Le Sénat américain a adopté jeudi une résolution visant à limiter une action militaire de Donald Trump contre l’Iran, un nouveau camouflet pour le président américain qui devrait cependant user de son droit de veto.
Fait rare à la Chambre haute du Congrès contrôlée par les républicains, huit d’entre eux se sont associés aux démocrates pour approuver cette résolution (55 pour, 45 contre). Le texte, présenté par l’opposition, demande au président de ne pas engager les forces armées dans des hostilités contre l’Iran « ou toute partie de son gouvernement ou de son armée », sans autorisation explicite pour une déclaration de guerre ou une autorisation spécifique pour l’usage de la force militaire. Il souligne toutefois que le président garde la capacité d’engager une action militaire en cas d’attaque « imminente » contre le pays.
Huit républicains s’associent aux démocrates
Le sénateur républicain David Perdue a dénoncé jeudi une résolution « à courte vue » qui va « encourager l’Iran et augmenter la possibilité d’une attaque ». La résolution sera maintenant étudiée par la Chambre des représentants, où elle a de grandes chances d’être également adoptée. Cela lancerait « un très mauvais signal » pour la sécurité des États-Unis, avait mis en garde Donald Trump mercredi sur Twitter. Les démocrates s’étaient vivement inquiétés du pic de tensions survenu après la frappe américaine qui a tué un puissant général iranien, Qassem Soleimani, le 3 janvier.
Téhéran avait répliqué en tirant des missiles sur des bases utilisées par l’armée américaine en Irak et plus de 100 soldats américains avaient souffert de « commotions cérébrales légères ». « Le président Trump a piétiné la Constitution, contourné le Congrès et lancé une frappe qui a tué le général Soleimani », a dit la sénatrice démocrate Tammy Duckworth après le vote. « Je suis contente qu’il soit mort », a affirmé cette ancienne militaire qui a perdu ses deux jambes en Irak. Mais « cette décision fait courir un plus grand risque aux Américains car (le président) n’avait pas de bon plan pour réagir aux conséquences de la guerre ».
Une opération « disproportionnée »
La Chambre avait approuvé début janvier à une confortable majorité (224 voix pour, et 194 contre) une résolution distincte mais portant sur le même sujet. La version adoptée jeudi, présentée par le sénateur démocrate Tim Kaine a été amendée pour obtenir le soutien de certains sénateurs républicains, indignés par les informations parcellaires données par la Maison Blanche sur la spectaculaire opération contre le chef de la Force al-Qods, l’unité d’élite du régime iranien chargée des opérations extérieures.
Il y a un consensus au sein de la classe politique américaine pour dire que le gouvernement iranien « soutient le terrorisme » et que le général Soleimani était « le principal architecte de la plupart des activités déstabilisatrices de l’Iran à travers le monde », indiquait la première résolution de la Chambre. Mais les démocrates accusent Donald Trump d’avoir mené une opération « disproportionnée et provocatrice » pour éliminer Soleimani. Le milliardaire républicain estime quant à lui ne pas avoir « l’obligation » de solliciter les parlementaires avant d’ordonner des frappes militaires contre une cible ennemie.
Une base américaine frappée
En avril 2017, plusieurs élus lui avaient reproché de ne pas avoir consulté le Congrès avant de mener des frappes contre une base militaire syrienne, selon lui responsable d’une attaque chimique contre des civils dans la province rebelle d’Idleb. Depuis 1973, la « War Powers Resolution » contraint le président américain à obtenir l’autorisation du Congrès pour toute intervention militaire de plus de 60 à 90 jours. George W. Bush l’avait obtenue après les attentats du 11 septembre 2001, puis avant l’intervention américaine en Irak. Elles n’étaient pas limitées dans la durée. Ces deux autorisations constituent la base juridique controversée des opérations américaines en Irak et en Syrie contre le groupe État islamique (EI).
Le vote est intervenu alors qu’une base aérienne abritant des soldats américains dans le nord de l’Irak a été frappée par une roquette, sans faire de blessé selon un premier bilan des sources de sécurité. L’armée américaine a également annoncé jeudi avoir intercepté en mer d’Oman une cargaison d’armes iraniennes destinés aux rebelles yéménites Houthis. En 2019, Donald Trump avait déjà subi un camouflet quand le Congrès avait voté une résolution exigeant l’arrêt du soutien américain à la coalition militaire saoudienne dans la guerre au Yémen, à l’exception des opérations visant les groupes jihadistes. Il y avait mis son veto.
AFP/LQ