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[BD] Gisèle Halimi, l’enfance d’une rebelle


(Photo : Delcourt)

L’auteure Danièle Masse revient sur la jeunesse de la célèbre avocate et femme politique française, décédée en 2020, remontant à son enfance pour poser les prémices d’un destin exceptionnel.

Mercredi, en France, à l’occasion de la journée internationale des Droits des femmes, elle sera à l’honneur. Un hommage national lui sera même rendu, alors que d’autres voix réclament son entrée au Panthéon. Avocate, écrivaine, militante et femme politique, Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet 2020 à l’âge de 93 ans, a fait de sa vie un combat.

Soixante-dix ans de lutte contre les injustices de tous bords, voire plus pour Danièle Masse et Sylvain Dorange qui, dans leur livre, remontent à son enfance, et mettent en scène sa petite sœur qui la sermonne : «Tu n’as que ce mot en bouche : ce n’est pas juste!» Oui, le monde n’est pas égal pour tous, et encore moins pour toutes.

Comme le sous-titre le précise, on se rend ici sous le soleil de Tunisie, à la fin des années 1920. Gisèle Halimi naît au cœur d’une famille modeste d’un père d’origine berbère et d’une mère juive séfarade.

On est en pleine colonisation, et comme le dit le grand-père de la jeune Gisèle, leur pays est morcelé en un ensemble de «diverses communautés», où Français, Arabes et juifs partagent la même terre. La cohésion est fragile, surtout que dans l’air, le racisme et l’antisémitisme se diffusent, de même que les envies de liberté et d’indépendance. C’est dans ce climat que la future avocate affûte sa colère et ses idéaux.

Sa mère, «l’explication de toute (sa) démarche»

À la maison, encore loin des combats politiques, c’est Fritna, sa mère sévère et peu aimante, qui conforte une chose chez elle : elle ne sera jamais comme elle! «Elle est l’explication de toute ma démarche. J’ai voulu que les femmes ne lui ressemblent pas», peut-on ainsi lire. Dès sa naissance, en effet, celle-ci la considère comme une «malédiction», une enfant qui «porte malheur».

Ça ne s’arrange pas avec l’âge, dans cette famille traditionaliste qui la destine à un mariage précoce et pour qui le destin des filles est tracé : mariage, maternité et soumission. «Pour nous les femmes, c’est notre destin de subir!», lâche ainsi Fritna qui, décidément, ne comprend pas cette gamine insoumise et «insolente».

Gisèle Halimi, elle, refuse de faire la bonne pour son grand frère, qui a toutes les attentions des parents – garçon oblige! Surtout qu’elle a en tête, comme référence, deux légendes tunisiennes : La Kahina, guerrière berbère, et Elissa, fondatrice de Carthage.

Sans oublier ces livres qu’elle dévore, avec ses héros au grand cœur (comme celui des Misérables, Jean Valjean). Déterminée à défendre sa liberté et imposer sa volonté, elle fait alors la grève de la faim à 10 ans (pour avoir droit à la lecture) et à 13 ans pour refuser les tâches ménagères qu’on lui impose. Heureusement qu’il y a Édouard, ce père qui, s’il ne souhaitait pas la naissance d’une fille, va malgré tout la soutenir.

«Ne jamais se résigner!»

Après Une farouche liberté, sorti l’année dernière aux éditions Steinkis, ce nouvel ouvrage consacré à Gisèle Halimi avoue son ambition : poser les prémices du destin exceptionnel d’une héroïne moderne. À la vue des arguments qu’il déroule, c’est réussi.

Mais il n’y a pas que ça : dans cette biographie, il y a également ce trait d’une belle finesse et ces couleurs d’été, dressées avec élégance par Sylvain Dorange. Il y a encore ce récit, qui mêle la petite histoire à la grande : la montée du communisme (incarné par l’oncle et la tante de Gisèle), les manifestations du 9 avril 1938 réprimées dans le sang, la Seconde Guerre mondiale…

C’est d’ailleurs en 1945 que s’achève Gisèle Halimi – Une jeunesse tunisienne. Élève brillante et jeune femme obstinée, elle s’apprête alors à partir pour Paris afin d’y faire son droit et devenir avocate. Avec en tête, une phrase qui va lui servir de ligne de conduite : «Ne jamais se résigner!».

Sympathique, Danièle Masse poursuit en conclusion, et par écrit, la suite de cette vie, celle-ci plus connue : ses procès contre le colonialisme (et l’usage de la torture) et ses succès pour le droit des femmes, que l’on évoque le viol (un simple délit alors, requalifié grâce à elle en crime) ou le droit à l’avortement.

Jusqu’à sa mort, sa révolte ne l’aura jamais quittée. Ainsi, comme ultime passage de témoin, elle donnera ce dernier conseil aux jeunes filles : «Envoyer balader les conventions, les traditions et le qu’en-dira-ton. Vous êtes importantes!».

Gisèle Halimi – Une jeunesse tunisienne
de Danièle Masse et Sylvain Dorange.
Delcourt.

L’histoire

Militante féministe, célèbre avocate, défenseur des droits des opprimé(es), la rébellion de Gisèle Halimi s’inscrit dès son enfance dans la Tunisie coloniale. Très tôt confrontée au racisme et aux inégalités, elle comprend vite que seules les études la sauveront d’un destin tout tracé.

Ainsi, enfant puis adolescente, elle s’oppose aux diktats tant familiaux que politiques, résistance qui porte en germe les engagements futurs de cette femme d’exception.

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