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Les coûts flambent pour les restaurateurs


L'activité stagne en 2023. (Photo : Alain Rischard)

Hausse du prix des denrées et des salaires : les restaurants vont devoir ajuster leurs tarifs pour pouvoir survivre. Jusqu’à présent, beaucoup essayent de rogner sur leur marge, constate l’Horesca.

Vous avez vu la hausse des prix dans les supermarchés? Ce n’est rien par rapport à ce que les restaurateurs doivent absorber», lance François Koepp pour contextualiser ce que vivent actuellement les restaurateurs.

Le secrétaire général de l’Horesca ajoute : «Les supermarchés sont de grands distributeurs. Ils ont des stocks énormes, certaines fois d’une année à l’avance. Lorsqu’ils devront procéder à de nouvelles fixations de prix, là ça deviendra plus dur. Mais les restaurateurs sont de plus gros consommateurs» que les clients de supermarché ou les particuliers. Ils doivent commander régulièrement d’importantes quantités de marchandises et «sont donc affectés plus tôt par la hausse des prix».

C’est un défi majeur que les professionnels de la restauration doivent relever et qui laissera des traces, d’après le représentant de l’Horesca : «Plus jamais le monde d’après-covid ne ressemblera à celui d’avant.»

La pénurie de personnel est plus forte que jamais, certains produits se raréfient, comme l’huile de tournesol, mais surtout «la hausse des prix de toutes, absolument toutes, les denrées est exorbitante», insiste-t-il. «Une viande de bonne qualité, c’est plus 30 %, mais il n’y a pas que ça : les fruits et les légumes, le lait, le beurre, les additifs : tout augmente.»

La pénurie de main-d’œuvre met de l’huile sur le feu

À toutes les problématiques de surcoûts s’ajoutent la pénurie du personnel et l’augmentation des salaires qui en découle, cumulée à l’indexation. «Les restaurateurs n’ont pas d’autre choix que d’augmenter tout le monde, sinon ils ne peuvent plus faire tourner leur restaurant. Ils embauchent des personnes qui viennent d’autres secteurs pour des tâches qui ne sont pas trop techniques. C’est une pénurie qui concerne toute l’Europe avec un manque de 1,8 million de professionnels», indique François Koepp, le secrétaire général de l’Horesca, l’organisme qui représente les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et des cafés (l’Horeca).

Quand les augmentations des salaires empêchent les employeurs d’engager autant de personnel que le travail le nécessiterait ou qu’il est impossible de trouver des recrues, les restaurateurs peuvent choisir de moderniser leurs infrastructures et leur cuisine pour gagner du temps. Malheureusement, bien souvent, «les surcoûts empêchent les investissements dans l’entreprise», souligne François Koepp.

Malgré son prix, «l’huile de tournesol est utilisée, car elle a une certaine qualité». Selon le secrétaire général, d’autres huiles végétales ou d’arachides, la graisse de saindoux ou encore le blanc de bœuf remplacent idéalement l’huile de tournesol.

«Et le blanc de bœuf permet de faire de très bonnes frites, si l’on en croit nos amis belges. Certains restaurateurs travaillent encore avec l’huile de tournesol, même si elle est plus rare, par exemple pour les fondues. On la trouve encore un peu, mais son prix a augmenté de 75 %. Parfois, il y a des pénuries parce que les grossistes ne veulent pas payer le prix fort.»

«C’est de la spéculation»

Avec le principal producteur d’huile de tournesol en guerre, l’Ukraine, forcément les quantités sur le marché baissent, mais pour François Koepp, ce conflit n’est pas le seul responsable de la situation. «Certaines personnes essayent de profiter de la situation pour maximiser les prix et prévenir la hausse des coûts dans le futur. Cela provoque une forte demande et les prix s’emballent.»

