La chambre criminelle a poursuivi, mardi matin, l’audition de l’ex-petit ami d’Ana Lopes enlevée à Bonnevoie et retrouvée morte à Roussy-le-Village. Certaines contradictions dans ses déclarations intriguent toujours.
«De toute façon, je n’avais pas le téléphone avec moi», avait lâché, vendredi, le prévenu Marco B. (32 ans) entre deux phrases alors que la chambre criminelle l’interrogeait sur l’appel de sa mère qu’il avait reçu le 16 janvier 2017 à 1 h 17, la nuit de la disparition d’Ana Lopes, mais auquel il n’avait pas répondu.
La phrase n’était pas passée inaperçue. La présidente a rebondi dessus, lors de la suite de son audition, mardi matin. «Chez le juge d’instruction, vous aviez dit „Je suis sûr d’avoir eu le téléphone sur moi toute la nuit“.» On peut commencer à croire qu’au fur et à mesure vous adaptez vos déclarations au dossier…» La réponse du prévenu : «Le téléphone, je ne l’ai pas donné au voisin, donc je l’avais sur moi.» L’un de ses deux avocats, Me Philippe Penning, tentera de dire quelque chose. La présidente, catégorique : «Je veux la réponse de Marco B.»
Ce n’est pas le seul point sur lequel la chambre criminelle avait décidé de creuser mardi matin, au 13e jour du procès. Elle a aussi décortiqué les déclarations du trentenaire concernant les plus de 11 000 messages retrouvés sur son portable. «Je garde toujours tout. Cela peut servir», avait-il affirmé lors de sa troisième audition chez le juge d’instruction. Sauf que deux SMS échangés avec sa mère dans la nuit du 15 au 16 janvier 2017 ont disparu… Pourquoi justement ces messages se sont volatilisés? Comme vendredi, la chambre criminelle n’a pas vraiment obtenu plus d’explications. Si Marco B. a précisé ne pas garder des «choses inutiles», il a encore dit : «Je ne sais plus la raison pour laquelle les SMS ne se trouvent plus dans le téléphone.»
Ce qui n’a cependant pas disparu, c’est la trace ADN sur la face collante de l’entame du ruban adhésif de la marque Kip retrouvé à Roussy-le-Village, en Lorraine, à 55 mètres de la voiture incendiée contenant le corps calciné d’Ana Lopes. C’est l’ADN de la lignée paternelle de Marco B. qui a pu être mis en évidence. Ce n’est pas pour autant qu’on peut le relier au crime, estime-t-il. «Cela peut juste être un transfert d’ADN. Autrement, la quantité retrouvée aurait dû être plus importante.» «Je donnerais même ma vie que cela ne correspond pas à un contact direct», a insisté le prévenu, à la barre.
«C’est en dehors des pouvoirs du Grand-Duc»
Placé en détention préventive début juin 2017, Marco B. avait envoyé une lettre à une copine dans lequel il écrivait que quand il sortirait de prison, il irait voir le Grand-Duc. «Quand j’ai dit cela, c’était pour qu’il améliore le système et que le parquet n’inculpe pas les gens comme ça», a expliqué le prévenu pour éclairer la chambre criminelle curieuse de comprendre sa démarche.
«Mais c’est comme ça que le système fonctionne au Luxembourg. Le Grand-Duc ne va rien faire du tout, car c’est en dehors de ses pouvoirs. C’est la Chambre des députés qui vote les lois», lui a enseigné la présidente, avant que la représentante du parquet prenne la relève. Elle aussi avait son lot de questions à poser, notamment sur les fameuses sorties nocturnes avec les chiens.
« Lors de votre audition le 15 mai 2017, vous avez dit être sorti tout seul, à 3 h, avec le grand chien. Si j’ai bien compris, aujourd’hui vous dites être sorti avec votre mère. Pourquoi avez-vous fait ces déclarations à l’époque?»
– «Je ne sais pas…»
Le trajet que Marco B. a emprunté en début de soirée, à Bonnevoie, pour se rendre chez une amie intrigue lui aussi : «C’est le même trajet que prendra l’auteur des faits à bord de la voiture d’Ana Lopes six heures plus tard…» Marco B. n’est pas d’accord : «Où était Ana alors? Je pouvais la voir? Non!» «D’autres explications peuvent venir à l’esprit», interviendra la présidente. Marco B. campera sur sa position : «Si je ne m’arrête pas, je ne croise pas Ana.» Et la représentante du parquet de rétorquer : «L’auteur ne s’est pas non plus arrêté…»
Un grand silence traversera la salle. Le parquet enchaînera finalement sur sa dernière question : «Ce qui étonne après le décès d’Ana Lopes, c’est que vous n’entreprenez aucune démarche pour voir votre fils ou pour en avoir la garde? Pourquoi?»
La famille d’Ana Lopes réclame 290 000 euros
Ce mercredi après-midi, les avocats de Marco B. auront la parole. Me Roberto, représentant le fils, la mère, le père et la sœur d’Ana Lopes, s’est d’ores et déjà constituée partie civile. Elle réclame près de 290 000 euros de dommages et intérêts au total. Selon l’avocate, «sans l’ombre d’un doute, Marco B. est le coupable».
Dans ce procès, le moindre détail a été passé au crible. Et ce n’est pas fini. D’ici mercredi après-midi, l’enquêteur de la police technique est en effet censé mesurer à nouveau le serre-câble découvert route de Thionville – l’endroit où le ravisseur a eu raison d’Ana Lopes – ainsi que ceux saisis dans le garage à Howald où travaillait Marco B. L’enquêteur devra en outre vérifier que la voiture de la victime avait bien rendez-vous au contrôle technique le 13 janvier 2017. Un détail qui permettra de livrer éventuellement un indice supplémentaire sur l’état de la voiture de la victime avant le crime…
Fabienne Armborst
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