Accueil | A la Une | Délais intenables, opacité : le Klima-Biergerrot fait son autocritique

Délais intenables, opacité : le Klima-Biergerrot fait son autocritique


Dans un pays au déficit démocratique abyssal, la participation citoyenne a de l’avenir, et pas seulement sur le climat. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Deux ans après son lancement, l’heure est au bilan pour cette assemblée citoyenne qui avait fait couler beaucoup d’encre, avant d’accoucher de 56 propositions concrètes en faveur du climat.

Une cinquantaine de citoyens et quelques représentants politiques étaient réunis mercredi pour un état des lieux des assemblées citoyennes au Luxembourg, en particulier la plus récente, le Klima-Biergerrot (KBR), qui avait suscité de nombreuses critiques en 2022. À la tribune, les chercheurs de la Plateforme luxembourgeoise de la démocratie participative ont déroulé leur analyse de l’expérience, la première de cette envergure au Grand-Duché. 

D’abord, sur le recrutement des 100 participants au Klima-Biergerrot, Emilien Paulis pointe le manque de représentativité, estimant à 20 % seulement le nombre de personnes sélectionnées par tirage au sort. Les autres provenant de candidatures volontaires ou du panel de l’institut Ilres, qui «a fait ce qu’il a pu dans le temps imparti», insiste le jeune chercheur.

Ce qui a engendré un certain nombre de biais. Le KBR regroupait des citoyens au niveau d’éducation plus élevé que la population, bien plus engagés politiquement, et davantage sensibles à la protection de l’environnement : «86 % ont déclaré avoir un intérêt pour la protection du climat, contre 34 % parmi l’ensemble des résidents.»

Concernant les experts qui sont intervenus pour présenter diverses thématiques, Emilien Paulis confirme une sur-représentation d’agents directement liés à un ministère ou une administration. Ce que regrettent certains membres : «On aurait voulu pouvoir échanger avec des ONG, des représentants de la société civile, mais c’était impossible», rapporte une dame. «Le temps a manqué et les moyens aussi, mais nous sommes fiers du travail accompli», résume un autre participant.

Le KBR se démarque au niveau européen

Du côté des bons points, les universitaires relèvent que «le KBR s’est vraiment démarqué» par rapport à d’autres initiatives en Europe, grâce à son lien direct avec l’exécutif. «Lancé par le Premier ministre, ses 56 recommandations ont fait l’objet d’un examen sérieux par l’un de ses proches conseillers.»

Une attention soutenue a été portée aux travaux des citoyens, donnant lieu à une couverture médiatique étendue et un débat parlementaire riche. Ils y voient «une expérience participative de qualité» à renouveler. Au micro, Raphaël Kies, à la fois coordinateur de l’évaluation et membre du comité consultatif du KBR à l’époque, a listé les éléments à prendre en compte pour ne plus tomber dans les mêmes pièges.

Raphaël Kies a pointé le timing trop serré et le manque de représentativité des membres du KBR.

«On devra avoir un calendrier et des objectifs raisonnables, ainsi qu’un délai décent pour la phase de préparation», avance-t-il. «Le recrutement des membres par appel au public sera à proscrire, car il ne garantit pas la pluralité d’opinions de la société, ce qui nuit à la légitimité de l’assemblée.» Pour contourner le problème, il avance l’idée d’appels à participation sans préciser quels thèmes seront explorés.

Enfin, il estime que l’information en direction du grand public devra être «complète et doublée d’une solide stratégie d’engagement», pour éviter une impression d’opacité et permettre à chacun d’apporter ses idées, même ceux qui ne feront pas partie de l’assemblée.

La piste d’une assemblée citoyenne permanente

Le Pr Graham Smith, expert international en participation citoyenne et membre du comité qui a suivi le KBR, a souligné combien le soutien des responsables politiques est crucial dans la légitimité de ces assemblées. Porté par le Premier ministre, le Klima-Biergerrot a donc bénéficié d’une puissante force de frappe. Mais selon lui, le Luxembourg a échoué sur la transparence du processus et son organisation : «Tout le monde a dû travailler dans des conditions très difficiles», a-t-il noté, ajoutant l’absence de communication à ses cartons jaunes. Graham Smith a ensuite cité les villes de Bruxelles ou Milan, qui disposent désormais d’assemblées citoyennes permanentes, et a encouragé le Grand-Duché à devenir le premier pays à le faire. Un souhait partagé par les participants : «On aimerait poursuivre avec un KBR bis ou une structure pérenne.»

Quel avenir pour les 56 propositions?

La Plateforme luxembourgeoise de la démocratie participative souligne qu’un suivi est «toujours en cours» quant à la réalisation des mesures proposées par le KBR et que, à la suite du changement de gouvernement, il est difficile de savoir si celles-ci seront prises en compte dans la version finale du Plan national énergie et climat (PNEC), attendue en juin prochain. L’accord de coalition 2023-2028 mentionne bien que le gouvernement «réaffirme son soutien au PNEC» et qu’il sera mis en œuvre. Encore faut-il que les promesses soient tenues. Bruno Henry, membre du Klima-Biergerrot, n’a pas de craintes : «Le Luxembourg n’aura pas le choix, car le mouvement est européen», estime-t-il, déjà prêt à rempiler. Le projet de la nouvelle version du PNEC comprend 197 mesures, dont 57 rejoignent les recommandations des citoyens et cinq sortent directement des débats du KBR.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.