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L’expressionnisme allemand s’expose à la Villa Vauban


Les tableaux de Paula Modersohn-Becker, peintre allemande pionnière de l'expressionnisme, sont à la Villa Vauban (Photo : dr)

Le talent de Paula Modersohn-Becker (1876-1907), peintre allemande pionnière de l’expressionnisme, sort de l’ombre. Après une rétrospective parisienne en 2016,  ses œuvres s’affichent à la Villa Vauban du Luxembourg.

Si son nom, de Brême à Hanovre, est bien connu en Allemagne, le talent de Paula Modersohn-Becker n’a pas eu le même écho chez les voisins. Oubli toutefois rattrapé en 2016 par le musée d’Art moderne de la ville de Paris, qui célèbre ses capacités d’adaptation, ses idées picturales et ses envies, vitales, d’aller en permanence de l’avant, un peu comme si elle était le symbole d’une émancipation féminine qui n’arrivera que bien plus tard…
Artistiquement, l’artiste est aussi résolument moderne et en avance sur son temps, proposant une esthétique personnelle audacieuse. Si les thèmes sont caractéristiques de son époque (autoportraits, mère et enfant, paysages, natures mortes…), sa manière de les traiter est très novatrice, comme en témoigne cet ensemble de 24 tableaux, dessins et gravures, visible à la Villa Vauban.
Vite, on regrette même que l’assemblage offert ne soit pas plus généreux, car, il faut l’avouer, ses œuvres détonnent par une force d’expression dans la couleur, une extrême sensibilité et une étonnante capacité à saisir l’essence même de ses modèles. Seulement, extrêmement fragiles – certaines de ses peintures sont réalisées sur du carton fin et bon marché –, elles ne peuvent voyager avec aisance. Triste, car une plus grande réunion aurait permis de mieux saisir la quasi-urgence de sa démarche.

500 peintures… et seulement trois vendues

La jeune Allemande a en effet produit plus de 500 peintures en dix ans, une tous les quatre ou cinq jours l’année de ses chefs-d’œuvre (1906/ 07) – au passage, elle ne vendra que trois tableaux! Bouquet final de cet acharnement : une embolie pulmonaire, 18 jours après la naissance de sa fille, l’emporte à 31 ans. En tombant devant son mari et ses amis, son dernier mot aura été «schade» («dommage»). Dommage, parce qu’elle avait tant à peindre…
Comme le raconte la Villa Vauban, après une formation à Berlin, Paula Modersohn-Becker rejoint la communauté artistique de Worpswede, un petit village au nord de l’Allemagne – colonie qui existe toujours, considérée comme l’une des plus importantes au monde! Dans ce Barbizon germanique où se côtoient écrivains, peintres et graveurs, elle fait la connaissance du poète Rainer Maria Rilke, qui devient un ami proche, ainsi que d’un peintre à la renommée acquise, Otto Modersohn, qu’elle épouse en 1901.
Une aventure communautaire – ou utopie artistique – qui s’inspire de la nature et est particulièrement marquée par deux thèmes : le paysage et la vie rurale. Ici, tout se fait en plein air dans une pure veine impressionniste avec, en outre, le souci de montrer que la vie en campagne n’a rien d’une sinécure (pauvreté, nature hostile…) – la présence d’œuvres de Fritz Overbeck, Fritz Mackensen et d’Otto Modersohn rend hommage aux fondateurs du collectif.
Si ces derniers se sentent dans la peau d’aventuriers et d’observateurs de la pénibilité du monde rural, Paula Modersohn-Becker, elle, qui s’y est greffée pour parfaire ses études de dessin, se sent à l’étroit, humainement comme d’un point de vue créatif. Non, les landes et les canaux ne l’intéressent pas vraiment. Elle préfère alors suivre ses intuitions : fascinée par Paris et les avant-gardes du début du XXe siècle, elle y séjourne quatre fois, abandonnant mari et famille pour de longues périodes – elle est souvent tentée de ne pas rentrer –, et découvre les artistes qu’elle admire (Rodin et Cézanne en tête).
En résultent de superbes natures mortes rappelant le groupe parisien des Nabis, qui compte parmi ses sources d’inspiration. Mais aussi de somptueux portraits (et autoportraits) qui n’ont jamais le souci d’embellir le sujet, mais de le dépeindre dans ses défauts et ses rêveries.

Grégory Cimatti.

Villa Vauban – Luxembourg.
Jusqu’au 10 juin.

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