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«Saïd est officiellement en fuite»


«Comme quoi nos appréciations du danger de fuite n’étaient pas des paroles en l’air», souligne la présidente de la chambre criminelle. (photo archives LQ/Fabrizio Pizzolante)

Le prévenu a abandonné femme et enfant pour tenter d’échapper à la justice et à un retour en prison. Le ministère public a, quant à lui, revu son réquisitoire à la hausse.

Utime rebondissement hier matin dans l’affaire Saïd, qui en a compté de multiples depuis son début, le 3 mai dernier, face à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Le prévenu est officiellement en fuite», a annoncé le procureur à la toute fin de l’audience consacrée aux plaidoiries de la défense. Le trentenaire ne se serait plus présenté à son domicile depuis le mercredi 8 juin dernier, jour où le tribunal a décidé de lui retirer le bénéfice de la remise en liberté provisoire dont il jouissait, et des personnes seraient venues prendre ses effets personnels, selon le magistrat.

«Comme quoi nos appréciations du danger de fuite n’étaient pas des paroles en l’air», avait souligné la présidente de la chambre criminelle au début de l’audience. Me Hellinckx reconnaît ne pas savoir où Saïd se trouve. «Me Penning et moi-même ne cautionnons pas cette absence», précise l’avocat, qui a beaucoup de mérite. Une absence que le tribunal estime être «l’ultime preuve du manque d’honnêteté du prévenu», alors que Me Hellinckx justifiait une infraction de faux contrat de bail par «une erreur honnête» de la part du prévenu. «Saïd et une erreur honnête, il y a contradiction dans les termes!», a lancé la juge qui ne voit pas de circonstances atténuantes à retenir dans le chef du prévenu.

Les plaidoiries de la défense ont viré à l’interrogation orale en ce dernier jour du procès. La présidente n’a laissé passer aucune des explications fournies par Me Hellinckx, qui a repris ses plaidoiries après une semaine de pause due à un cas de Covid au sein de la 13e chambre criminelle. «Je sais que je vous rends la tâche un peu compliquée, reconnaît la présidente, mais je préfère vous poser certaines questions maintenant plutôt qu’en cours de délibération.» On se perd dans ce dossier complexe.

«La clémence, cela se mérite»

Me Hellinckx a plaidé l’acquittement de son client sur la grande majorité des infractions pour faux et usage de faux, ainsi que sur l’abus de confiance et les coups et blessures volontaires sur la maman de la victime présumée. La défense au début de ses plaidoiries, il y a deux semaines, avait, point par point, infraction après infraction, pointé des incohérences dans les affirmations de la victime présumée ou une absence de preuves qui pourraient profiter au prévenu. En ce qui concerne les accusations de coups et blessures ainsi que les menaces verbales, l’avocat avait estimé que rien ne permettait de confirmer la réalité des faits. «Il ne s’agit que de pures allégations. Il n’y a ni preuves ni témoins», avait-il précisé. De même, il n’existerait pas de lien de causalité entre la surdité irréversible des sons aigus, les problèmes de vertèbres ou le stress post-traumatique dont Jiaoli dit souffrir et les coups reçus.

«Je demande l’acquittement sur presque toute la ligne», rappelle l’avocat qui demande au tribunal «un peu de clémence si vous arrivez à la conclusion qu’il doit être condamné» et de le condamner au minimum légal. «La clémence, cela se mérite», lance la présidente. «Jiaoli n’était pas aussi innocente qu’il y paraît. C’était une relation toxique», se défend l’avocat qui estime que la victime présumée «en a bien profité aussi». La passe d’armes se poursuit entre l’avocat et la présidente. «Je peux uniquement faire avec les explications de mon client», se justifie Me Hekkinckx quand la présidente lui fait remarquer des incohérences. «Je ne suis que mandataire de justice.»

Le parquet, qui avait requis une peine de 12 ans de réclusion à l’encontre du prévenu, a décidé d’adapter la peine à la hausse de 5 ans en vertu de l’article 473 du code pénal qui prévoit que dans les cas de vols commis à l’aide de violences ou de menaces, la peine encourue «se situera entre 15 et 20 ans si les violences ou les menaces ont causé soit une maladie paraissant incurable, soit une incapacité permanente de travail, soit la perte de l’usage absolu d’un organe, soit une mutilation grave». Me Hellinckx a encouragé le tribunal à demander une expertise s’il compte retenir cette circonstance aggravante avant de se prononcer.

De même, il a estimé que la chambre criminelle devait se déclarer incompétente en matière de parties civiles qu’il a qualifiées de surfaites, d’exagérées et d’infondées. La victime présumée réclamait pour elle, sa maman et ses enfants plus de 1,5 million d’euros. Saïd est accusé d’avoir siphonné les avoirs de la restauratrice d’origine chinoise au motif que son entreprise rénovait des immeubles lui appartenant. La jeune femme serait tombée sous le charme, puis sous l’emprise du prévenu et aurait dû fuir en Chine pour lui échapper. Tout au long de ce procès fleuve, Saïd a été décrit, notamment par l’expert psychiatre, comme un manipulateur et une personne narcissique qui méprise les règles sociales.

Le prononcé est fixé au 15 juillet prochain.

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