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Il y a 175 ans, une eau salée a changé le destin de Mondorf


(Photo : Claude Lenert)

Les taxes sur le sel, imposées par les Hollandais sous Guillaume 1er  des Pays-Bas étaient telles, que le Grand-Duché a essayé d’en trouver à Mondorf. C’est une source qui a jailli à la place, marquant le début du thermalisme dans le pays.

L’histoire du thermalisme à Mondorf-les-Bains ne manque pas de sel. Du moins, si. C’est bien parce que le chef porion Karl Gotthelf Kind, autodidacte devenu régénérateur des systèmes modernes de forages, n’en trouva pas, que tous les regards se sont posés sur une source minéralisée, surtout celui du notaire Ledure, qui proposa judicieusement d’utiliser ses propriétés à des fins curatives.

Cette source avait jailli des entrailles de la terre, à quelque 500 mètres de profondeur. Mais pour trouver du sel, le forage avait atteint les 730 mètres de profondeur avant que la toupie ne se brise, signifiant la fin des travaux. Certains avaient assuré, à cette époque, qu’il s’agissait là d’un record mondial. «Européen, certainement, car les Chinois étaient descendus à plus de 1 000 mètres», précise Charlotte Strasser qui assure les visites guidées dans le cadre des festivités du 175e anniversaire du thermalisme.

Cette découverte marque les débuts du thermalisme. La «Société des Bains de Mondorf», rapidement créée, se charge d’édifier un premier établissement (voir la chronologie) et dès le début de la saison 1847, les premiers curistes ont profité des bienfaits de cette eau. «C’est d’ailleurs la fille du notaire Ledure, Amélie, qui a pris le premier bain dans les grands baquets en bois», relève la guide.

Voilà comment l’histoire a débuté il y a 175 ans et au fil du temps, le thermalisme qui a définitivement changé le visage de ce petit village.

À l’époque où les forages ont débuté pour la recherche de sel gemme, Mathias Didderich-Glodt avait fondé une cantine pour les ouvriers et pour les visiteurs qui venaient nombreux observer les travaux. Cette cantine fut tout simplement la base de l’hôtel Europe, le plus ancien établissement de la cité thermale. Quand il fut démoli en 1922 pour faire place à la construction de la nouvelle hydrothérapie, le journaliste Batty Weber lui consacra une nécrologie, c’est dire le symbole qu’il représentait à l’époque.

C’est l’hôtel Grand-Chef, situé à l’entrée du parc, qui marqua les esprits, «c’était le rendez-vous de l’intelligentsia luxembourgeoise», précise Charlotte Strasser. En 1970, le guide national des hôtels recense 15 établissements à Mondorf totalisant 337 chambres et quatre ans plus tard plus que 282 pour le même nombre d’établissements. Le nombre de chambre diminue partout dans le pays en raison de la fusion de deux chambres sans bain en une seule chambre plus confortable.

Le Grand-Chef a définitivement fermé ses portes et des travaux en cours transforment le prestigieux établissement en logements de standing. Quand les travaux de transformation ont débuté à la fin des années 80, l’avenue des Bains a été entièrement repensée et pour obtenir le résultat attendu, il a fallu raser les immeubles de style Art nouveau qui donnait à la cité thermale son ambiance désuète, propre à toutes les stations balnéaires.

Mondorf la mondaine

Thermalisme et tourisme vont de pair. Pour attirer la bourgeoisie, choisie comme clientèle cible, c’est en Suisse qu’il fallait aller s’inspirer. Cette clientèle aisée s’y rendait pour se reposer ou se soigner et il fallait copier le style architectural des Grisons, au cœur des Alpes, pour recréer l’ambiance mondaine de cette époque.

Il fallait aussi relier Mondorf à l’international. Comme l’écrit l’historien Robert L. Philippart, le service de diligence a dû être réorganisé, les chemins ont dû être améliorés, les liaisons ferroviaires devaient être créées et le réseau téléphonique a dû être installé. «Les cinq premières années, quelque 585 curistes ont été traités dont 216 avec succès», précise Charlotte Strasser qui illustre ses visites guidées de petites anecdotes.

En 1928, la Chambre de commerce observe que «le nouvel établissement thermal de Mondorf-État avec son vaste parc et ses attractions variées est venu se placer tout naturellement au centre du mouvement touristique». La Seconde Guerre mondiale fait basculer le destin de Mondorf-État. Les hôtels sont pillés, les ponts sautés à la dynamite et la station thermale se trouve dans un état d’isolement matériel. Le redémarrage du tourisme après la guerre est difficile, seule la clientèle belge fréquente les installations, les Français, les Anglais et les Hollandais sont encore visés par les restrictions monétaires.

