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[Littérature] Bienvenue aux États désunis


(Photo : max kennedy)

Ce pourrait être la nuit américaine, ou encore celle des citoyens pris entre deux mondes totalitaires.

Le romancier états-unien Douglas Kennedy, 68 ans et grand cinéphile, n’oublie jamais qu’il a été, dans une vie lointaine, journaliste; il en a gardé un sens aigu de l’observation et du détail, et aussi un grand intérêt pour la vie qui va et les grands mouvements sociaux. Auteur à succès en Europe mais longtemps ignoré dans son pays natal, il se glisse régulièrement jusqu’à nous, et revient avec une cinglante dystopie joliment titrée Et c’est ainsi que nous vivrons

Grand voyageur qui passe son année entre les États-Unis, Londres, Berlin et Paris, il est un des meilleurs analystes du monde américain, ce qu’il avait prouvé avec Les Hommes ont peur de la lumière, son précédent roman paru en 2022 et évoquant la marche arrière de nombreux États américains sur le sujet de l’avortement. Douglas Kennedy a récemment confié qu’il existe, entre Les Hommes ont peur… et Et c’est ainsi que nous vivrons, des passerelles. Tout en précisant avoir souhaité placer l’intrigue de ce nouveau livre «en 2045, soit cent ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. L’idée n’était pas d’écrire une science-fiction, mais un roman d’anticipation. Ainsi, lorsque je prends des notes dans mon calepin, je veille à ce qu’elles restent crédibles. Les faits devaient bouger uniquement dans mon esprit, certaines choses avançaient grâce à la technologie dans un monde totalitaire. Et j’en suis arrivé à conclusion que, si nous ne sommes pas prudents, cela risque d’arriver. D’ailleurs, le titre est certes très violent pour cette raison, mais c’est un avertissement…»

Nous voilà donc transportés en 2045 dans un pays double : l’un qui s’étale sur les côtes Est et Ouest, l’autre dans le Midwest et le Sud. Rapidement, on dira que le premier est démocrate avec une liberté de mœurs totale et aussi une surveillance constante, le second, républicain, où les valeurs chrétiennes font loi, avec divorce, avortement et changement de sexe interdits… Bref, une Amérique plus divisée que jamais après une nouvelle guerre de sécession. Ces «États désunis», aussi broyés que des êtres «auparavant très proches, qui ont tout gâché (…) et observent maintenant la terre dévastée entre eux, habités d’un profond chagrin qu’aucun ne saurait exprimer», ressemblent à «ce qu’il reste d’un couple après le divorce le plus amer et le plus violent qui soit».

Vivre, c’est diviser

Deux blocs en «face to face», l’un craignant l’autre d’infiltration. Parano? Pas vraiment… «À l’image des cellules biologiques qui nous composent, il est dans notre nature de nous diviser. L’histoire de l’humanité, individuelle et collective, n’est qu’une longue succession de schismes et de ruptures. Nous brisons nos familles, nos couples. Nous brisons nos nations. Et nous rejetons la faute les uns sur les autres. C’est un besoin inhérent à la condition humaine : celui de trouver un ennemi proche de nous afin de l’exclure en prétextant ne pas avoir le choix. Vivre, c’est diviser.»

Et voilà le décor du roman de Douglas Kennedy. Dans un des deux blocs, Samantha Stengel. Elle est agente des services secrets de la République unie, elle est reconnue et appréciée pour son sang-froid en toute occasion, on lui confie une mission : passer dans l’autre bloc pour anéantir une cible aussi dangereuse qu’imprévisible. Cette cible, elle le découvrira, c’est sa demi-sœur, elle aussi espionne, mais dans le camp rigoriste… Alors, Samantha va devoir affronter les traîtres de son camp et les attaques perfides de celui d’en face. En bon romancier touche-à-tout, Douglas Kennedy rappelle avec ce nouveau roman qu’il n’y a pas meilleure force de frappe (littéraire, mais pas que!) que le thriller.

 

Douglas Kennedy – Et c’est ainsi que nous vivrons

Belfond

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