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La Villa Vauban sort ses nouveautés


(photos : Les 2 Musées de la Ville de Luxembourg)

Développer une collection par le biais d’achats ou de donations, c’est l’une des missions de la Villa Vauban. Le musée s’y attelle avec esprit, comme le prouve une exposition d’une cinquantaine d’œuvres, dont plus de la moitié sont nouvelles.

La Villa Vauban entretient une longue histoire avec sa collection. Elle commence au XIXe siècle, avec les legs de trois importantes collections bourgeoises qui en ont constitué le socle (Jean-Pierre Pescatore, Leo Lippmann et Eugénie Dutreux-Pescatore). Elle se poursuit ces dernières années avec de régulières expositions qui lui sont dédiées. Hors les murs, le musée, lui, continue sa politique d’acquisitions et de donations (pour son compte et celui de son homologue, le Lëtzebuerg City Museum), car comme le rappelle Guy Thewes, directeur des 2 Musées de la Ville de Luxembourg, «la collecte et la conservation du patrimoine matériel et immatériel restent des missions fondamentales».

Et comme, toujours selon lui, «une collection est au cœur de toute activité muséale», cela implique du discernement dans les choix et de la réflexion sur ce qui peut les unir. Car ici, il n’est pas question de goût, ni de passion, ni d’investissement, et encore moins de spéculation, mais bien de sens artistique et d’analyse, comme le précise Guy Thewes. «Lors de l’acquisition, on se pose toujours la même question : est-ce que l’œuvre a un intérêt pour le public et a-t-elle une histoire intéressante à raconter ?» Plus pompeusement, elle doit combiner deux atouts : avoir une valeur pour la postérité et aider le musée à assumer sa responsabilité envers la société.

Deux musées qui se partagent 150 000 euros

Pour souligner encore plus l’importance d’une collection (et sortir d’un cycle thématique entêtant), la Villa Vauban lui consacre une exposition permanente depuis 2021, intitulée «Une promenade à travers l’art», soit un «best of» d’une centaine d’œuvres censées rester plus longtemps que les autres sur les murs. Ce qui pose un autre problème : que fait-on alors des nouvelles? Le musée répond avec «Bienvenue à la Villa!», compilation des acquisitions et donations de «ces cinq dernières années». En l’occurrence, un peu moins de quarante, ce qui est beaucoup quand on connaît la hauteur du budget alloué à la cause : 150 000 euros par an (pour les deux musées), répartis entre les achats de documents historiques, d’objets et d’art ancien comme contemporain.

Heureusement, donc, qu’il existe deux autres leviers sur lesquels agir pour garnir une collection : les dons de particuliers, un moyen profitable en ce qui concerne l’art luxembourgeois, et le mécénat, nécessaire, comme le prouve la dernière campagne menée par le MNHA en vue de l’acquisition «patrimoniale» du tableau de Barend Cornelis Koekkoek (Vue sur le château de Larochette). Sur ces moyens, la Villa Vauban reste fidèle à sa ligne artistique : cibler principalement les œuvres d’art ancien, notamment la peinture néerlandaise de l’âge d’or (XVIIe siècle) et la peinture française du XIXe, mais aussi d’autres courants artistiques européens. Sans oublier, bien sûr, les artistes luxembourgeois classiques et contemporains.

Tina Gillen en mode Sol LeWitt

Un large spectre fait de peintures, dessins, gravures, photographies et sculptures, courant sur quatre siècles et donnant la part belle aux scènes de genre, aux portraits, aux paysages, aux natures mortes et aux œuvres animalières. C’est ce que confirme «Bienvenue à la Villa!», réunion d’une cinquantaine d’œuvres qui mélangent les dernières nouveautés (jamais montrées et désormais partie intégrante du patrimoine de la Ville de Luxembourg) et des achats plus anciens, prouvant ainsi, côte à côte, qu’une collection se construit méthodiquement, avec patience et rigueur : «Le musée collectionne peut-être moins, mais certainement mieux!», lâche, définitif, Guy Thewes.

Concrètement, c’est devant les œuvres qu’on saisit mieux la philosophie. Dès l’entrée, il y en a une de Tina Gillen (Sea of Green), qui vient juste d’en terminer avec la Biennale de Venise, où elle représentait le Luxembourg. La Villa Vauban lui a passé commande d’une grande fresque murale, éphémère, mais reproductible à souhait par le musée, selon un protocole artistique proche d’un Sol LeWitt. Preuve, si besoin est, que la création contemporaine n’est pas exclue des acquisitions… Juste après, on tombe sur des connaissances : deux portraits signés par Bartholomeus van der Helst, auxquels s’ajoute celui d’un jeune enfant avec un chardonneret, jusqu’alors jamais vu.

La jeune fille triste et l’oiseau mort

Une toile qui a failli échapper au comité d’acquisition (composé de conservateurs, responsables de collection et autres restaurateurs), qui surveille les ventes aux enchères en Europe et repère les plus intéressantes. La restauratrice Gisèle Reuter raconte : «Elle nous avait d’abord échappé en 2018 à Genève, avant de revenir deux ans plus tard à Prague. On a réenchéri, sans succès, une fois encore. Finalement, le vendeur s’est rétracté et on a pu avoir l’œuvre!» Un autre tableau (Deux enfants faisant des châteaux de cartes), nettoyé méticuleusement par ses soins, montre l’importance de sa fonction. D’autres œuvres de l’exposition ont aussi été restaurées. Sur l’une d’elles (Scène d’auberge), la signature de l’artiste, Gillis van Tilborgh, est même réapparue sur le pied de la table.

Des anecdotes, il n’en manque pas, à l’instar de cette peinture de Louis-Aimé Grosclaude, sur laquelle on voit une fille au «chapeau de paille», pensive et mélancolique. «J’ai toujours trouvé qu’elle avait un regard triste», témoigne Gisèle Reuter. Et pour cause, grâce à la découverte (et à l’achat) du dessin préparatoire, on découvre un détail qui manque au tableau : elle tient dans sa main un oiseau mort… À travers un jeu de correspondances sur le plan du motif, de l’époque ou de l’artiste, mais aussi des juxtapositions entre l’art ancien et l’art contemporain, «Bienvenue à la Villa!» vise large, mais ne se trompe pas. On en veut pour preuve, notamment, ce lumineux portrait du sculpteur Henri Schmitt par Auguste Trémont ou ces non moins éclatantes scènes de plage de George Willem Opdenhoff.

Outre des visées religieuses, comme ces rares scènes bibliques d’un genre qui «manque» à la collection de la Villa Vauban, affirme-t-on sur place, l’un des clous de la réunion reste l’ensemble de 24 gravures de paysages alpestres signées Alexandre Calame, dont douze sont présentées à cette occasion. Elles complètent ainsi un tableau du lac Léman du même peintre suisse. De quoi retourner à la Villa Vauban, comme l’ont déjà fait plus de 30 000 personnes en 2022, soit une fréquentation qui dépasse celle des années précédentes. On ne sait pas à quelle hauteur la collection a joué un rôle dans ce succès. Pragmatique, le musée, lui, continue de mettre toutes les chances de son côté.

«Bienvenue à la Villa !» Villa Vauban – Luxembourg. Jusqu’au 21 mai 2023.

 

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