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Affaire Bisdorff : 15 ans de prison requis contre la maman


C’est une affaire spéciale qui s’est terminée hier. Le corps du nourrisson n’a jamais été retrouvé et sa maman se mure dans le silence depuis sept ans.

Le parquet a conclu au décès de Bianka. Il serait à imputer à une privation de soins et d’aliments de la part de sa maman. Le magistrat a fustigé l’indifférence des proches.

Le procès de Sarah a débuté de manière surréaliste hier après-midi avec le nouveau témoignage de Mike, un ami de la jeune femme. À vue de nez éméché à la barre, il balbutie la théorie émise par une de ses connaissances ayant un don médiumnique, qui aurait «vu» quelqu’un jeter le bébé dans une décharge. Ce quelqu’un, d’après ses souvenirs colorés, serait Daniel, le colocataire de Sarah. De raccourcis en parallèles pas très droits, il refait l’enquête.

Le témoin avait demandé à être entendu une nouvelle fois par la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg parce qu’il avait de nouveaux éléments à apporter. Notamment que Sarah aurait crié en pleine rue avoir tué Bianka après qu’ils ont «philosophé» sur ce qui est arrivé au bébé. «Ce qui est difficile à croire venant de vous deux», ponctue la présidente face à ses élucubrations.

La théorie de la décharge et du bébé balancé par-dessus la clôture revient dans les témoignages suivants. Nadine, une amie de Sarah, l’a racontée à Mélanie il y a quelques jours ainsi qu’à la barre hier. Elle raconte avoir «entendu des gens en parler à la table d’un bistrot» à Pétange. «Sarah est devenue le sujet de conversation numéro un dans la commune», précise-t-elle. «Quelqu’un aurait emporté le bébé à vélo. On a toujours dit que c’était Daniel sur le vélo.»

L’implication de Daniel dans la disparition de Bianka ne ressort pourtant pas de l’enquête. «Je n’ai pas fait cela. Je n’ai rien à voir avec la disparition de Bianka», jure Daniel. «Je ne sors plus dans Pétange. J’en ai marre de devoir me justifier à chaque fois que je mets le nez dehors. Les gens feraient mieux de réfléchir au lieu de colporter des histoires.»

«Il ne faut pas vous étonner. Sarah vit toujours chez vous. Quand on entend ce que vous avez enregistré, on se demande pourquoi vous ne faites rien pour la mettre à la porte?», lui rétorque la présidente. «J’attendais une décision de votre tribunal», répond Daniel.

«Elle n’est plus là, j’ai vérifié»

La présidente le tance sur son détachement et son manque d’implication. «Vous étiez le plus proche d’elle. Vous auriez dû remarquer des choses qui n’étaient pas normales», s’emporte-t-elle. «Le problème dans cette histoire, c’est que personne ne s’est jamais intéressé à cet enfant.» Daniel n’aurait jamais rien remis en question, de la manière de s’occuper du bébé au fait de l’emmener en soirée dans un café en passant par le manque d’hygiène dans l’appartement constaté par certains témoins.

Daniel ne sait pas. «Votre appartement n’est pas grand au point de ne rien remarquer», lui lance la présidente. «Elle ne parlait pas», répond Daniel. «Sauf quand elle rentrait saoule.» C’est dans ces moments-là qu’il a enregistré Sarah à plusieurs reprises. Dans un enregistrement du 12 août 2020, on entend Sarah crier dans un état second.

Elle dit notamment «Je n’irai pas en prison pour Bianka» et «Elle n’est plus là, j’ai vérifié». Dans la même conversation, on entend Daniel lui dire : «Tu n’aurais pas dû la tuer.» Le tribunal a cherché à comprendre le contexte dans lequel ces phrases ont été prononcées pour pouvoir leur prêter un caractère de preuve. «Je ne sais pas comment interpréter ce qu’elle disait», indique Daniel. «Vous ne vivez pas avec quelqu’un qui ment à longueur de journée.»

À plusieurs reprises, Sarah répète avoir tué sa fille. La violence du ton et la haine qui transpire des propos sont insoutenables. Reste à savoir comment le tribunal va toiser ces «aveux». Pour le parquet, «Bianka est très certainement morte» parce que sa maman ne lui a prodigué «que le minimum syndical de soins». Pour autant, le premier substitut ne peut pas conclure à une intention de tuer. Il estime cependant que Bianka a été privée de soins et d’aliments en toute connaissance de cause. Sarah ne pouvait pas, selon lui, ne pas en avoir conscience.

«Sarah ne veut pas voir la vérité en face et se cache derrière des mensonges», lance le magistrat avant d’embrayer : «Bianka est morte parce que sa mère était têtue et en raison du manque d’intérêt pour elle de tout son entourage.» Sa maman n’aurait pas supporté sa propre vacuité et pour une question d’ego, aurait évité tout ce qui la lui confirmait, comme demander ou accepter de l’aide extérieure. «Elle a fait tout ce qu’elle n’aurait pas du faire.»

Sarah n’était pas la bonne maman qu’elle prétend être et pour cette raison, il a requis une peine de 15 ans de réclusion à son encontre. La peine la plus basse. L’article 401bis du code pénal stipule que «si les violences ou privations habituellement pratiquées ont entraîné la mort, même sans intention de la donner, les auteurs seront punis de la réclusion à vie».

Étant donné le dédain de la jeune femme lors de toute la procédure, des premiers jours de l’enquête jusqu’à hier, ainsi que le risque possible de récidive si elle venait à avoir un autre enfant, il a demandé au tribunal d’exceptionnellement lui refuser le sursis auquel Sarah pourrait avoir droit.

Le prononcé est fixé au 8 février 2023.

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