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Isabelle Bonillo, seule et avec tous


sabelle Bonillo reprend l’histoire des Misérables en interprétant elle-même les principaux rôles et en jouant avec le public. (Photo : fred burnier)

Au TNL, Isabelle Bonillo reprend l’histoire des Misérables à sa façon, en interprétant elle-même les principaux rôles et en jouant avec le public. La comédienne et dramaturge explique en quoi la créativité et le vivre-ensemble restent son moteur artistique. Entretien.

Après L’Avare de Molière en 2008, elle remet ça cette année au TNL avec Les Misérables de Victor Hugo : retravailler un classique en portant le projet seule, en coulisse comme sur scène, dans une interaction toute particulière avec le public dont elle s’est fait une spécialité. Isabelle Bonillo, femme de théâtre engagée et populaire, apprécie les challenges et les nouvelles formes artistiques comme ici où, plongée au milieu d’une arène, elle ressort les barricades pour parler de précarité et de l’importance de renouer les liens sociaux. Entretien.

Cette relecture des classiques en solo, ça vous vient d’où ?

Isabelle Bonillo : D’abord, les classiques, on croit les connaître, mais ce n’est pas le cas. Moi-même, je m’en rends compte quand je travaille un texte. Même une pièce de Molière a toujours des choses à révéler! À cette question culturelle s’ajoute, selon moi, une constatation plus terre à terre : le public a toujours besoin d’une accroche pour venir. Il doit se dire : « c’est une œuvre qui me dit quelque chose ». J’ai notamment fait cette observation avec L’Avare en 2008, que j’ai également adapté en solo. Au départ, il y avait trois dates de prévues et, au final, j’en ai fait plus de cent!

Depuis 2005, vous allez notamment à la rencontre du public avec votre camion-chapiteau. Est-ce que cette approche vous amène justement à voir les choses de manière plus contenue ?

Pas vraiment. L’an dernier, par exemple, on était six comédiens à jouer Les Petits Classiques… Disons plutôt que, parfois, je ressens le besoin de me retrouver seule. Si on doit diriger d’autres gens en même temps que l’on joue, on ne peut pas aller au bout de ses recherches. Alors, régulièrement, je me dis : « ce coup-ci, je me recentre! ». C’est important de se donner du souffle, surtout quand on fait un travail original. Bon, ça, ce sont les autres qui me le disent (elle rit).

Pourquoi ce choix des Misérables de Victor Hugo ?

Rien ne tient du hasard : L’Avare, c’était durant la crise financière, et pour Les Misérables, j’avais envie de parler de précarité, même si le public du théâtre n’est souvent pas le plus à plaindre – c’est donc bon de le lui rappeler! Aujourd’hui, on parle de décroissance, de coupures de courant… Je propose donc au public une sorte d’entraînement, histoire qu’il ne soit pas pris au dépourvu lorsque la bise sera venue (elle rit). C’est un véritable challenge : revisiter une œuvre en se mettant dedans, tous ensemble !

Même une pièce de Molière a toujours des choses à révéler!

Je me soucie toujours du public, comme lui de moi

L’interaction avec le public, est-ce une nécessité ?

L’important au théâtre, c’est de renouer avec le lien social, comme on devrait d’ailleurs le faire dans la vie de tous les jours. Alors oui, même si je suis à la baguette, je tiens compte de ce qui se passe autour de moi. Je me soucie toujours des gens, comme eux de moi. Je ne leur délivre pas de manière frontale une vérité qu’ils sont obligés d’avaler. Je les intègre totalement dans l’histoire.

Est-ce que l’exercice du solo implique, par essence, de combler aussi un peu le vide ?

Non. J’aurais pu très bien faire quelque chose de banal : moi sur scène et le public devant. Là, j’avais envie d’éclater l’espace et de susciter une forme de convivialité, de camaraderie.

Comment procédez-vous pour adapter un tel texte ?

C’est un énorme boulot! On parle là d’une des plus grandes œuvres de la littérature française, qui court sur près de 1 600 pages. Je voulais quelque chose de court, de ramassé, qui tienne sur une heure environ. Il s’agit donc de retraverser l’histoire, sans pour autant élaguer les personnages. Plutôt que de réécrire le texte sur papier, moi, je préfère la liberté du plateau. J’improvise, je me mets en situation, je m’égare… Ça me permet d’envisager plus de choses. Surtout qu’être auteur, ça ne s’improvise pas!

Restez-vous proche, alors, de l’œuvre originale, malgré cet allègement ?

J’ai surtout enlevé les très longues descriptions et je parle peu des deux frères de Gavroche. Sinon, en dehors de ça, je fais plein de citations, insiste sur certaines présentations de personnages ou relaye l’avis que Victor Hugo donne sur l’amour, par exemple. Au final, j’ai gardé beaucoup de choses. Je reste fidèle au récit.

En tant que comédienne, ça vous fait quoi d’incarner plusieurs personnages à la fois ?

