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Ras-le-bol dans le quartier Gare : «Comment cohabiter avec des drogués ?»


Pour les résidents, tout ce qui a été fait jusqu’à présent fait office de «mesurettes» : ils réclament de la fermeté.   (Photo : hervé montaigu)

Habitants, employés et commerçants du quartier Gare crient à nouveau leur désarroi face au trafic de drogue qui ne faiblit pas, et en appellent aux pouvoirs publics dans une lettre ouverte.

Loin de s’apaiser, la situation dans le quartier de la Gare à Luxembourg continue de se dégrader, inexorablement, alors que le trafic de drogue et la criminalité qui l’accompagne prospèrent. Après la dernière réunion publique entre riverains, autorités communales et ministre de la Sécurité intérieure en décembre 2021 et un an et demi après le déploiement d’un «plan visibilité» par la police – une réorganisation des patrouilles à Bonnevoie et autour de la gare –, rien n’a changé. Ou plutôt si, le quotidien des habitants, commerçants et employés du secteur s’est encore détérioré.

Ne sachant plus à quel saint se vouer, et alors qu’ils sont de plus en plus nombreux à fuir ce quartier où certains résident depuis parfois plus de vingt ans, ils sont 150 à avoir signé une lettre ouverte adressée au Premier ministre, aux membres du gouvernement et aux députés.

«Ce sont mes racines qui sont ici»

«Tous les soirs, on assiste au ballet des dealers et des toxicomanes qui s’installent dans les halls d’entrée. Chaque matin, les lieux sont dans un état repoussant, avec de l’urine sur les murs, des éclairages démontés, des bouteilles vides. Les habitants hésitent à sortir de chez eux passé une certaine heure ou à inviter des amis, car parfois, ces gens sont agressifs», déplore l’habitante à l’initiative de ce énième appel au secours, qui préfère ne pas dévoiler son identité.

Née dans le quartier, comme ses parents, elle y a vécu toute sa vie et ne peut se résoudre à partir. «Ce sont mes racines qui sont ici», sourit-elle, se remémorant un quartier où il faisait bon vivre auparavant. Aujourd’hui, elle est en colère contre les autorités qui ne prennent pas la mesure du fléau selon elle. «Quand on ne vit pas là, ou qu’on n’y travaille pas, on ne se rend pas compte. Xavier Bettel vient faire des emplettes, il est sympa, blague avec tout le monde, mais on a beau lui rapporter ce qui se passe, il ne résout rien», accuse la dame, craignant que si rien n’est entrepris cette année, en pleine période préélectorale, rien ne soit jamais fait.

Du gardiennage privé dès 15 h

Pour contrer le problème, qui s’est accentué à mesure que l’artère commerçante se vidait de ses grandes enseignes et de son affluence, la majorité DP-CSV aux manettes de la capitale n’a cessé de réclamer davantage de répression, faisant appel à l’État pour obtenir des policiers en nombre suffisant. Ce que les ministres successifs – Schneider, Bausch et Kox – n’ont pu lui accorder, les services étant confrontés à une pénurie d’effectifs.

À peine a-t-on arrangé l’emploi du temps des agents dans le but de rendre l’uniforme plus visible aux heures les plus sensibles. Des mesures «cosmétiques et ponctuelles», estiment les riverains, pour qui des agents en civil seraient bien plus efficaces : «La police n’a pas les moyens d’agir. Et quand on l’appelle, les dealers se passent le mot vite fait et désertent les lieux en un claquement de doigts», note cette habitante, qui décrit un jeu du chat et de la souris incessant, sans grand résultat.

Un an et demi après leur dernière rencontre publique avec les autorités, les riverains sont toujours aussi démunis. Photo : fabrizio pizzolante

Quant au gardiennage privé déployé dans le quartier depuis fin 2020 et qui a fait l’objet de nombreuses polémiques, ses effets restent limités. Pourtant, la bourgmestre Lydie Polfer vient d’annoncer ce mercredi son intention de le renforcer, avec des rondes d’agents de sécurité dès 15 h, au lieu de 17 h actuellement. Proposition qui doit être soumise au collège échevinal aujourd’hui, avant des discussions avec le prestataire.

