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[Lux Film Fest] Vicky Krieps a tapé dans l’œil d’Hollywood


L'actrice luxembourgeoise est l'étoile montante du cinéma luxembourgeois. (photo Alain Rischard)

Après avoir conquis le Luxembourg et l’Allemagne, Vicky Krieps semble en avoir fait de même avec Hollywood grâce à son rôle dans « Phantom Thread » de Paul Thomas Anderson.

La projection, jeudi soir en avant-première de Phantom Thread (en salles le 14 février) de Paul Thomas Anderson (Boogie Nights, Magnolia, The Master…), est un cadeau que le Lux Film Fest a voulu faire à son public, trois semaines avant son ouverture officielle. Un cadeau en présence de la comédienne luxembourgeoise Vicky Krieps. Rencontre.

Vous interprétez Alma, d’abord muse, puis femme du personnage principal. Comment êtes-vous arrivée sur ce projet prestigieux ?

Vicky Krieps : C’est une bonne question, parce que j’adore la réponse… (Elle rit). Pour moi, c’est le travail qui amène le travail, pas les contacts ou le fait d’être connu comme on essaye souvent de nous faire croire. Paul (NDLR : Thomas Anderson) a vu, sur iTunes, un tout petit film que j’ai fait, Chambermaid Lynn (NDLR : d’Ingo Haeb, 2014). Suite à ça, il a demandé à sa directrice de casting de me contacter. Du coup, j’ai enregistré ma scène avec mon téléphone, je la lui ai envoyée et c’est grâce à cet enregistrement qu’il a su que j’étais celle qu’il cherchait.

De votre côté, qu’est-ce qui a primé, l’envie de tourner ce récit ou de tourner avec Anderson ?

L’envie du récit. Au départ, je ne savais pas que ce serait lui qui le tournerait. Je n’avais qu’un extrait du texte, mais je pensais que c’était pour un court métrage ou un film d’étudiant. C’est le texte qui m’a touché !

Pourquoi ?

C’est comme quand on lit un poème, ça te touche, mais tu ne sais pas nécessairement pourquoi. J’avais assez d’éléments pour savoir qu’il s’agirait d’une histoire d’amour un peu tourmentée avec quelque chose de très élégant et de mystique dans le langage.

Alma est présentée comme la muse de ce grand couturier, Reynolds Woodcock, mais elle est bien plus que ça. Avec sa sœur Cyril, c’est la seule personne qui trouve un intérêt à ses yeux…

Oui, c’est beaucoup plus qu’une muse. Alma met toute la vie de Woodcock sens dessus dessous. Une muse est comme un objet silencieux qu’on a dans un coin, une plante verte. Alma est tout le contraire de ça. Elle a une force qu’on ne peut pas expliquer. Elle est peut-être finalement comme une plante, mais dans le sens où elle a de vraies racines. Et qu’elle n’est pas prête à les couper même en arrivant dans la « high society » britannique ! Au Luxembourg, certains vont trouver un côté luxembourgeois au personnage, dans le sens où, pour moi, être luxembourgeois, ça veut dire être un paysan. Sa manière très directe de parler, de bouger, c’est ça. Il y a plein de scènes qu’on aurait pu, avec Daniel (Day-Lewis), jouer plus comme un flirt. J’ai consciemment refusé la séduction pour laisser place à quelque chose de plus provocant.

Le film est une histoire à la fois d’amour et de domination. Alors doit-on le voir comme une histoire heureuse ou un drame ?

Ni l’un ni l’autre. C’est difficile à classer. Mais c’est un film fondamentalement sur l’amour; l’amour qui peut être heureux, triste, dramatique, quelque chose qui n’arrive jamais à notre convenance, au bon moment, quelque chose qui n’est jamais confortable et qui crée à la fois les plus grandes joies et les plus grands drames de notre vie.

Au Luxembourg, on vous a découvert il y a dix ans désormais, principalement dans X on a Map de Jeff Desom. Qu’est-ce que vous vous dites quand vous regardez en arrière et que vous voyez le chemin parcouru : Hanna, A Most Wanted Man, Colonia, Le Jeune Karl Marx et maintenant Phantom Thread ?

Je suis ravie, car c’est un cheminement qui résume très bien qui je suis. Je ne sais pas dire comment j’y suis parvenue – je dois avoir un ange gardien –, mais j’ai un chemin qui est mon chemin! Je n’ai jamais trahi me convictions, qui je suis. C’est rare, je remercie la vie de me l’avoir permis. J’ai réussi à faire une carrière à ma manière, en restant un peu dans l’ombre, en refusant les tapis rouges, sauf pour les films dans lesquels je joue.

En parlant de tapis rouges, ça fait quoi de tenir tête au comédien le plus oscarisé de l’histoire ?

(Elle rit) J’ai tout de suite essayé d’oublier ça. Ça m’a pris du temps et de l’énergie, mais j’ai réussi à oublier que c’était lui, qu’il a plein d’Oscars… et que c’est peut-être son dernier film. Toute notre énergie était placée dans la recherche artistique autour de ce sujet qui n’est pas facile. Tout le tournage a été une perpétuelle recherche.

Oscars toujours : le film est nommé dans six catégories, mais vous vous n’apparaissez pas parmi les finalistes pour celui de la meilleure actrice. La presse spécialisé hollywoodienne s’en est d’ailleurs un peu émue. Quel est votre sentiment ?

Mais moi, j’ai allumé des cierges pour ne pas être nommée. Quand je suis allée aux Golden Globes et que j’ai vu le cirque que c’est… Non, je suis contente de ne pas être nommée. J’ai déjà assez à faire et je n’ai pas eu besoin de ça pour toujours trouver de beaux projets qui me tiennent à cœur.

Justement, le Lux Film Fest présentera Gutland de Govinda van Maele. Un autre sacré projet qui a connu un beau succès international et qui vous tient à cœur.

Absolument. Plus que tou t! Je suis infiniment fière de Govinda. Un jour, je vais tout raconter, mais avant même X on a Map, je me rappelle un tournage avec Govinda où on s’est retrouvés avec une petite caméra, illuminés par des torches, avec du sang de porc – qui est moins cher que le faux sang de cinéma – partout et moi en bikini en pleine nuit de novembre en train de tourner une scène et en même temps en train de téléphoner à plein de gens pour trouver des extras, en leur disant qu’il y avait de la bière gratuite. Tout a commencé là pour moi. Avec Govinda.

Entretien avec Pablo Chimienti

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