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Observatoire de l’égalité : un projet en forme de coquille vide


Le rapport a été présenté jeudi à Belval en marge de deux tables rondes sur des sujets liés à l’égalité femmes-hommes. 

L’Observatoire de l’égalité publie un premier rapport décevant, compilant des chiffres déjà connus, sans plus d’analyse. Une initiative qui sonne creux, alors que le combat pour une société plus égalitaire mérite davantage de moyens.

Lancé il y a quatre ans par le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes (MEGA), l’Observatoire de l’égalité a pour mission de centraliser toutes les données disponibles en matière de violences, emploi, prise de décision, équilibre vie professionnelle-vie privée, éducation, revenus, et bientôt santé. À travers le prisme du genre, celles-ci sont compilées sur un site web peu intuitif, et résumées une fois par an dans un rapport succinct, dont la première édition a été dévoilée jeudi.

La ministre Taina Bofferding s’est ainsi réjouie que les acteurs de terrain comme les responsables politiques puissent désormais s’appuyer sur ces chiffres pour construire ou adapter leurs stratégies pour une société plus égalitaire.

Une initiative qui semble louable a priori, mais qui aurait mérité davantage de moyens. À ce jour, le service n’est en effet doté que d’un poste équivalent temps-plein et demi, et se contente d’agréger des statistiques déjà rendues publiques par le Statec, Eurostat, la police grand-ducale ou d’autres organismes officiels. Alors, quand la ministre parle d’une base «indispensable» et annonce que «mesurer, c’est se donner la possibilité d’agir de manière ciblée», on est tenté de répondre que ces «mesures» étaient déjà disponibles et qu’il suffisait de se servir.

D’autant qu’un «Plan d’action national pour l’égalité» comportant pas moins de 99 points existe déjà, et est progressivement déployé depuis 2020. Cet observatoire vient donc s’y greffer, avec 450 indicateurs et sous-indicateurs, tous «neutres» – portant à la fois sur les hommes et les femmes –, là où militants et associations actives dans la lutte pour les droits des femmes réclament des données spécifiquement axées sur leur population cible. Un engagement inscrit dans la Convention d’Istanbul dont le Luxembourg est pourtant signataire, mais qui fait toujours défaut.

Parmi tout ce qu’on sait déjà, ce premier rapport rappelle que la part de femmes occupant des positions de prise de décision est toujours largement inférieure à celle des hommes, que ce soit au sein du gouvernement (35 %), à la Chambre des députés (35 %), dans la fonction publique (26 %), les conseils d’administration des grandes entreprises (24 %) ou les fédérations sportives (20 %).

On y lit aussi que les femmes interrompent davantage leur carrière pour s’occuper des enfants ou des membres de la famille et qu’au quotidien, «elles assument toujours une part disproportionnellement élevée des tâches ménagères et de soins». Mais ni le rapport ni le site web ne donnent plus de détails sur ce point.

Pas de scoop non plus dans le volet consacré aux revenus : le document cite simplement le Statec en indiquant que l’écart de rémunération entre hommes et femmes s’accroît avec l’âge tout au long de la carrière et à mesure de l’augmentation des obligations familiales, alors qu’il est plutôt faible lorsque les femmes, plus diplômées, entrent sur le marché du travail.

À peine 0,10 % du budget de l’État

En bref, ce nouvel Observatoire – qui fait l’objet d’un projet de loi, avec la création d’un Conseil supérieur de l’égalité – sonne un peu creux, à l’image du bilan du MEGA après 28 ans d’existence.

Mais si le manque d’actions impactantes de la part du ministère est souvent pointé du doigt, notamment dans le milieu militant, il faut souligner que l’enveloppe annuelle qui lui est accordée ne représente que 0,10 % du budget total de fonctionnement de l’État, soit 23 millions d’euros. Or, 80 % de cette somme sert au financement de structures conventionnées, comme les foyers ou les services de consultation, ce qui laisse bien peu de marge de manœuvre pour développer des projets marquants et obtenir des résultats durables.

En 2022, selon le rapport annuel du ministère, son activité propre s’est donc principalement bornée à huit partenariats avec des communes, la production de clips destinés à promouvoir la participation politique des femmes via les réseaux sociaux, des formations auprès du personnel communal stagiaire (300 personnes), des ateliers pour les enfants (110 en écoles et lycées), et la création d’un livre de contes ou d’un jeu de cartes.

Sur les sujets cruciaux de l’égalité dans l’emploi ou de la prévention des violences, le rapport fait état de rééditions de brochures, d’un projet théâtre (dans cinq communes) et d’une formation auprès de 130 pompiers du CGDIS.

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