l’époque, il aurait été submergé par un flux d’informations. Il parlera encore d’un véritable «enivrement».

Si Gilles L. dit ne plus se souvenir en détail de tout, la présidente, elle, n’en a perdu une miette de «cette impressionnante documentation sur les poisons et leurs effets» : «Le 28 juin 2016 à 17 h 36, vous n’avez pas recherché ce que vous racontez ici. Vous avez consulté une page où la question est de savoir « Où peut-on acheter de la toxine botulique non diluée? »»

«Ce n’est pas moi qui ai posé la question.

– Mais vous avez lu la réponse et c’est ce que vous avez acheté.»

«Il ne faut pas être docteur en chimie pour savoir que la toxine botulique qui se forme dans une boîte de conserve n’est pas la même chose que le produit synthétique non dilué», insistera la présidente. Et d’ajouter : «Votre version serait peut-être plus crédible aujourd’hui si au lieu d’une soupe en sachet vous aviez eu une ancienne boîte de conserve bombée chez vous!»

La chambre criminelle a aussi du mal à croire que Gilles L. n’ait eu aucune intention dans ce qui s’est passé. Car cela ne colle pas avec son comportement sur les lieux. «Quand quelque chose arrive qu’on ne veut pas, on se comporte différemment.» Il avait en effet d’abord fait miroiter aux secours que le couple avait bu de la liqueur de noix lors de sa randonnée à Vianden. Bref, c’était tout le contraire de s’il avait voulu les aider.

«Le sang-froid pour faire disparaître le flacon»

«J’étais trop lâche pour dire la vérité. J’étais complètement dépassé…

– Mais vous aviez le sang-froid de faire disparaître le flacon et les gobelets, ne manquera pas de lui remémorer la représentante du parquet.

– C’était une question de cinq secondes. Une réaction instinctive, car je savais que c’est moi.»

De l’enquête, il ressort que Gilles L. avait passé deux commandes sur le darknet en 2016, une le 19 août, l’autre le 16 septembre. Pourquoi? Le premier flacon intitulé «Botulinumtoxin Strong Poison», il l’aurait testé sur lui-même, mais sans ressentir aucun effet, affirmera-t-il. Voilà pourquoi il aurait réclamé. D’où la deuxième commande… «Qu’aurais-je fait sinon avec la première commande?», tentera-t-il de convaincre les juges. Mais la chambre criminelle restera dubitative.

L’effet foudroyant du cyanure de potassium

Sur un point en revanche, elle suit la version du prévenu : le fait qu’il dit avoir voulu administrer au couple de la toxine botulique. Les premiers effets de cette substance mortelle n’interviennent en effet qu’après six à sept heures à la différence du cyanure de potassium dont l’effet est foudroyant. «Donc votre sœur et votre beau-frère n’auraient plus été dans votre appartement à Bereldange. Vous auriez été au travail. Et alors la situation aurait été tout autre pour vous….» Mais ce n’est pas ce qui est arrivé. Le flacon contenait en effet du cyanure de potassium…

L’audition de Gilles L. à la barre se poursuit ce vendredi matin.

Fabienne Armborst

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