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[Concert] Les Luxembourgeois de « The X » musclent leur jeu


(photo Jil Zago)

Après son set aux Francofolies d’Esch-sur-Alzette et un premier EP à la froide mélancolie, The X brise la glace avec un second plus rentre-dedans, taillé pour le dancefloor. Entretien.

En 2023, Some Beautiful Things Come from Dark Places définissait The X en tant que douche froide sonore. La cold wave, triturée, y était remise au goût de la nuit. Les Luxembourgeois Sarah Kertz et Yannick Stein sont de retour avec The World Is Burning Let’s Dance, un EP plus furieux que le précédent, plus techno.

Plus incandescent aussi. Après la glace, le feu : place à la hot wave ! Le monde brûle-t-il ? «Je danse donc je vis», pour remixer Descartes. En attendant la sortie du disque demain à la KulturFabrik, rencontre avec «Yacko», la moitié du duo.

La vague « cold«  et « dark«  colle plutôt bien à l’époque : quand on voit l’actualité, il n’y a pas de quoi rire…

Yacko : Ah, c’est vrai. Chez The X, il y a des éléments cold et dark wave, mais ça reste compliqué pour moi de mettre une étiquette sur ce qu’on fait. Avec nous, beaucoup d’influences se croisent. Mais, oui, il n’y a pas de quoi rigoler en ce moment. Ça se reflète en effet dans notre son.

L’EP précédent (Some Beautiful Things Come from Dark Places) était plus moelleux, celui-ci est davantage agressif, sombre.

On parle de tubes de l’été, mais pas de tubes de l’hiver : n’est-ce pas ce que fait The X ?

Au niveau de l’univers sonore, ça fait sens. Disons qu’on crée une musique pour les gens de la nuit qui vont dans des petits clubs techno. Si avant je parlais de trip pop, on se rapproche désormais de l’electro-punk – quand la techno enlace le rock. Je suis quand même guitariste à la base!

Après notamment Placebo, vous reprenez à votre tour Running Up That Hill de Kate Bush. C’est la série Stranger Things qui vous a donné envie de la chanter ?

On est fans de Kate Bush, qui est une grande artiste avant-gardiste. Après avoir vu Stranger Things, où Running Up That Hill joue un rôle important, je me suis dit qu’il fallait qu’on la reprenne. Et quand on a joué dans des festivals, c’était parfait pour démarrer le set. Les gens se rapprochaient de la scène car ils reconnaissaient la chanson, alors diffusée partout grâce à sa réhabilitation par la série.

La musique a décidé à notre place : elle a sa propre vie

Baudelaire considérait l’étrangeté comme « le condiment nécessaire de toute beauté« . Êtes-vous d’accord ?

La beauté n’a pas nécessairement besoin de ça. Elle peut exister aussi dans ce qu’on connaît bien. Mais avec The X, la beauté réside en effet dans l’étrangeté, au sens où le projet a évolué sans qu’on sache trop où il allait. On s’est simplement laissé conduire, en toute confiance, par les vibrations. La musique a décidé à notre place : elle a sa propre vie.

Sur la pochette de votre précédent EP, le X de l’un des deux verres de lunettes que porte la jeune femme ressemble à celui du disque éponyme de The XX. Est-ce un clin d’œil ?

On ne s’est pas rendu compte de ça, non. Mais, oh, bien vu! On nous a souvent comparé à The XX, à cause du nom, mais je trouve que ce qu’on fait est très différent. Il y a en revanche des clins d’œil à Nine Inch Nails, Pixies…

Dans le morceau Freak, vous glissez en effet un « where is my mind« 

« Where is my mind, I have a head like a hole…« . Pixies et Nine Inch Nails en une phrase! Il y a Queen aussi dans WTF – « Is this the real life? Is this just fantasy?« , qu’on entend sur Bohemian Rhapsody. Bon, Where Is My Mind, c’est également pour le film Fight Club, la scène finale avec le monde qui s’écroule.

On nous distrait avec de la merde. De la merde !

À l’image de votre nouvel EP, The World Is Burning Let’s Dance, non ?

