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Tirs mortels à Bonnevoie : la légitime défense écartée en appel


La voiture de la victime a terminé sa course sur la place Léon-XIII après les tirs du policier.  (photo archives LQ)

Le policier n’était pas en situation de légitime défense quand il a abattu un automobiliste à Bonnevoie, a estimé l’avocate générale à l’issue de son procès en appel mercredi et vendredi.

Le 23 novembre dernier, un ancien policier âgé de 27 ans était condamné pour le meurtre d’un automobiliste à une peine de 5 ans de prison ferme dont 3 avec sursis, ainsi qu’à une amende de 5 000 euros et aux frais de sa poursuite pénale.

Le parquet qui avait requis une peine de 30 ans de prison assortie d’un large sursis à son encontre, la partie civile et lui-même ont interjeté appel de cette décision. La défense demande l’acquittement du jeune homme et invoque, comme en première instance face à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, la légitime défense.

Vendredi, l’avocate générale a requis la confirmation du jugement de première instance avec une variante : qu’elle soit assortie du sursis probatoire pour permettre à l’ancien policier d’avoir un suivi psychologique.

Tout le monde a parlé de l’affaire et chacun avait son avis sur la réaction du jeune policier. A-t-il eu raison de tirer ou aurait-il dû réagir autrement? C’est désormais à la Cour d’appel de Luxembourg d’émettre son avis dans l’arrêt qu’elle rendra le 28 novembre.

La défense assurée par Philippe Penning évoque «un procès d’intention» et campe sur ses positions : le jeune homme alors âgé de 22 ans «n’avait qu’un seul but, s’en sortir» face à la voiture qui arrivait sur lui. Pas de tuer l’occupant du véhicule. Le 11 avril 2018 à Bonnevoie, il a tué un automobiliste qui avait refusé d’obtempérer en tirant à trois reprises sur la voiture de marque Mercedes qui avançait vers lui.

Pour l’avocate générale, «l’intention du policier était claire». Il a utilisé une arme létale, son arme de service, et «même s’il n’a visé que le pare-brise, il savait que le chauffeur se trouvait derrière et prenait le risque de le tuer ou de la blesser» en tirant à trois reprises. Des tirs qui, selon elle, «n’étaient pas des tirs de panique», mais des tirs très précis et contrôlés qui ont fait mouche à chaque fois. Trois tirs.

Le policier n’a pas vidé son chargeur sur la voiture, il devait donc être conscient pour s’arrêter. Donc pour prendre la décision de tirer au lieu d’avoir recours à tout autre moyen pour échapper à la voiture, comme faire quelques pas de côté, avance l’avocate générale.

Le fait de craindre pour sa vie alors qu’il faisait partie des forces de l’ordre est-il un motif suffisamment légitime pour justifier son acquittement? Non, estime-t-elle, écartant la légitime défense.

Excuse de provocation

«Les tirs ne l’ont pas sauvé. Ce qui l’a sauvé, c’est la manœuvre d’évitement entamée par le conducteur de la voiture», a-t-elle conclu aux termes d’un réquisitoire très détaillé de près de deux heures. Sa décision aurait été «le fruit de ce qui s’est passé au croisement» et de la personnalité du prévenu, décrit comme un cow-boy ou un chien fou en quête de justice et d’action par ses anciens collègues.

Le jeune homme, en poste depuis 7 mois seulement, se serait précipité sans réfléchir «comme s’il était à la poursuite d’un dangereux criminel». La victime était un ressortissant néerlandais alcoolique et toxicomane qui circulait à bord d’une berline allemande en très mauvais état.

Il avait consommé de l’alcool et de l’héroïne deux heures avant son décès, ce qui peut expliquer sa réaction de fuite à la vue des policiers. Nul ne sait s’il voulait attenter aux jours du jeune homme ou juste contourner la voiture du policier qui bloquait sa fuite.

Le prévenu a perçu la voiture qui avançait vers lui comme un danger. En première instance, les juges ont estimé que le chauffeur de la Mercedes a provoqué son geste, ce qui a réduit considérablement la peine. L’avocate générale est du même avis et invoque elle aussi l’excuse de provocation.

Le jeune âge du policier, son manque d’expérience et de maturité sont à considérer comme des circonstances atténuantes. Un manque de maturité qui aurait dû être décelé et corrigé par ses supérieurs «qui n’ont pas pris leurs responsabilités».

Aujourd’hui, le jeune homme a quitté la police. Un corps qui, a regretté son avocat, est bien silencieux et n’a pas souhaité prendre parti dans cette affaire. Il a également regretté ne pas avoir «entendu le mot « temps de réaction«  dans tout le réquisitoire».

Car, comme en première instance, l’avocat insiste sur le fait que «tout était une question de secondes». Il n’y aurait eu que 0,7 seconde entre le premier et le dernier tir. 1,2 seconde tout au plus depuis la prise de décision.

L’avocate générale a estimé que le prévenu avait eu le temps de faire un pas avant de tirer et qu’il aurait aussi bien pu se mettre à l’abri. Me Penning a une nouvelle fois demandé aux juges de prendre en considération dans sa délibération cette «fraction de seconde» durant laquelle il a réagi.

«Combien de temps lui restait-il pour réfléchir? Rien! Rien! Absolument rien!», avait-il lancé à l’issue du prononcé du jugement de première instance. Un avis qu’il a réitéré vendredi matin dans l’espoir de décrocher l’acquittement de son client.

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