Accueil | A la Une | [Gardiens de la nature] Les vergers, petits trésors de la biodiversité

[Gardiens de la nature] Les vergers, petits trésors de la biodiversité


Le Sicona plante et entretient de nombreux vergers dans les zones vertes de ses communes adhérentes. (Photos : erwan nonet)

Au cœur de la zone Natura 2000 de la vallée de la Mamer et de l’Eisch, une équipe du Sicona était occupée vendredi à tailler les branches de jeunes et de vieux pommiers. Un travail indispensable pour la pérennité de cet ancien verger.

Carte d’identité

Nom : Fernand Klopp
Âge : 59 ans
Fonction : directeur du Sicona Sud-Ouest
Profil : ingénieur agronome diplômé à Nancy, Fernand Klopp a poursuivi des études en écologie lors d’un deuxième cycle réalisé à Essen (Allemagne). Il travaille depuis 25 ans pour le Sicona, dont il est le directeur de la région sud-ouest depuis 2019.

Quelques hectomètres au sud de la vallée de l’Eisch et de ses sept châteaux, du côté de Roodt, le Sicona entretient un verger que la commune de Kehlen avait acheté en 2011. «À l’époque, plus personne ne s’en occupait et nous ne voulions pas le laisser mourir. Nous avons donc convenu avec la commune de l’entretenir, souligne Fernand Klopp, directeur du Sicona Sud-Ouest. Ces écosystèmes sont de plus en plus rares. En 1902, un recensement mené par l’administration des Services techniques de l’agriculture avait répertorié 1,2 million d’arbres fruitiers à haute tige dans tout le pays. C’était à ce moment qu’il y en avait le plus. Tout le monde avait son verger pour manger les fruits ou les transformer en cidre ou en eaux-de-vie. En 1993, selon un comptage de natur&ëmwelt, il n’y en avait plus que 250 000. Entretemps, 1 million d’arbres fruitiers ont disparu…»

Le passage d’une économie rurale a une économie industrielle, puis de services, a sonné le glas des vergers. Dans les années 1970, pour éviter la surproduction de fruits et donc une chute des prix, la CEE avait même octroyé des primes à l’abattage des fruitiers. Plusieurs centaines de milliers d’entre eux ont alors été rayés de la carte.

Au début, il fallait un peu négocier avec les propriétaires, mais la tendance s’est inversée!

Le verger du lieu-dit Ënner Houmert est désormais entre de bonnes mains. Sur ses 2,30 hectares, on trouve essentiellement de vieux pommiers âgés de 70 à 80 ans et une trentaine d’autres ont été replantés depuis. Les plus jeunes sont entourés d’une protection pour les protéger des bovins qui ruminent ici à la belle saison. Sans quoi, les vaches mangent l’écorce et la couronne des arbres, sans compter qu’elles se frottent aussi contre les troncs qui ne résisteraient pas. Le cheptel qui profite de ce bel enclos appartient à un agriculteur bio des environs.

Chouettes, lérots, pics, chats sauvages…

«C’est un verger idéal, sourit Fernand Klopp. Les arbres sont distants d’une quinzaine de mètres les uns des autres. Cela paraît beaucoup quand ils sont jeunes, mais il faut cela pour que les plus anciens aient la place suffisante pour déployer leur branchage.» Des fruitiers espacés, de l’herbe pâturée : voilà des conditions idylliques pour accueillir une vaste biodiversité. Ici, même pas besoin d’installer des nichoirs pour les chouettes chevêches, elles habitent directement dans les cavités des vieux pommiers. Les plus petites ouvertures sont prisées par les lérots ou les mésanges. Le pic vert est aussi un habitué des lieux : il creuse lui-même ses abris dans les vieux arbres qui, ici, ne sont pas arrachés, et avec son immense langue, il se régale des œufs de fourmis qu’il va dégotter en fouillant dans les nombreuses fourmilières qui se trouvent au sol.

Et puis, cette région est aussi connue pour abriter de rares chats sauvages. «Pour les aider, avec l’accord de la commune, nous avons élargi les haies autour de la parcelle, indique le directeur. Les chats sauvages aiment beaucoup ces taillis où ils peuvent se déplacer, élever leurs petits ou se cacher en toute discrétion.»

Les vergers, riches de toute cette biodiversité, sont donc des espaces prisés par le Sicona qui se propose d’entretenir les anciens ou d’en planter de nouveaux dans les communes membres. Les autorités communales comme les propriétaires privés peuvent en profiter, à la condition que les parcelles soient classées en zone verte. «Au début, il fallait un peu négocier avec les propriétaires pour qu’ils nous autorisent à les entretenir, se souvient Fernand Klopp. Mais maintenant, la tendance s’est inversée et ce sont eux qui nous appellent!» Lorsqu’un propriétaire souhaite que le Sicona plante un verger, une convention de neuf ans est signée entre les deux parties. Elle autorise le syndicat à planter les arbres, à les tailler et éventuellement à remplacer les jeunes plants qui n’auraient pas survécu. Le possesseur du terrain, lui, s’engage à laisser l’accès libre et à ne jamais traiter les arbres avec des pesticides. Tous les fruits lui reviennent.

Depuis 30 ans, le Sicona a planté 17 000 arbres. «Aujourd’hui, nous pourrions en planter davantage, mais il faut les entretenir. Ça ne sert à rien d’en mettre en terre sans avoir les moyens de s’en occuper correctement. Mais nous sommes en train de combler ce manque. Aujourd’hui, nous avons cinq personnes qui se chargent de la taille.»

Les plantations comme l’entretien des arbres profitent de subventions dont les montants sont définis dans le 3e plan national de la protection de la nature qui a été établi cette année. Sans ces aides substantielles, le syndicat intercommunal ne pourrait pas être aussi efficace. La plantation d’un seul arbre, avec l’installation de sa protection, revient environ à 250 euros et, selon leur âge et leur forme, entre 30 minutes et 2 heures sont nécessaires pour tailler un fruitier.

Comment entretient-on un verger?

Pour qu’un verger puisse s’installer dans le temps, il est indispensable de le tailler. C’est notamment la tâche à laquelle s’attelle Mickaël Lambert pour le Sicona. «Le principe est d’équilibrer l’arbre, pour que ses branches résistent au poids des fruits», explique-t-il. La méthode utilisée est celle dite de Oeschberg, du nom de la bourgade suisse où elle a été mise au point. «Nous laissons une flèche principale au milieu, qui tient le rôle d’une colonne vertébrale. Autour, nous guidons 4 branches charpentières dans des directions opposées, suivant un angle de 45 ° dirigé vers le haut. De cette façon, la charge de fruits ne devrait pas casser les branches.» Effectuer ce travail selon une méthode bien définie est indispensable. De cette manière, les gestes de tous les tailleurs auront la même finalité et pourront parfaitement s’inscrire dans l’histoire de l’arbre.

Il est nécessaire de tailler les fruitiers tous les ans, lors de leurs sept premières années, afin de leur donner une bonne forme. Ensuite, un passage tous les deux ou trois ans convient bien. Quant aux très anciens, une taille sanitaire de temps en temps suffit, puisqu’il n’est plus question de les contraindre à modifier leur structure. Le meilleur moment pour les tailler (et aussi pour les planter) va de l’automne à la fin de l’hiver.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.