On vit dans des temps instables, et le monde part en sucette. L’EP est socio-critique, mais on est plus dans l’observation que dans la stigmatisation. Les titres font allusion à des évènements récents. Le problème, c’est qu’on ne pourra pas changer quoi que ce soit. On nous distrait avec de la merde. De la merde! Les médias et les réseaux sociaux? Absurdes. L’album exprime ce ras-le-bol et cette envie, ce besoin, de crier et de danser. C’est une échappatoire! Quand on danse, on est dans un état second. On oublie tout! Ce matin, j’ai vu une vidéo avec des gosses qui dansaient à Gaza, entourés de buildings détruits. Quand le monde s’écroule, on peut quand même danser…

Selon The X, la musique doit-elle forcément avoir une portée subversive ?

En anglais, on dit : « If art has no meaning is only decoration« . Quand je regarde autour de moi, l’art, et la musique tout particulièrement, j’y vois souvent du remplissage. C’est vrai, il y a de l’art avec de la substance, du contenu, mais on dirait que le grand public ne s’intéresse plus qu’exclusivement au divertissement. Kurt Cobain disait d’ailleurs : « Here we are now, entertain us« .

Le X de votre nom renvoie à « Xperiment«  : est-ce qu’il y a encore beaucoup à expérimenter aujourd’hui dans la musique ?

La musique électronique a toujours été futuriste, à la recherche de sonorités. Nous, on est en quête, non pas d’une identité sonore, mais de nouveaux traitements, d’astuces variées, de reliefs. Pour la configuration en live, on va d’ailleurs insérer des projections. On veut créer une véritable expérience audiovisuelle. Je ne dis pas que la musique est limitée mais on peut toujours amplifier les sensations, avec des vidéos ou, plus abstrait, par l’utilisation de lumières.

Comment voyez-vous l’avenir de l’électronique ?

La musique fonctionne par cycles. On va peut-être aller, petit à petit, dans le sens inverse de ce qui fonctionne aujourd’hui. Face à une musique hyper-chargée et complexe, il y aura, qui sait, un contre-mouvement, plus épuré. Les tempos sont bien montés dans la techno : on est passé de 120-125 à 140-160 BPM (NDLR : battements par minute). On pourrait alors revenir à des choses plus lentes. Si ça se trouve même, l’autotune s’arrêtera parce que tout le monde sera soûlé d’entendre les mêmes voix.

Sur WTF?!, on dirait que la voix qui prononce « What the fuck?!«  sort d’un mégaphone saturé. N’auriez-vous pas envie de jouer encore plus avec les effets vocaux ?

C’est cool que la voix ressorte de l’instrumentation parce qu’elle est peu traitée, mais oui, on adore la réverbation et la modulation. Ça pourrait être un point d’exploration dans le futur car on ne s’y est pas aventurés tant que ça. En studio oui, mais en live moins. C’est très technique. On aime aussi les effets de voix flippants…

Broken Bombs, votre autre groupe, a sorti un album intitulé A Full Mental Racket et on sent l’influence du cinéma dans The X. Y a-t-il des films ou cinéastes en particulier qui inspirent vos chansons ?

Je suis fan de science-fiction : Metropolis, Blade Runner, Ex-Machina… En fait tout ce qui est sombre et dystopique. Blade Runner, selon moi, correspond à l’époque dans laquelle on vit. J’adore également Lars Von Trier, Gaspar Noé, David Lynch. Le dénominateur commun, c’est que ce sont tous des réalisateurs qui ne font pas de compromis. L’ambiance est toujours dense, impossible de s’y échapper! C’est ce qui m’inspire : je veux créer de la densité, aller dans le moindre des détails. Nos clips sont parsemés de détails cachés…

Si The X était la bande-son d’un film X ?

Ça serait sûrement quelque chose de gothique et de fétichiste. Un peu comme au Berghain (NDLR : célèbre club techno de Berlin). On est fans de cet endroit!

Du KitKat Club aussi ?

Le KitKat, c’est très « kinky »! Au Berghain, il y a la même chose mais pas que ça. Et l’architecture colle bien à la musique qui y est jouée. Ah, l’architecture, autre grande source d’inspiration…

Rosario Ligammari

«Release Show» Support : Der Alte Jäger et Steve K. Demain à partir de 20 h. Kulturfabrik – Esch-sur-Alzette.

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