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[LuxFilmFest] Pierre Földes : «Mon but est d’inspirer les gens»


Avec son long métrage adapté de nouvelles de Haruki Murakami, Pierre Földes réalise un conte à la poésie étrange, une ode à l’inspiration, dont l’ambition artistique est de réinventer la forme et le fond.

Distingué par une mention du jury au dernier festival d’Annecy, Saules aveugles, femme endormie a depuis fait un beau parcours international, jusqu’à aujourd’hui, au LuxFilmFest, où le film d’animation du réalisateur français Pierre Földes – coproduit au Grand-Duché par Doghouse Films – est en compétition officielle.

Pour ce premier long métrage choral, l’artiste, musicien et cinéaste adapte six nouvelles d’Haruki Murakami qui se déroulent en 2011, au lendemain du séisme au Japon qui a fait plus de 18 000 morts et disparus.

Des récits intimes ou plus grands que nature, du drame à la comédie, Saules aveugles, femme endormie est un conte poétique aussi bouleversant que jouissif. À l’occasion de son passage au LuxFilmFest, Pierre Földes raconte la réalisation d’une œuvre à l’ambition hors norme.

Quel a été le point de départ de ce film?

Pierre Földes : Ce projet est né de l’inspiration. J’ai commencé à lire Murakami il y a longtemps, quand je vivais aux États-Unis et que je ne faisais pas encore de films. Puis j’ai fait un court métrage en prises de vues réelles et en animation, et j’ai rencontré un agent qui m’a demandé s’il y avait un projet que je désirais.

Je lui ai répondu que je voulais faire un film d’animation adapté de nouvelles de Murakami. Ça s’est mis en place assez rapidement, car Murakami a tout de suite aimé l’idée que je lui avais soumise. Le reste du projet, malheureusement, a été beaucoup plus long (il rit).

Dans ce projet ambitieux, le premier enjeu est scénaristique : vous nouez entre elles des histoires qui n’ont, au départ, pas de lien, voire qui appartiennent à des genres différents…

C’était un casse-tête, c’est vrai, mais qui ne m’a pas cassé les pieds (il rit). Un casse-tête fabuleux : je me retrouvais comme devant un objet magique que j’avais entre les mains, mais dont je devais trouver la solution pour le faire fonctionner. Ce qui s’est fait de manière très instinctive. Ce voyage magique, c’est ce qui m’a toujours attiré dans l’œuvre de Murakami et c’est ce qui m’a inspiré.

J’espère que cela inspirera ceux qui verront le film. Murakami donne à voir ce qu’il y a sous la surface, mais il faut savoir lire entre les lignes, interpréter, laisser aller son cerveau, son cœur et son corps à ressentir des choses et savoir les exprimer. Un bouquin, c’est une succession de phrases écrites par une personne; l’interprétation qu’on en fait n’a plus rien à voir avec l’auteur mais avec soi-même, avec notre propre expérience. C’est comme ça qu’on s’approprie une œuvre, et c’est par ce prisme que j’ai pris ce qui m’intéressait de Murakami.

Le choix des nouvelles est donc le fait d’une sensibilité toute personnelle?

Tout à fait. Imaginez que vous êtes dans une cuisine où il y a une infinité d’ingrédients qui ont tous l’air attirants : à partir de cela, je veux composer un plat, mais je ne sais absolument pas lequel. Je veux juste l’élaborer moi-même, et pour ce faire, je me laisse aller à l’inspiration, et non à mes connaissances théoriques.

C’est pareil avec ce film : je refusais de me servir de techniques scénaristiques classiques, j’en avais marre de ça. Je voulais essayer autre chose, plus proche de ce qu’on voit dans les séries.

Ce refus du scénario classique semble loin de la préparation extrême qui est de rigueur dans l’animation. Vos choix artistiques ont-ils compliqué le financement et le montage du projet?

Un peu… (Il réfléchit.) À partir du moment où on choisit de travailler à partir de plusieurs nouvelles, on se met dans une situation qui n’est pas des plus simples. Quelque part, ces difficultés, c’est ce que je recherchais. Je ne suis pas attiré par les choses trop simples, au contraire : ce qui m’intéresse, c’est le fait de rendre aussi limpides que possible des choses compliquées. Mon but est d’inspirer les gens. Ce film naît d’un besoin de faire quelque chose d’unique. Mon approche n’est pas expérimentale ni industrielle, elle est artistique.

Vous signez également la musique du film. C’est une autre manière, pour vous, d’être inspiré par Murakami?

Oui. J’avais des tas d’idées mais, plus que des idées précises, c’étaient des sonorités que j’avais en tête. Une sensorialité, même, que je voulais approcher à petits pas pour ne pas la fragiliser.

Avec cette ambition de réinventer la forme et le fond, votre équipe vous a-t-elle suivi facilement?

La plus belle chose sur ce projet, c’était de travailler avec des animateurs qui acceptent de mettre au placard leurs techniques, celles qu’ils avaient apprises à l’école. Moi, ces techniques-là, elles ne m’intéressent pas beaucoup. J’avais développé mes propres techniques, et ça a été merveilleux de travailler avec des animateurs qui ont eu envie de les découvrir. Un style va de pair avec une technique – c’est valable pour n’importe quel artiste, peintre, musicien… En créer une, c’est très excitant.

Reste-t-il encore des techniques à inventer?

Des tas! Avant Saules aveugles, chacun de mes courts m’a donné la possibilité de créer quelque chose. C’est ce que j’essaie de faire, encore, avec mon prochain film d’animation, qui est l’un des deux projets que je prépare. En live, je n’invente rien, mais mon prochain projet en prise de vues réelles restera, si tout va bien, très particulier, avec des personnages en noir et blanc dans des décors en couleurs. Il y aura quelques touches d’animation, très brutes. Il va falloir faire beaucoup d’essais… Ça va être génial!

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