Que ce soit pour l’huile ou pour l’augmentation de toutes les denrées, le directeur de l’Horesca met aussi en question les intermédiaires : «Les producteurs augmentent un peu les prix parce que leurs charges ont augmenté (NDLR : le prix de l’alimentation des animaux, des matières premières, etc). Le prix des livraisons augmente aussi beaucoup. Les intermédiaires profitent de la situation. Ils vendent moins de quantités à des prix plus élevés. Ils font des réserves pour faire grimper les prix, c’est de la spéculation.»

Des appels de gens qui se plaignent

Selon les constatations de l’Horesca, «les restaurateurs sont très réticents à répercuter la hausse des prix sur leurs tarifs». Forcément, après une période particulièrement difficile, augmenter drastiquement les prix, c’est prendre le risque de faire peur aux clients ou de les braquer.

«Pourtant, ils devront forcément le faire un jour ou l’autre», analyse François Koepp. «Si un restaurateur a 33 % de ses dépenses qui ont augmenté de 40 %, cela lui fait un budget en augmentation de 8 %. Jamais un restaurant ne va pouvoir supporter une telle hausse et il ne sera plus rentable. Surtout s’il utilise des produits plus chers et de grande qualité avec une moindre marge. Les produits locaux ne sont pas épargnés par ces augmentations. Généralement, les restaurants font entre 8 % et 15 % de marge.»

Bien sûr, ce constat comptable est difficilement compréhensible pour les habitués des établissements qui ont déjà fait des réajustements et ces derniers le font savoir.

«Nous recevons des appels de gens qui se plaignent, mais quand j’entends quelqu’un qui me dit que son filet de bœuf a augmenté de 3 euros, je lui dis que ce n’est rien en comparaison de la hausse du prix d’achat pour le restaurateur, sans parler de la sauce et des accompagnements», réplique sans sourciller François Koepp.

Les restaurateurs n’ont pas tous les mêmes contraintes

«C’est comme un verre qu’on remplit continuellement. Un jour, le verre est trop plein et quand il déborde, c’est trop tard. C’est à chaque restaurateur de faire le calcul. Chaque entreprise est différente et c’est elle qui sait le mieux ce qu’elle peut faire pour pallier ces problèmes. Toutes n’ont pas les mêmes contraintes non plus», explique le secrétaire général.

Un restaurateur qui est propriétaire et a terminé de rembourser ses emprunts sera moins affecté qu’un autre qui vient de se lancer et paye 1 000 euros de loyer par mois.

Si pendant «le covid il y a eu moins de faillites qu’en temps normal, ce qui montre que les aides de l’État ne sont pas si mauvaises, cela ne règle pas les problèmes pour sauver les entreprises ou même le secteur tout entier», insiste François Koepp.

«Notre président (NDLR : Alain Rix) estime qu’il y aura encore 8 % de fermetures d’établissements dans les deux prochaines années. Bien sûr, ce n’est qu’une estimation, nous n’avons pas de boule de cristal. Il ne s’agit pas uniquement de faillites, mais aussi de personnes qui partent à la retraite ou qui ne trouvent pas assez de personnel pour fonctionner.»

Baromètre économique : l’Horeca à la peine

Dans son premier baromètre socio-économique de 2022, la Chambre de commerce a présenté mardi les chiffres des différents secteurs. Il apparaît que l’Horeca (hôtellerie, restauration, cafés) est particulièrement en souffrance avec une activité qui continue de dégringoler : -11 % en 2021 et -25 % cette année. C’est le secteur le plus touché.

Pour l’accès au crédit, il en va de même :  37 % des professionnels de l’Horeca ont du mal à se voir accorder des prêts par les banques. C’est encore une fois le secteur le plus défavorisé sur ce critère.

L’augmentation du prix du gaz a aussi eu un impact pour 84 % de la profession. Si tous les secteurs sont concernés par l’évolution des coûts énergétiques, il semble que sur ce point aussi l’Horeca est particulièrement vulnérable.

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