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Vente de carburants : vers la fin d’une manne pour le Luxembourg


On vient de moins en moins au Grand-Duché uniquement pour remplir son réservoir. (photo archives LQ)

Le gouvernement livre les résultats d’une étude sur les différents effets de la vente de carburants. Sans surprise, le tourisme à la pompe devrait poursuivre son déclin, et l’avenir s’annonce électrique.

La manne de la vente des carburants n’étant pas infinie, ni souhaitable d’un point de vue écologique, l’État se prépare à ne plus compter sur les énergies fossiles pour financer ses dépenses courantes. Bref, l’or noir va se faire encore plus rare et plus cher…

« Les recettes budgétaires liées à la vente de carburants contribuent pour une part importante aux dépenses courantes de l’État, bien qu’à long terme ces recettes ne soient pas assurées.» La coalition l’avait déjà écrit noir sur blanc en 2013, dans son programme gouvernemental : si les carburants ont longtemps aidé le Grand-Duché à financer ses projets, la manne de l’or noir n’est pas éternelle. Le gouvernement réfléchit donc à un changement de politique en faveur d’une mobilité plus durable, tant écologiquement qu’économiquement.

Un tourisme en baisse

Les chiffres sont déjà là : les ventes de carburants ont baissé de 12  % entre 2012 et 2015. Plusieurs raisons à cela. Le prix des carburants est devenu moins attractif par rapport aux pays voisins (pour le diesel professionnel, la Belgique est même plus attractive que le Luxembourg).

Il faut aussi tenir compte des progrès technologiques qui rendent les véhicules plus sobres, ou encore de la baisse de fréquentation des poids lourds qui contournent le Luxembourg pour éviter les embouteillages.

Un tourisme coûteux

Afin d’anticiper cette réduction progressive des recettes liées aux produits pétroliers, le gouvernement a commandité en 2014 une étude auprès du Dr Dieter Ewringmann, un expert allemand qui a analysé l’impact environnemental et fiscal de la vente des carburants, ainsi que les mesures de réduction de la consommation des carburants.

Ce rapport constate, tout d’abord, que 75  % des carburants routiers vendus au Luxembourg sont exportés (84  % de diesel et 16  % d’essence). Le reste (25  %) est donc consommé par la flotte nationale (là aussi majoritairement en diesel, 81  %).

Mais le «tourisme à la pompe» au sens strict (4  % des coûts externes) et les camions faisant un détour par le Luxembourg (3  % des coûts externes) ne jouent plus qu’un rôle marginal. Bref, on vient de moins en moins au Grand-Duché uniquement pour remplir son réservoir!

Autre chiffre significatif, les bénéfices associés à la vente de carburants (2,1 milliards d’euros par an) sont certes importants, mais moins que les «effets négatifs globaux occasionnés par cette vente». En effet, les dégâts environnementaux (pollution) et sanitaires (maladies liées à la dégradation de la qualité de l’air), tant au Luxembourg qu’à l’étranger, sont estimés à 3,5 milliards d’euros! Le diesel, émetteur de particules fines toxiques, est en particulier «sous les feux de la critique», note le rapport.

Si la vente de carburants apporte de juteux bénéfices (2,1 milliards d'euros par an), ses effets négatifs (pollution, problèmes de santé) coûtent hélas bien plus (le rapport les estime à 3,5 milliards!)

Si la vente de carburants apporte de juteux bénéfices (2,1 milliards d’euros par an), ses effets négatifs (pollution, problèmes de santé) coûtent hélas bien plus (le rapport les estime à 3,5 milliards!)

Un tourisme insoutenable

Compte tenu de ces effets négatifs de la vente de carburants, des impératifs écologiques (le Luxembourg s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40  % à l’horizon 2030), ainsi que de l’électrification de la mobilité (véhicules hybrides et électriques), un modèle de recettes fiscales basé sur les recettes de la vente des carburants «n’est donc plus durable, ni d’un point de vue environnemental ni au niveau fiscal».

