Dans le procès autour de la mort brutale d’Ana Lopes, la défense plaide l’acquittement de l’ex-petit ami. Sinon, elle demande que la chambre criminelle ordonne une reconstitution de la manipulation du scotch saisi sur les lieux du crime à Roussy-le-Village.
«Un dimanche soir entre 23 h et 1 h, il y a peu de mouvement dans les rues de Bonnevoie. Et le quartier est quadrillé par les caméras de vidéosurveillance. Donc il y a une grande probabilité de rentrer dans leur champ de vision et d’être filmé tôt ou tard. Mais ni Marco B. ni son véhicule n’apparaissent dans les environs du domicile de la victime alors qu’à 22 h 48, il a facilement été identifié à bord de son véhicule…» Mercredi après-midi, au 14e jour du procès autour de la mort brutale d’Ana Lopes, la parole était à la défense de son ex-petit ami.
Me Gennaro Pietropaolo en est convaincu : les enquêteurs n’ont pas suivi la bonne piste, «Marco B. n’a pas commis le forfait qu’on lui reproche.» Car cette nuit-là, le trentenaire déclare ne pas avoir quitté la maison après être rentré. Les caméras ne prouvent pas le contraire. Toujours selon la défense, au vu des traces retrouvées sur les lieux du crime, «d’autres pistes sont envisageables».
Ana Lopes a été surprise par son ravisseur, route de Thionville, le 16 janvier 2017, vers 1 h. Entre les traces de sang et le sachet McDonald’s contenant les deux Happy Meal que la jeune femme avait achetés à 0 h 49 a été retrouvé un serre-câble qui s’avère du «même type et de la même marque» que ceux saisis lors d’une perquisition, début mai 2017, dans le dépôt à Howald où travaillait son ex-petit ami Marco B. Mais les traces ADN mises en évidence étaient celles d’Ana Lopes mélangées à celles d’un ami avec lequel elle a passé la soirée. «Qu’est-ce qu’on aurait fait de cet ami si on n’avait pas trouvé l’ADN de Marco B. sur le ruban adhésif à Roussy-le-Village, en Lorraine?», s’interroge Me Philippe Penning.
«Il y a pu y avoir transfert d’ADN»
«Le scotch a été l’élément déclencheur pour placer Marco B. en détention préventive», constate la défense. Sur l’entame de la face collante du rouleau, l’ADN de la lignée paternelle de la famille de Marco B. a pu être mis en évidence. Mais la défense se méfie de cet indice en raison de ses «quantités extrêmement faibles». Selon elle, ce n’est pas une preuve que Marco B. a manipulé l’objet découvert à 55 mètres de la BMW incendiée contenant le corps calciné d’Ana Lopes. Le scotch pouvait déjà se trouver dans le véhicule. Et «il y a pu y avoir transfert d’ADN de l’enfant : la victime a pu manipuler le scotch en y laissant ce mélange avec son profil féminin majoritaire».
Ce qui dérange également la défense, c’est que «la pièce à conviction a été manipulée lors d’une première expertise, certes avec précaution, mais l’entame a alors été légèrement décollée». Bref, l’expert en identification génétique n’aurait pas eu à sa disposition, pour son analyse, la face collante dans son état de découverte.
En deux minutes de la croix de Bettembourg à Entrange?
Pour les données de géolocalisation du portable de Marco B., la piste des enquêteurs ne colle pas non plus, estime la défense. Elles ont permis de retracer un déplacement en France le 16 janvier en début d’après-midi, plus exactement près de Kanfen, donc non loin de Roussy-le-Village. L’hypothèse : serait-il repassé près du lieu du crime? «À 13 h 55, il se trouvait près d’Entrange, alors qu’à 13 h 53, il se trouvait encore à la croix de Bettembourg. Impossible de parcourir ces 9,2 km en deux minutes», calcule l’avocat. D’autant plus que «le point de géolocalisation se trouve en pleine forêt, même pas sur un chemin carrossable». «Et à 14 h 14, il est à nouveau géolocalisé près du parc Merveilleux à Bettembourg.»
«S’il évite de prendre son portable pour commettre les faits la nuit, pourquoi le reprendre le lendemain pour se rendre sur les lieux?», argue encore Me Pietropaolo. Entre 22 h 51 et 6 h 21, le portable de Marco B. n’a en effet pas bougé. Et il n’a répondu ni au SMS ni à l’appel de sa mère. Sa phrase – «De toute façon, je n’avais pas le téléphone avec moi» –, lâchée vendredi face aux juges, a suscité certaines interrogations. «Son affirmation repose sur les données de géolocalisation», a reprécisé Me Pietropaolo mercredi. Le fin mot de sa plaidoirie est le suivant : «Vous devez acquitter Marco B. purement et simplement.»
Au cas où les juges n’arriveraient pas à cette conclusion, il propose d’ordonner une reconstitution de la manipulation du rouleau de scotch avec et sans gants. «Le résultat qui en ressortira pourra alors être comparé aux résultats de l’expertise génétique qui figurent au dossier.»
Ce jeudi après-midi, la chambre criminelle entendra le réquisitoire du parquet.
Fabienne Armborst
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