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Non, les femmes ne gagnent pas plus que les hommes au Luxembourg


Faible taux d’emploi, temps partiel subi, pensions réduites : la situation économique des femmes n’est pas rose. (Photo d'illustration)

Le Luxembourg, champion d’Europe en matière d’égalité salariale hommes-femmes? C’est bien ce que suggère le Statec dans une note publiée ce lundi, évoquant même «un changement de paradigme» favorable aux femmes. Pourtant, la réalité est tout autre.

Dans une note publiée lundi, «à l’occasion de la journée internationale des Femmes» (sic), et immédiatement reprise dans les médias, le Statec annonce un «changement de paradigme» au Luxembourg, avec un «écart salarial en faveur des femmes pour la première fois» en 2021.

Ce qui a de quoi dérouter quand on connaît les différences énormes qui persistent sur le marché du travail luxembourgeois, et quand on sait que les salariées continuent de gagner 7,2 % de moins par an que leurs collègues masculins.

En fait, sous le nom de gender pay gap, cet indicateur européen que cite le Statec mesure l’écart entre le salaire horaire moyen des hommes et celui des femmes, exprimé en pourcentage de celui des hommes. Il est calculé par les instituts statistiques nationaux selon une méthodologie commune avant d’être transmis à Eurostat qui s’en sert pour comparer la situation entre États membres.

Avec un gender pay gap négatif à -0,2 % pour 2021, le Grand-Duché s’impose ainsi comme le meilleur élève de l’UE, grâce à un écart de salaire qui penche davantage du côté des femmes, tous secteurs confondus hors fonction publique. Autrement dit, selon ce calcul, leur salaire horaire moyen serait supérieur de 0,2 % à celui des hommes.

Le salaire horaire, un indicateur insuffisant

Une situation qui détonne par rapport aux pays voisins, où les hommes encaissent un salaire horaire moyen plus élevé – 17,6 % en plus pour les Allemands, 15,4 % pour les Français, 5 % pour les Belges – et que le Statec souligne en ces termes : «À ce jour, le Luxembourg est le seul État membre de l’UE dans lequel l’égalité salariale est atteinte». Vraiment?

Oui, un taux proche de zéro est bien le signe d’un certain progrès en matière d’égalité salariale, mais non, il ne suffit pas à refléter la situation économique des femmes au Luxembourg et il comporte de sérieuses limites. Ce que le Statec reconnaît d’ailleurs lui-même.

D’abord, parce que le marché de l’emploi local est «atypique», avec une forte composante «de salariés hautement qualifiés dans des secteurs très spécialisés» et de nombreuses femmes dans des branches où les salaires sont importants (éducation, santé, recherche, finance, services juridiques). Une donnée importante quand on évoque le gender pay gap puisque c’est une moyenne.

Ensuite, parce qu’il s’appuie uniquement sur le salaire horaire, alors qu’au Grand-Duché, les bonus, primes et autres rémunérations non périodiques sont répandues et restent largement en faveur des hommes : autant de femmes que d’hommes y ont droit, mais les montants distribués sont 30 % plus élevés quand il s’agit d’un homme.

En les faisant entrer dans le calcul, la différence de salaire annuel atteint 7,2 % comme mentionné plus haut et ce, toutes branches confondues. Or, prises séparément, elles révèlent d’importantes inégalités de salaire : c’est le cas dans l’immobilier et la finance (23 % d’écart de rémunération selon le genre), les activités scientifiques et techniques (22 %), les services (19,5 %) ou encore le commerce (20 %).

Taux d’emploi, temps partiel…

Autres paramètres qui comptent quand on cherche à évaluer la situation des femmes par rapport aux hommes au travail : le taux d’emploi et les heures payées. Dans son rapport «Travail et cohésion sociale» publié en 2022, le Statec indiquait qu’au Luxembourg, la part de femmes ayant un travail était plus faible que celle des hommes de 7,4 %. Et avec seulement 38 %, le pays affichait du même coup le plus faible pourcentage de femmes dans l’emploi total de toute l’UE.

Au niveau des heures payées, le travail à temps partiel étant surreprésenté parmi les femmes (36 % de femmes contre à peine 6 % d’hommes), elles cumulent moins d’heures rémunérées que les hommes (-13 % en moyenne).

L’OGBL Equality, mobilisé pour la marche féministe de demain (lire ci-contre), souligne, dans ce cadre, que les contrats à temps partiel sont souvent subis, notamment parce que les femmes sont nombreuses à évoluer dans des secteurs comme le nettoyage, le commerce ou les soins à la personne, où les temps pleins sont rares.

40% de pension en moins par rapport aux hommes

Et pour celles qui ont choisi de faire moins d’heures, la raison qui revient le plus est la charge de travail non rémunéré qu’elles doivent assurer dans la sphère privée (gestion du foyer, des repas, suivi médical de toute la famille, aide régulière à un parent dépendant, etc.).

Bien entendu, toutes ces disparités au long de leur parcours professionnel se répercutent au moment de partir en retraite : au Luxembourg, la différence en matière de droits à la pension est l’une des plus élevées d’Europe avec plus de 40 % d’écart entre les pensions versées aux hommes et aux femmes.

Alors que les prévisions pour 2022 tablent sur une nouvelle baisse du gender pay gap au Luxembourg, avec un indicateur à -0,4 % censé être encore plus favorable aux femmes, on aura compris que, loin de la théorie et des modèles statistiques, celles-ci restent, en réalité, confrontées à une situation économique bien moins avantageuse que les hommes.

Marche féministe mercredi à Luxembourg

L’égalité salariale entre hommes et femmes figure au cœur des revendications qui seront portées lors de la marche féministe organisée mercredi à Luxembourg par la plateforme JIF. Pour marquer la journée internationale des Droits des femmes, le rendez-vous est donné demain à 17 h, place Hamilius.

2 plusieurs commentaires

  1. vivement le rattrapage en faveur des hommes !!!

  2. chef chaudard

    à ce rythme, les feministes du monde de l’entreprise vont bientot se retrouver au chomage !!!

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