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Fin du roaming : Viviane Reding savoure sa victoire


Après avoir combattu les frais de roaming, Viviane Reding va savourer sa victoire jeudi. (Photo : Isabella Finzi)

Commissaire puis parlementaire européenne, Viviane Reding a lutté pendant un peu plus de dix ans pour abolir les frais de roaming, véritable vache à lait des opérateurs télécoms. Jeudi, la Luxembourgeoise aura gain de cause, puisque ces frais vont définitivement disparaître.

La fin des frais de roaming arrive, après dix ans de combat. Êtes-vous satisfaite que votre travail à la Commission européenne et au Parlement européen porte enfin ses fruits?

Viviane Reding : Satisfaite, oui. Même si c’est incroyable que cela ait duré dix ans. Pourtant, il ne faut pas se tromper sur ce laps de temps. Nous avons avancé palier par palier en abaissant progressivement les frais de roaming, puis des SMS et des données (datas). Car si nous avions décidé d’un abaissement net et brutal, le manque à gagner pour les opérateurs aurait été bien trop violent, risquant un déséquilibre majeur des entreprises de l’industrie des télécoms.

Vous avez donc tenté de ménager les entreprises des télécoms. Pourtant, elles ont férocement combattu votre projet consistant à abolir les frais de roaming.

Nous avons avancé pas à pas, effectivement. Mais la « bagarre » avant que le projet de loi proposé par la Commission devienne une loi a également été incroyable. Notamment car les gouvernements européens avaient été bien influencés par les lobbys des opérateurs historiques de chaque pays, qui eux ont freiné des quatre fers.

C’est-à-dire?

Les opérateurs historiques, dans chaque pays membre, avaient expliqué à leur gouvernement que si ce projet aboutissait, ce serait la faillite assurée. Aucun gouvernement ne voulait assister à cela et être responsable devant les citoyens.

Qu’est-ce qui a fait changer d’avis les gouvernements?

C’est ce que j’appelle le « hold-up de Hanovre » en 2007. Le Parlement européen, les associations de consommateurs et la presse soutenaient le projet. J’ai profité d’un Conseil des ministres en charge des télécoms pour faire un coup de bluff. J’ai annoncé devant les ministres et la presse, après un Conseil informel, que ces messieurs avaient pris une décision au sujet du roaming et qu’ils s’étaient mis d’accord sur un plafond de 50 centimes par minute, alors qu’il n’en était rien. Devant l’emballement et les félicitations de la presse, les ministres n’ont pas pu faire marche arrière et sont allés dans le bon sens. Un véritable hold-up.

Par la suite, les ministres ont dû vous en vouloir, non?

Pas vraiment, dans la mesure où la presse avait loué le travail des ministres. Ils n’allaient pas tirer une croix sur ces louanges.

Revenons au début. Comment le dossier du « roaming » a-t-il atterri sur votre table?

En raison de mon expérience luxembourgeoise. Des citoyens m’avaient alerté sur la problématique des frais de roaming, par exemple des artisans devant s’acquitter d’énormes factures de téléphone après avoir été travailler de l’autre côté de la frontière. La facture de téléphone revenait plus cher que la prestation de l’artisan. Même chose pour les jeunes Luxembourgeois étudiant à l’étranger qui se retrouvaient avec une facture énorme après avoir téléphoné à leur famille. De plus, j’entendais les mêmes discours de la part de parlementaires européens.

Cela n’explique pas pourquoi vous vous êtes passionnée pour le dossier…

En fait, il y a eu trois raisons. La première est qu’après avoir analysé la problématique des frais de roaming, nous avons constaté une aberration entre ce que coûtait le roaming à un opérateur et le prix facturé au consommateur. Il n’y avait tout simplement aucune relation entre le coût et le prix. Deuxièmement, les seules frontières restantes étaient, avec le roaming, celles de nos téléphones. Peut-on construire une Europe avec un « droit de passage » comme pratiqué au Moyen Âge? Enfin, j’avais déjà à l’esprit la nécessité de construire un grand marché unique du digital. Le roaming était une des barrières à la construction de ce grand marché.

Comme vous l’avez expliqué, les opérateurs télécoms et les lobbys ne se sont pas laissé faire…

C’est bien simple, je n’ai eu que des fins de non-recevoir des opérateurs télécoms. Ces derniers m’ont ri au nez en me disant que je n’y arriverais pas. Pourtant, j’ai bien expliqué qu’aucun commissaire européen n’aime faire une intervention sur le marché, mais que s’il fallait le faire, je le ferais. Ils m’ont ri au nez, mais je l’ai fait.

N’est-ce pas l’attitude des opérateurs télécoms envers vous qui a nourri votre volonté d’aller au bout? Au final, c’est une histoire d’ego, non?

En tout cas, c’était mal me connaître. Ils ont dû se demander qui était cette petite femme venant de ce petit pays qu’est le Luxembourg.

D’ailleurs, c’est un autre Luxembourgeois qui a récemment tapé du poing sur la table dans le dossier du roaming…

Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne. Jusqu’à la fin, les entreprises des télécoms ont essayé de garder leur vache à lait.

Vous n’avez jamais pensé à jeter l’éponge?

Non, je n’ai jamais renoncé. J’ai commencé le travail, je voulais le terminer. J’ai d’ailleurs eu la chance de rester au Parlement après avoir été commissaire européenne, afin de pouvoir encore agir. Il faut également souligner que pas mal de personnes m’ont suivie jusqu’à la fin, dont la presse.

Entretien réalisé par Jeremy Zabatta

Retrouvez l’intégralité de l’interview dans Le Quotidien papier de ce lundi

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