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Affaire Saïd : «La peine la plus forte»


Quatre semaines au lieu de deux, c’est le temps qu’aura finalement duré ce procès riche en rebondissements. (Photo : archives lq/julien garroy)

Le procès fleuve, marqué par de nombreux rebondissements, touche à sa fin. Hier, le procureur a dressé dans son réquisitoire un portrait très peu reluisant du prévenu.

J’ai été informé par l’avocat du prévenu que des biens se trouvaient encore à l’adresse de l’ancien siège de son entreprise», rapporte Me Ralph Hellinckx à la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, hier. Sur place, il trouve entre autres quatre ordinateurs fixes et un ordinateur portable. Me Ralph Hellinckx explique remplacer le curateur d’origine depuis décembre 2020. Sur l’inventaire d’origine réalisé par son prédécesseur ne figurait qu’une camionnette, dit-il. «Le gérant du restaurant actuel m’a remis l’ordinateur et je l’ai ramené à mon étude. Je ne l’ai pas manipulé», affirme le curateur. «Jiaoli m’a dit que l’ordinateur portable appartenait à la société du prévenu.»

Après trois ans d’enquête, en plein milieu d’une affaire criminelle à rallonge, le prévenu produit de nouveaux éléments à l’origine obscure, au grand dam des protagonistes de ce procès. Ces dernières pièces proviendraient d’un ordinateur retrouvé la semaine passée dans l’ancien bureau de Saïd par le curateur de la faillite de son entreprise. De quoi semer un doute supplémentaire dans cette histoire. La présidente avait demandé à ce que le curateur soit immédiatement entendu. Si ces explications permettent d’asseoir la probité de la défense du prévenu, elles ajoutent une nouvelle zone d’ombre. Pourquoi cet ordinateur refait-il surface maintenant?

«Un frimeur flambeur»

L’affaire va de rebondissement en rebondissement. Hier, Me Fatholahzadeh a demandé à ce qu’un témoin, locataire de Jiaoli, puisse être entendu par le tribunal. Omar aurait, selon l’avocat de la partie civile, avoué à la victime présumée avoir recopié un texte qui lui aurait été envoyé en guise d’attestation testimoniale. Envoyé par qui? Pourquoi le témoin se rétracte-t-il à présent? L’enquêteur a été chargé de l’interroger à nouveau. Ce procès n’est pas uniquement hors norme par sa durée, mais aussi par les révélations effectuées en cours d’audience et le nombre d’infractions libellées à l’encontre du prévenu.

Il y a aussi les sommes d’argent en jeu. La partie civile réclame 1,5 million d’euros au prévenu en guise de réparation des nombreux préjudices qu’il est soupçonné d’avoir causés à Jiaoli, à ses deux enfants et à sa maman. La victime présumée réclame à elle seule 1,41 million d’euros. Saïd est suspecté d’avoir siphonné toute la fortune de Jiaoli sous la contrainte. «Il a dilapidé de l’argent qu’il n’avait pas, celui de la victime», a résumé le procureur au début de son réquisitoire. «Tyran», «emprise», «annihilation de la victime», les mots prononcés sont clairs et laissent peu de doute quant à l’issue du réquisitoire qui, promet le magistrat, lèvera le voile sur la personnalité du prévenu.

«Un frimeur flambeur» qui, «magasinier en 2015, affirme trois ans plus tard être un multimillionnaire (…) qui dépense 6 000 euros pour une boisson fraîche au Saumur» et met en avant ses relations avec un ancien ministre. Le procureur affirme que «l’ensemble de ses allégations à la barre ne sont qu’un tissu de mensonges», contrairement aux propos de sa victime présumée qu’il juge crédible. Le magistrat les déconstruit les unes après les autres, documents à l’appui, et demande à la chambre criminelle de ne retenir que les versions des faits données par Jiaoli et les autres témoins.

«Une menace permanente»

Il reproche au prévenu d’avoir dirigé une entreprise de construction et immobilière sans en avoir les compétences ni de compte employeur auprès du Centre commun de la sécurité sociale ou encore d’autorisation d’établissement. Le procureur a estimé qu’étaient données les nombreuses infractions de coups et blessures volontaires à l’encontre de la victime présumée et de sa maman, de menaces et d’injures, d’extorsion et d’abus de faiblesse ainsi que de faux et usage de faux.

Le portrait de Saïd dressé jusqu’à présent par le procureur s’éloigne diamétralement de l’image de prince charmant que le prévenu avait montrée à sa victime au début de leur relation. On découvre un homme «manipulateur» et «narcissique» qui frappait sa compagne jusqu’à l’épuisement quand elle ne lui remettait pas d’argent. Des coups qui ont causé une incapacité permanente de travail, une surdité irréversible des sons aigus et un stress post-traumatique à Jiaoli. La victime présumée aurait vécu «dans une menace permanente».

Le procureur a requis une peine de 12 ans de prison ferme à son encontre. «La peine la plus forte», annonce-t-il, rappelant que l’expert psychiatre avait pointé «l’état dangereux» du prévenu, estimant «qu’il recommencera dès qu’il en aura l’occasion» vu son déni «des règles sociales».

Les avocats du prévenu plaideront vendredi matin.

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