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Passerell, indépendante mais fauchée


L’association Passerell a été créée en 2016 et n’a cessé d’étoffer son expertise en matière de droits humains fondamentaux. 

L’association d’accompagnement juridique des demandeurs de protection internationale frappe à la porte du ministère qu’elle assigne en justice pour obtenir des subventions. La méthode est peu courante.

L’association Passerell a annulé sa manifestation, faute d’autorisation de la ville de Luxembourg. La demande a été introduite un peu tard, admettent les responsables, qui ont communiqué sur Facebook uniquement. Quelques jours plus tôt, l’association qui accompagne les demandeurs de protection internationale avait indiqué être en sursis, du moins certains de ses services pour lesquels trois salariés sont employés, plus un interprète à mi-temps et emploi aidé.

Que s’est-il passé pour que Passerell tire la sonnette d’alarme ? Tout simplement la fin de son financement par l’Œuvre Grande-Duchesse Charlotte, en grande partie, et des soutiens qui n’arrivent pas du côté du gouvernement. Lundi dernier, en marge de la journée internationale des réfugiés, Ambre Schulz, coordinatrice de projets pour l’association Passerell depuis novembre 2018, alertait déjà sur «l’impact que la fin d’une grande partie des activités aura sur l’État de droit au Grand-Duché de Luxembourg» et se tournait vers le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, Jean Asselborn.

Veiller au respect de l’État de droit nécessite, selon l’association, «une indépendance vis-à-vis de l’État et vis-à-vis de tout autre financeur». Elle diversifie ses sources de financement, mais perd 41 % de son budget, arrêté à 130 000 euros dans le rapport d’activités 2021. L’Œuvre Grande-Duchesse Charlotte, dont les caisses sont alimentées par le produit de la loterie nationale, limite à trois ans son soutien à des projets précis.

Les quelque 60 % restants sont ventilés entre les dons des mécènes privés (25%), la collecte directe et des dons de particuliers (24 %), un subside du ministère de la Justice et de la Ville de Luxembourg (5 %) et, enfin, l’autofinancement à travers la vente du livre Réhumanisez-moi (5 %) et l’offre de formation.

 «Je n’ai aucun crédit pour les soutenir, d’autant qu’ils demandent une somme faramineuse», nous déclare le ministre Jean Asselborn qui assure, cependant, avoir versé un subside chaque année. Il en profite pour rappeler que l’assistance judiciaire est assurée par l’État. «C’est l’État qui paye les avocats pour toutes les procédures et cela n’existe pas dans beaucoup de pays», souligne-t-il.

Passerell, qui reçoit une dizaine de demandeurs chaque jour pour un soutien juridique, estime avoir toute sa place dans le paysage des organismes de défense des droits fondamentaux, mieux encore, être «un acteur incontournable». Cette indépendance à laquelle l’association est farouchement accrochée l’empêche d’être conventionnée, donc aussi contrôlée.

À l’inverse, c’est Passerell qui contrôle le gouvernement et l’association ne s’en prive pas. Fin 2020, elle avait introduit un recours contre la direction de l’Immigration qu’elle accusait de limiter l’accès aux procédures d’asile pour les nouvelles demandes, «ce qui constitue en soi une violation des droits fondamentaux de ces personnes», s’indigne l’association dans un communiqué. L’affaire sera entendue en audience au Tribunal administratif lundi prochain.

La direction de l’Immigration n’a pas du tout apprécié ces reproches qu’elle rejette d’ailleurs formellement.

Aucune autre association d’aide aux demandeurs de protection internationale ou d’accompagnement des réfugiés ne rencontre de problèmes avec la direction de l’Immigration. Avec Passerell, c’est plus compliqué. Les relations ne sont pas au beau fixe et la confiance ne règne pas entre les deux parties.

Pas de projet pour le droit

La présidente de Passerell, Catherine Warin, regrette le fait que «les subventions publiques aux associations sont en très grande majorité fléchées vers des projets culturels ou sociaux», et jamais vers le droit, le «cœur de métier» de l’association.  «Quand on sait que le Luxembourg siège au Conseil des droits de l’homme des Nations unies et proclame son attachement aux droits humains et son ambition de soutenir les organisations de la société civile actives dans ce domaine, il y a de quoi s’interroger sur la sincérité de ce discours», communique la présidente.

Néanmoins, au ministère des Affaires étrangères, on affirme travailler sur une solution pour soulager l’association qui a embauché du personnel dont elle devra se séparer si elle ne parvient pas à réunir les fonds nécessaires à son fonctionnement.

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