La Ville de Luxembourg mise aussi sur l’action sociale en finançant, via des conventions, une série de missions de travail communautaire assurées par des streetworkers d’Inter-Actions, Caritas et la Croix-Rouge. En complément, le service de médiation À vos côtés, mis en place fin 2020, intervient auprès des habitants et des travailleurs pour atténuer le sentiment d’insécurité. En 2021, les équipes se sont ainsi relayées sur le terrain pour assurer près de 2 894 tournées à la Gare et 2 641 à Bonnevoie, et près de 3 400 interventions au total.

Mais là encore, le système a ses limites : «Ils sont braves, mais ne peuvent pas faire grand-chose. En plus, ils ne sont présents que jusqu’à une certaine heure, et après, plus rien», regrette cette résidente, insistant sur le fait que l’insécurité est bien réelle et qu’il ne s’agit pas que d’un sentiment.

Des mesures qui peinent à être appliquées

Le groupe s’est d’ailleurs senti insulté par les récentes déclarations du ministre Henri Kox, convaincu que l’insécurité, liée à des problèmes sociaux, relève aussi du vivre-ensemble : «Mais enfin, comment cohabiter avec des drogués et de la mendicité organisée qui débarque tous les matins?», lui rétorque-t-elle, au nom du groupe de signataires.

Concernant cet autre phénomène, la commune est déterminée à se battre, quitte à susciter de nouveaux remous : au terme de débats explosifs, le conseil communal a voté fin mars l’interdiction de la mendicité sur certains axes entre 7 h et 22 h. Une adaptation du règlement général de police qui doit encore être validée par le ministère de l’Intérieur.

Les streetworkers d'À vos côtés ont assuré 3 400 interventions en 2021 dans ce secteur. Photo : julien garroy

Mais les riverains se montrent sceptiques, alors que tout un arsenal de mesures existe déjà, mais peine à être appliqué : l’introduction du Platzverweis l’été dernier en est un bon exemple. Autorisée légalement à déloger des personnes des halls d’immeuble, la police mettrait pourtant rarement cette mesure en pratique.

Face à cette impasse, le groupe de signataires demande au gouvernement de «cesser les mesurettes» et de frapper fort, avec une «démarche ferme et coordonnée entre le législateur, la justice, la police et les services fiscaux» incluant des contrôles constants, des arrestations systématiquement suivies de poursuites judiciaires, des amendes dissuasives pour les consommateurs et de la prison ferme pour les trafiquants. Ils veulent aussi voir les enquêtes fiscales sur le patrimoine des dealers se généraliser, avec confiscation automatique de leurs avoirs.

À quelques semaines des élections, les riverains du quartier Gare le répètent : «Il ne s’agit que de volonté politique.»

3 plusieurs commentaires

  1. Interdire la mendicité de 7h à 22h, donc à 22h05 on se retrouve confronté à un groupe soit on donne soit tabasser???

  2. Partout en Europe, drogue, incivilité, danger grandissant, aujourd’hui bien plus, qu’hier.
    Le résultat de cette décadence grandissante, n’est pas prêt de s’arranger, et de loin pas!
    Quelle finalité pour tous ça?.
    Y a t-il vraiment, une volonté pour de ne pas semer le chaos, là où nous vivions en sécurité,
    il y a encore quelques dizaines d’années ?
    Nous ne sommes pas dupe. Nous voyons clairs!

  3. Franck Broch

    Laxisme, laxisme, laxisme…….. De plus le tram gratuit à déplacé la délinquance aussi à Hamilius et Monterey. Une seule solution changer de Bourgmestre!!!

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