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Le fléau de la violence domestique continue de progresser


Pour Taina Bofferding, «le tabou social autour de la violence domestique est enfin brisé». (Photo : julien garroy)

Les interventions policières pour des faits de violence domestique n’ont jamais été aussi nombreuses. Le gouvernement croit à un public plus sensibilisé, qui hésite moins à dénoncer cette violence.

Violence entre conjoints, d’un parent envers son enfant, voire d’un enfant envers son parent… La violence domestique est toujours une réalité au Luxembourg. Pis, elle a même augmenté en 2022, selon le dernier rapport du Comité de coopération entre les professionnels dans le domaine de la lutte contre la violence, présenté mercredi par la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Taina Bofferding.

Ainsi, en 2022, les policiers sont intervenus pas moins de 983 fois pour des cas de violence domestique à travers le pays, ce qui représente une augmentation de 7,2 % par rapport à 2021 et deux à trois interventions par jour. C’est le pire chiffre enregistré depuis une décennie. Le nombre de victimes répertoriées dans le cadre de ces interventions est lui aussi en augmentation : il est passé de 1 712 à 1 832, soit 120 personnes supplémentaires en l’espace d’un an. Parmi les interventions de la police, 246 ont donné lieu à des expulsions de domicile, soit environ 20 par mois. À noter qu’en 2022, les parquets ont en outre enregistré cinq homicides (deux femmes et trois hommes) pouvant, en l’état actuel de leur instruction, entrer dans un contexte de violence domestique. Aucun n’avait été répertorié en 2021.

Mais pour la ministre, cette augmentation résulte moins d’une progression de la violence que de la hausse des dénonciations des violences : «L’augmentation du nombre des interventions policières confirme que la violence domestique n’est plus considérée comme une affaire privée et que davantage de gens concernés, les victimes ou les proches, font preuve de courage et appellent les forces de l’ordre ou alertent les services sociaux», a-t-elle déclaré, n’hésitant pas à parler de «tabou social enfin brisé».

Près d’un quart de récidives

Une analyse partagée par Laurent Seck, du parquet auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. C’est en effet avec l’accord du parquet que la police peut procéder à l’expulsion du domicile d’un auteur de violence domestique, «à condition qu’il y ait un danger pour la vie ou l’intégrité physique de la victime». Or le parquet a autorisé 246 expulsions en 2022, c’est moins que les trois années précédentes, qui pourtant enregistraient moins d’interventions. «Est-ce que cela signifie que nous sommes devenus plus sévères sur nos critères déterminant une expulsion ou que la population est plus sensible à ces questions? Je pense que les gens appellent la police plus souvent – et heureusement! – pour des injures, menaces et bousculades.»

Des motifs qui, bien qu’inadmissibles, ne peuvent cependant donner lieu à une expulsion, rappelle-t-il. «Le Luxembourg est l’un des seuls pays où un auteur de violence domestique peut être privé de son domicile pendant 14 jours, sans procès. Pendant cette durée, il a aussi interdiction d’approcher la victime, de la contacter ou d’essayer de retourner au domicile. C’est pour cela qu’il faut un certain nombre de garanties, une gravité « certaine ». Élargir les critères pourrait porter atteinte à d’autres droits.» Sur les 246 expulsions, 89 ont fait l’objet d’une prolongation. «Le parquet prononce une centaine de condamnations par an pour violence domestique», ajoute Laurent Seck.

L’une des mesures prioritaires du gouvernement pour lutter contre la violence domestique demeure la prise en charge des auteurs, dont près du quart (24 %) ayant fait l’objet d’une expulsion sont en fait récidivistes. «Nous devons travailler à une meilleure connaissance et analyse des différents types et profils des auteurs, et développer et renforcer notre analyse des risques», indique Taina Bofferding. «La prise en charge et le suivi obligatoires des auteurs par le service d’aide aux auteurs de violence domestique, l’introduction d’un bracelet électronique et la création d’une cellule spécialisée auprès de la police grand-ducale sont des pistes que nous explorons.»

Mais la lutte contre la violence domestique, qu’elle soit physique, psychologique, sexuelle ou encore économique, est aussi intrinsèquement liée aux conditions matérielles : la crise du logement au Luxembourg, couplée à l’inflation actuelle, limite souvent les séparations qui seraient nécessaires, voire vitales. «C’est un problème qu’on constate en permanence dans notre travail, en effet», déplore la ministre, qui étudie là encore plusieurs pistes pour répondre à l’urgence des besoins.

Le rapport complet est à télécharger sur mega.public.lu, rubrique «Publications».

La relation auteur-victime

Dans 75 % des cas de violence domestique qui ont donné lieu à une expulsion du domicile, la violence concernait le couple. Près de 10 % des cas concernaient la violence exercée par un enfant majeur à l’égard d’un parent, un chiffre en diminution par rapport à 2021, où il s’élevait alors à 13,25 %. Douze expulsions sur 246, soit près de 5 % des cas, ont résulté d’une violence exercée par un parent directement sur un enfant.

Le profil des victimes

En 2022, 60 % des 1 832 victimes de violence domestique étaient des femmes et 40 %, des hommes. 463 victimes étaient mineures, contre 389 en 2021, soit une hausse de 19 %. La tranche des 30-45 ans représente plus du tiers des victimes (31,66 %). 17,04 % des victimes ont plus de 50 ans. Dans le cadre des 246 expulsions de domicile, 261 adultes ont été reconnus victimes directes (230 femmes et 31 hommes), ainsi que 64 enfants, et déclarés comme personnes à protéger par le parquet. Les Luxembourgeois et les Portugais sont les nationalités les plus représentées. Des violences psychologiques ont été recensées dans 99,6 % des cas et des violences physiques, dans 94,6 % des cas.

Le profil des auteurs

En 2022, la police a identifié 1 385 auteurs de violence domestique (+1,5 % par rapport à 2021). 68,7 % des auteurs étaient de sexe masculin et 31,3 % de sexe féminin. Les 30-45 ans sont les plus représentés : 43,75 % des auteurs se situent dans cette tranche d’âge. Plus de 19 % avaient plus de 50 ans et 2,67 % étaient mineurs au moment des faits. 24 % des expulsions de domicile étaient des récidives et 40 % des auteurs avaient consommé de l’alcool. En 2022, Riicht Eraus a encadré 461 auteurs originaires de 46 pays différents. La majorité était de nationalité luxembourgeoise (33 %), suivie des nationalités portugaise (17,8 %) et française (4,3 %).

Un commentaire

  1. Quelle belle trouvaille, le terme de violence domesttique! Du coup on peut mélanger violence entre conjoints et malraitance envers des enfants ce qui explique sans doute pourquoi on se retrouve avec une proportion assez conséquente de victimes de sexe masculin. Géniale aussi l’idée d’expliquer l’augmentation du nombre de cas par une plus grande sensibilité au niveau de notre société, mais comment expliquer alors le nombre de décès? Finalement, au Luxembourg, on a toujours le talent pour tourner tout ce qui est négatif en notre faveur: Non, le Luxembourg ne fiait pas figure d’exception en autorisant l’expulsion de l’auteur des faits sur simple décision du Parquet. La même chose existe chez nos voisins allemands et en Autriche. Je suis vraiment dégoûtée par cette banalisation de la violence faite au femmes! Selon mes souvenirs nous avons eu au moins trois cas de fémicides en 2023 sans la moindre réaction de nos responsables politiques. Circulez, il n’y a rien à voir!

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