En 1950, la promotion touristique de Mondorf végète. Pas ou peu de nouveaux hôtels, contrairement à d’autres sites, comme la capitale ou la Petite Suisse luxembourgeoise. Les animations ne suffisent plus à occuper la moitié de la journée des curistes. «Il faut combattre le vide des soirées et l’ennui des jours de pluie», écrit Jérôme Anders, conseiller du ministre du Tourisme dans l’après-guerre.

De 1960 à 1967, les entrées au parc de Mondorf tournent autour des 160 000 par an et le site est classé parmi les plus grandes attractions du pays, la piscine en plein-air attirant jusqu’à 85 000 nageurs. En 1978, le chiffre d’affaires du tourisme dans la cité thermale occupe la quatorzième place parmi les 46 localités touristiques recensées.

L’œuvre du Dr Klein

En 1850, le premier directeur médical de l’établissement thermal, le Dr Nicolas-Dominique Schmit, publia les premières observations cliniques sur les bons effets de la cure de Mondorf sur le tractus digestif, le foie, les rhumatismes, les séquelles de fracture, les entorses, certaines paralysies et certaines affections pulmonaires, gynécologiques et certaines maladies nerveuses.

Le Dr Martin Klein (1848-1907) fut incontestablement le plus grand des médecins de cure qui ont exercé à Mondorf. «Les bains sont la ressource suprême des médecins», écrivait-il. Selon lui, «un grand nombre de maladies invétérées et chroniques resteront tributaires des eaux minérales des bains». Moins connues dans cette liste, les maladies de la femme ont été traitées par le Dr Klein qui s’est intéressé de très près aux affections des organes sexuels de la femme. «Aussi avons-nous vu guérir à Mondorf bien des cas dans lesquels nous-mêmes ou d’autres confrères, bien au courant de la gynécologie, nous avions échoué, uniquement parce que les ressources balnéaires, si nombreuses et si opportunes, faisaient défaut», observait le Dr Klein.

Cette eau de source qui coulait d’une petite fontaine au pavillon Kind pouvait être dégustée par les visiteurs de la Cité thermale. Ils étaient nombreux à faire la grimace avant de courir rapidement vers les sanitaires les plus proches. De nombreuses illustrations d’époque, décrivent avec humour des curistes frappant aux portes des toilettes, les dames d’un côté, les hommes de l’autre. On les voit se tordre dans tous les sens, se tenir le ventre et faire des mines surprises.

Il n’y a pas que les illustrateurs qui s’en donnaient à cœur à propos de la cure de Mondorf. La première personnalité qui a laissé derrière elle un témoignage littéraire fut Edmond de La Fontaine, alias Dicks. Mais le curiste le plus célèbre de Mondorf restera Victor Hugo au cours de l’été 1871. Peu de Luxembourgeois ont publié leurs souvenirs. Selon le Pr Frank Wilhelm, «peut-être parce que l’étroitesse du milieu, l’impossible anonymat ne permet pas l’expression d’expériences intimes ou trop personnelles», disait-il à ce propos.

L’avenir déjà tracé

Le domaine thermal ne cesse de se transformer au fil des ans et d’améliorer son offre de bien-être.  Des travaux d’aménagement et de rénovation sont constamment entrepris pour offrir en permanence des infrastructures de haut niveau aux curistes et aux clients. Parmi les travaux engagés, les plus notoires sont ceux en 2002 qui aboutissent à la rénovation du bâtiment de L’Orangerie et à la création, à proximité immédiate du bâtiment, du jardin à la française.

Des terrasses aux abords de la piscine thermale sont aménagées en 2011 pour offrir aux visiteurs des moments de détente en plein air et contribuent à conférer un air de plage et de dolce vita au domaine. Depuis février 2020, Mondorf Parc Hôtel & Spa est labellisé par Ecolabel niveau OR pour sa gestion écologique et ses pratiques respectueuses de l’environnement.

En 2020, la Chambre des députés à donner son feu vert pour l’agrandissement et la rénovation du Domaine thermal à Mondorf. Rien ne s’oppose désormais à l’investissement des 135 millions d’euros, destinés à la modernisation et la mise en conformité des installations. Ces investissements, soutenus par l’État luxembourgeois, mais aussi la Caisse nationale de santé et le domaine thermal lui-même, constituent une étape indispensable au développement du Centre thermal, dont la mission première consiste à procurer des services de bien-être et des soins de santé de qualité à sa clientèle et aux curistes.

L’État a fortement contribué à l’essor de Mondorf-les-Bains. Jadis orientée vers les cures, la station est devenue un centre de remise en forme auprès des visiteurs étrangers. Les cibles sont clairement le thermalisme au sens large du terme, sports, tourisme d’affaires, tourisme culturel et de loisirs.  À cet effet, le domaine thermal, le Casino 2000, le syndicat d’initiative et l’administration communale ont fondé un groupe de promotion commune. De nombreux Mondorfois fréquentent le centre de remise en forme et surtout sa piscine thermale en plein air.

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