(Elle souffle) Ce n’est pas vraiment un problème, puisque c’est ce que l’on fait sans arrêt! Surtout qu’ici, même si j’en incarne certains, je me pose plus comme narratrice, bien que toujours très engagée dans le jeu : je décris plus ce qu’ils font ou ce qu’ils ressentent que je ne les joue.

Avez-vous un personnage préféré ?

Clairement! Jean Valjean bien sûr, qui reste le personnage le plus creusé, le plus profond. Mais aussi Gavroche : il est dans une merde noire, mais reste très attendrissant. Il n’a rien de mauvais dans le cœur. Après, je pourrais en citer plein d’autres, même s’il est difficile d’aimer les Thénardier ou Javert !

Un tel spectacle, est-ce une gymnastique scénique ?

Un peu, oui. Je vais être au milieu du public, comme dans une arène. Ça suppose de se déplacer et d’englober les spectateurs dans la pièce. Le tout avec un accordéon qui ne me quitte jamais (elle rit). C’est du sport, surtout que rien n’est anecdotique : si on a quelque chose à dire, on n’a pas besoin de moyens insensés. Et vu les conditions dans lesquelles travaillent les artistes, je me dis qu’il n’est pas nécessaire de mettre 10 000 euros dans un décor… Sans oublier que la force du théâtre, c’est l’inventivité !

Appréciez-vous ce rôle de femme-orchestre ?

Bon, souvent, quand arrive la première représentation, on se dit : « mais qu’est-ce que j’ai fait? Je suis folle ou quoi? ». Mais ça passe assez vite… Disons que ce choix de tout porter sur ses épaules n’est jamais un calcul. Ça se fait tout seul, un peu par élimination. Quand on veut avoir du temps pour bien travailler, on ne peut pas se permettre d’avoir d’autres gens qui entrent en jeu, surtout si on ne les connaît pas. C’est d’autant plus vrai avec ce spectacle. Être seule, ça m’a permis d’aller plus loin. Si j’avais dû convaincre ou expliquer à d’autres mes intentions, ça aurait été impossible. Moi-même, parfois, je ne me l’explique pas. C’est de la création, quoi !

Est-on loin de la performance ? 

Mercredi (NDLR : aujourd’hui), je ne sais pas du tout comment ça va réagir, comment je vais me situer. Alors oui, on est entre le jeu et la performance, même si elle est devenue quelque chose de très précis… Ce qui est certain, c’est que l’on est dans la recherche d’une autre forme théâtrale.

Où comptez-vous alors emmener le public ?

L’important, c’est ce que l’on va vivre. On va rigoler, mais aussi, je l’espère, avoir conscience que certaines personnes vivent dans des conditions bien pires que les nôtres. Après, si on passe un bon moment ensemble, ce sera gagné !

La pièce

Né en 1769 dans une famille pauvre, Jean Valjean, volant pour nourrir les siens, est condamné au bagne. Sa peine le fait sortir plein de haine contre la société et empli d’un sentiment d’injustice. Sa rencontre avec l’évêque Myriel marque un tournant dans sa vie : Il va essayer d’être un homme honnête, ce qu’il fera aussi bien en étant maire de Montreuil qu’en aidant Fantine. Poursuivi par l’inspecteur Javert, il passe une grande partie de sa vie en cavale et consent à tous les sacrifices pour Cosette. Généreux, brave, bon, Jean Valjean devient un modèle de vertu et de courage…

«Les Misérables» TNL – Luxembourg. Ce soir à 20 h. Jusqu’au 27 janvier.

Un commentaire

  1. Perrin David

    Bonsoir, MERCI, MERCI, POUR VOTRE PETITE INJECTION DE RAPPEL !!!! HUMOUR !! HUMOUR !!!
    Hoooooooo ! LES MISERABLES !!!!!! QUELLE BELLE HISTOIRE !!!!!! vraie……..SI VRAIE
    Quii est de plus en plus une réalité !!!! Actuellement les pouvoirs en place partout dans le monde
    continuent à vouloir fabriquer de la Misère !!!! ce n’ai que le début !!! Ne pas oublier que nous sommes dans une époque difficile est très compliqué en 2023 !!!! ce n’ai pas normal !!! Malgré que c’est toujours la faute à la CRISE !!!!! c’est la crise !! c’est l’informatique !!! c’est la BANQUE !!!! c’est le COVID !!! et maintenant c’est la faute à la GUERRE !!!!!!! et Après ?????? Après !!!!!
    Bravo pour votre initiative et votre courage!!!! c’est bien vue !!! en 2022 et 2023
    Aujourd’hui il y a beaucoup de famille avec des enfants qui n’ont plus de revenus pour payer les loyers et aussi remplir le frigo pour nourrir leurs enfants !!!!! Comment c’est possible a notre époque????
    Help!! Help !! il est Urgent !!!! d’arrêter ce Massacre Humain !!! STOP BASTA !!! ils sont ou les droits de L’Homme?????? bien cordialement….. etc…… D.P.

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