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Japon : vendre des bières, un métier sportif !


Un métier bien difficile. (photo AFP)

Elles sillonnent les gradins, des tireuses à bière sur le dos : au Japon, ces vendeuses ambulantes dans les stades de baseball représentent une tradition toujours très populaire, même si leurs conditions de travail peuvent interroger.

Appelées «uriko» («les vendeuses»), ces jeunes femmes montent et descendent sans répit les escaliers au milieu des travées, glissant quelques mots aimables à leurs clients tout en remplissant leurs gobelets à l’aide d’un pistolet à bière. Elles sont faciles à repérer avec leurs uniformes fluorescents, toujours composés d’une minijupe ou d’un short. Certaines portent aussi des genouillères pour se protéger des blessures et de la crasse, car elles doivent souvent s’agenouiller quand elles servent une bière – pour ne pas gêner la vue des supporters.

Malgré tout, Honoka Hagiwara, une vendeuse de 22 ans dans le stade du Tokyo Dome, explique qu’elle aime son travail, y voyant même un côté «glamour». «Cela fait un peu plus d’un an que je fais ce métier et je m’y suis habituée», dit-elle à propos du fait de devoir porter pendant trois heures d’affilée un fût de bière pesant jusqu’à 15 kilos. La jeune femme avoue que ça a été «physiquement très dur» au début. Mais elle dit prendre plaisir à aider les supporters à s’amuser, et assure que ce travail lui donne «confiance» en elle.

La concurrence entre ces vendeuses ambulantes est féroce, car elles sont payées à la commission. Mariko Matsumoto, une «uriko» de 25 ans, confie ainsi être «toujours en train de penser» à ses chiffres de ventes. «On fait attention aux ventes des autres et on pense aux nôtres, en essayant d’écouler plus que la veille», dit-elle. La centaine de vendeuses du Tokyo Dome servent autour de 20 000 gobelets par soir de match en moyenne. Elles changent pour le coup leurs fûts dix à douze fois durant leur service, avec une rapidité et une efficacité n’ayant rien à envier aux arrêts aux stands en Formule 1.

À peine le temps de boire un verre d’eau ou de thé froid debout pendant que des assistants remplacent son fût sur son dos, et l’«uriko» repart en quête de clients assoiffés. Peu d’hommes font aujourd’hui ce métier éprouvant, alors qu’ils étaient majoritaires jusque dans les années 1980. Il n’y a d’ailleurs que des vendeuses au Tokyo Dome, mais une porte-parole du site assure que les organisateurs ne sont pas opposés à l’idée d’embaucher des vendeurs masculins. Simplement, «il y a 100 fois plus de femmes qui postulent que d’hommes».

Je ne vendais pas que des bières et des snacks : je me vendais moi-même

L’archipel a eu son propre mouvement #MeToo, quoique moins vigoureux que dans d’autres pays, et ces dernières années des Japonaises ont remis en question quantité de traditions locales, comme les talons au bureau ou le fait de devoir servir le thé à leurs collègues masculins. Cependant, la tradition des «urikos» ne fait quasiment pas débat, pas plus d’ailleurs que celle des pom-pom girls accomplissant des sauts périlleux sur le terrain entre les temps de jeu.

Un élément d’explication réside probablement dans le fait que l’ambiance dans les stades de baseball au Japon est généralement paisible, avec un public très discipliné, mixte et familial. Et les agents de sécurité interviennent immédiatement si des spectateurs ivres dépassent les bornes. Comme sa collègue Honoka Hagiwara, Mariko Matsumoto explique aimer interagir avec les fans : elle a notamment noué des liens avec certains habitués, recevant même des cadeaux de leur part de temps en temps.

Mariko Matsumoto pense qu’il est important de garder le sourire même quand c’est difficile : «J’aime moi-même regarder des matches de baseball, et quand je vois un vendeur sourire, ça me donne envie d’acheter à boire.» Mais l’expérience de ce métier n’est pas aussi positive pour tout le monde. En 2019, une ancienne «uriko» l’avait ainsi qualifiée de «glauque» sur un site de blogs hébergé par le journal Asahi. «Je n’ai pas mis longtemps à comprendre que je ne vendais pas que des bières et des snacks, je me vendais moi-même», écrivait cette ancienne «uriko» qui se plaignait de clients désireux de la prendre en photo ou lui donner leur carte de visite.

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