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Bob Dylan, bien plus qu’un chanteur [billet]


Bob Dylan en 1984. (photo AFP)

Une fois n’est pas coutume, jeudi, comme aujourd’hui, devant la machine à café, on discute du Nobel de littérature. Certains avaient certes déjà tenté l’expérience, en 2011, avec Tomas Tranströmer, mais s’étaient vite résignés devant les méprises le rattachant à la saga cinématographique de Michael Bay et ses robots-voitures.

Plutôt habituée à primer les vénérables de la chose écrite, l’Académie suédoise a surpris, jeudi, dans son choix de sacrer un auteur populaire, qui plus est chanteur de son état. C’est vrai, depuis des années, le nom de Bob Dylan revenait souvent mais peu d’experts s’attendaient à ce qu’il sorte du chapeau. Un crime de lèse-majesté pour les plus traditionnels; une bonne idée pour les plus progressistes, saluant au passage l’effort de modernisation d’une institution qualifiée de poussiéreuse.

Bref, entre ceux qui rappellent que Murakami, Adonis ou Rushdie sont des auteurs plus majeurs qu’un barde américain, et ceux qui croient que désormais la voie est ouverte à Patti Smith et Leonard Cohen, il y a une vérité : oui, Bob Dylan mérite bien ce prix. Déjà pour sa science – celle d’un autodidacte cultivé qui connaît par cœur les philosophes grecs, la littérature russe, la Beat generation et la poésie japonaise.

Ensuite, pour la révolution qu’il impulsa dans la musique, lui qui a créé le lien entre chanson et littérature. Mieux, dans sa riche œuvre, il a su s’imposer comme la voix de l’Amérique, grâce à sa synthèse entre le surréalisme poétique, l’austérité militante du folk, la complainte du blues, l’énergie révoltée du rock et la chronique de la vie quotidienne propre à la country. Sorte de nouvelle vague à lui tout seul, il n’y a rien d’étonnant dans le fait que ses textes et propos soient disséqués comme des signes et sentences émis par un oracle.

Il est décidément habitué à être là où ne l’attend pas  : Dylan avait aussi reçu en 2008 le prix Pulitzer, qui récompense traditionnellement des travaux journalistiques. Lui qui a dit un jour qu’une voix «ne compte que si elle vous convainc qu’elle dit la vérité» a quand même écrit deux livres – outre plus de quelque 500  chansons. Les plus sceptiques devraient se jeter sur Tarantula et Chroniques , histoire de se dire que ce prix n’est pas franchement démérité.

Grégory Cimatti

Ses chansons emblématiques

BLOWIN’ IN THE WIND

Inspirée d’un air traditionnel chanté par les esclaves noirs et écrite en une dizaine de minutes,Blowin’ in the Wind (1962) est popularisée par le trio Peter, Paul & Mary. En pleine guerre du Vietnam, la chanson pacifiste devient rapidement un hymne sur les campus américains puis au-delà.

THE TIMES THEY ARE A-CHANGIN

Hymne de la jeunesse écrit en 1963, la chanson est un vibrant résumé de l’humeur des années 60. Sur un ton biblique, Dylan appelle parents, hommes politiques, critiques et écrivains à embrasser le changement porté par la nouvelle génération.

A HARD RAIN’S A-GONNA FALL

Un des titres les plus emblématiques de la période folk et contestataire de Dylan, tiré de l’album The freewheelin’ Bob Dylan (1963). La chanson est une vision apocalyptique d’un monde dévasté par la guerre et le péril nucléaire.

LIKE A ROLLING STONE

Apparaissant sur Highway 61 Revisited (1965), la chanson est écrite par un Dylan en plein doute, marqué par l’accueil tiède que réserve le public à son passage du folk au rock électrique. Tiré d’un poème de plus de dix pages, le titre exprime le ressentiment et le désir de revanche d’une jeune fille qui tombe soudainement de son piédestal. Les derniers vers, «when you got nothing/you got nothing to lose» («quand on n’a rien/on n’a rien à perdre»), sont entrés dans l’histoire du rock.

MR TAMBOURINE MAN

Un des titres les plus célèbres de Dylan, publié sur son album du passage à l’électrique,Bringing it all back Home (1965). La chanson évoque le désespoir d’un homme qui a tout perdu, sa solitude et sa seule source d’espoir : la musique.

VISIONS OF JOHANNA

Figurant sur Blonde on Blonde (1966), cette chanson est considérée comme un des chefs-d’œuvre de Dylan. En cinq longs couplets construits comme autant de séquences aux détails évocateurs, Dylan décrit sa nuit avec la sensuelle Louise et son obsession parallèle pour l’inatteignable Johanna.

JUST LIKE A WOMAN

Également tirée de l’album Blonde on Blonde , c’est une des ballades les plus «pop» de Dylan et une amère chanson de rupture. Superficialité, bassesse, hypocrisie… Just Like a Woman est un portrait de femme particulièrement acide, voire misogyne selon certains. «Elle prend comme une femme/… Mais elle rompt comme une petite fille», grince l’auteur-compositeur.

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