Une révolution en cours

Le changement de modèle vers une mobilité durable «est en cours et sera renforcé», annonce donc le gouvernement.

En cours, grâce à la baisse des ventes de carburant ces trois dernières années, un phénomène notamment accentué par la hausse de la TVA début 2015. Ce qui a permis au Luxembourg de respecter ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les années 2013 à 2015.

Renforcé, car le gouvernement réaffirme sa volonté «de procéder à une réduction graduelle, préparée et réfléchie de la vente des carburants fossiles».

Plusieurs mesures en vue de ce changement de modèle sont déjà prévues ou en cours. On citera en premier lieu la réforme fiscale (attendue en 2017, elle prévoit un nouvel abattement pour les véhicules particuliers «zéro émission» et un abattement pour les vélos électriques rapides).

Le gouvernement cite aussi les conclusions tirées dans le cadre du «processus Rifkin».

L’étude stratégique «Troisième révolution industrielle», commandée à l’économiste américain Jeremy Rifkin et récemment présentée, devrait en effet s’accompagner de travaux visant à promouvoir «l’électromobilité et le lancement d’un programme pour des véhicules personnels sans émissions».

Le gouvernement entend tourner la page des énergies fossiles en misant avant tout sur l'électromobilité.

Le gouvernement entend tourner la page des énergies fossiles en misant avant tout sur l’électromobilité.

Le gouvernement projette également une mise en place progressive de la mobilité comme service («Mobility as a Service») qui représente un écosystème de mobilité durable où le citoyen, «selon une approche multimodale, choisit une combinaison de modes de transport convenant au mieux à ses besoins journaliers».

Bref, combiner bus, train, voiture, vélo, marche à pied…
Un projet louable et incontestablement ambitieux, surtout au Luxembourg, le pays où l’auto est reine!

Romain Van Dyck

847 millions de recettes par an

En 2015, les recettes des accises relatives aux produits pétroliers se chiffraient à 847 millions d’euros. En ajoutant la TVA et les droits de concession sur les stations-service, les retombées globales dépassent le milliard d’euros.

Depuis 2012, la consommation de carburant est en baisse. En 2011, elle était de 2 716 kilotonnes d’équivalent pétrole (ktep), contre 2 420 en 2015. En 2012, le prix des carburants avait atteint des sommets (diesel à 1,32 euro/l, S95 à 1,48 euro/l), avant de fortement décliner les années suivantes. Mais depuis quelques mois, les prix repartent à la hausse.

Vendredi, le diesel était à 0,98 euro et le S95 à 1,13 euro.

Moins de carburants, plus de taxes?

Qui dit baisse des ventes de carburants, dit baisse des recettes fiscales… Sauf si les taxes augmentent pour maintenir ces recettes!

Cela pourrait être une piste pour le gouvernement qui annonce justement qu’un groupe de travail interministériel a été mis en place pour se préparer à la baisse des ventes de carburants.

Celui-ci aura plusieurs missions :

–  Mise en place d’un monitoring régulier de l’évolution des ventes de carburants fossiles;

–  Évaluation des mesures permettant la réduction progressive des ventes de produits pétroliers en respectant l’accord de Paris et en maintenant l’équilibre au niveau des recettes budgétaires;

– Réflexion sur des modèles alternatifs, y compris les possibilités d’accises sur la mobilité électrique.

Bref, affaire à suivre!

Un commentaire

  1. Il me semble que les chiffres comme les milliards qui seraient le coût des produits pétroliers ne soient hautement fantaisistes.
    Vouloir passer au tout électrique, pour quoi pas si l’électricité est d’origine nucléaire qui ne rejet aucun gramme de CO2. Mais si c’est pour acheter des TWh à l’Allemagne qui les produit avec du charbon, on va de Charybde en Scylla.
    Il faudrait aussi qu’Enovos cesse de jouer à l’EDF local qui truste tout.

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