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Frank Engel (Fokus) : «Les difficultés pourraient bien contraindre à l’action»


«Il faut précipiter l’entrée dans la prochaine législature, parce qu’il va s’écouler encore un an où rien de percutant ne sera décidé.» (Photo : Tania Feller)

Frank Engel, porte-parole et figure de proue du parti Fokus, se dit favorable à des élections législatives anticipées. Il s’en explique et livre quelques propositions de son parti, qui veut participer au débat.

Au lendemain de la déclaration sur l’état de la Nation, votre parti, Fokus, a soutenu l’idée d’élections législatives anticipées. Pourquoi cette urgence?

Frank Engel : Il y a surtout urgence à maintenir une stabilité et une opérabilité des institutions qui soient à peu près constantes. Si on commence un exercice d’élections pour les communales, disons en mars, il est à peu près certain qu’à partir de là, il n’y aura plus vraiment d’engouement gouvernemental et, de toute façon, il n’a plus rien de significatif à proposer. Tout cela va se prolonger jusqu’à la fin de l’automne et, ensuite, il faudra former un gouvernement alors que les difficultés pourraient bien contraindre à l’action.

Je crains personnellement que l’inflation soit nettement plus importante que ce que projette actuellement le Statec. Il n’y a aucune chance réaliste de ramener l’inflation à 2,8 % et, dès lors, il se pourrait qu’une nouvelle tranche indiciaire soit nécessaire, avec tout l’accompagnement tripartite… ce ne sont pas des tâches pour un gouvernement en affaires courantes. Ce n’est pas raisonnable de mettre l’État en veilleuse pendant neuf mois, d’autant que rien ne s’oppose, une fois tous les 30 ans, à organiser des communales et des législatives le même jour.

Il est à peu près certain que les grands partis vont s’y opposer…

Les grands partis espèrent faire en premier lieu une performance électorale communale pour, le cas échéant, remanier leurs listes et bien placer les mieux élus pour les législatives. C’est du pur jeu politico-politicien pour le plaisir duquel on prend les citoyens et tout le pays en otage. Je trouve cela irresponsable et déraisonnable. Il faut précipiter l’entrée dans la prochaine législature, parce qu’il va s’écouler encore un an où rien de percutant ne sera décidé, encore moins une réforme fiscale. Il y a urgence à remettre sur les rails les grands dossiers, comme le logement, qui va devenir encore plus inaccessible, vu l’envolée des taux d’intérêt.

Nous avons un corpus de positions qui s’étend et qui, je crois, vaut la peine d’être discuté

Vous fustigez également la politique éducative de Claude Meisch, qui a pourtant diversifié l’offre. Cela ne vous convient-il pas?

Non, et il est urgent de revenir à une politique qui assure de l’éducation et non de l’amusement. Les années Meisch se sont soldées par la débandade totale du système éducatif et de ceux qui en sortent. Ce n’est pas fait pour rassurer sur le développement économique du pays. On peut diversifier comme on veut, il ne faut surtout pas créer une école internationale pour chaque communauté qui en fait la demande. Il faut faire en sorte que les élèves passent par un enseignement public au Luxembourg, quitte à alphabétiser dans les deux langues, nous n’avons rien contre, au contraire.

Il faut que cette école publique donne des perspectives aux élèves au lieu de leur dire qu’ils vont rester à l’école jusqu’à 18 ans pour se retrouver sans orientation après. Cela n’a aucun sens. La politique d’éducation au Luxembourg agit comme une science ésotérique.

Vous jugez assez faible l’importance donnée à la famille par le Premier ministre dans son discours sur l’état de la Nation.

Disons que ce n’est pas la grande priorité de ce gouvernement, c’est une question de choix. Chez nous, des gens s’en préoccupent depuis longtemps face à ce foisonnement de structures d’accueil en tous genres. Elles sont pleines à craquer et leur personnel est débordé. Tout cela est gratuit pour le public, mais cela coûte quand même.

Marc Ruppert, notre président, a proposé de nous inspirer d’exemples qui offrent la possibilité aux deux parents de travailler à 80 %, sans qu’ils perdent beaucoup de leur rémunération, et on ferait en sorte que ceux qui veulent profiter de cette offre ne bénéficient pas en même temps de la gratuité des structures d’accueil.

La santé, en dehors de la gestion jugée exemplaire de la pandémie, est un sujet de préoccupation, mais aussi un terrain d’affrontements.

Les gens se moquent des querelles intestines et des polémiques stériles, ils souhaitent que trois problèmes soient résolus. Ils veulent des urgences qui ne les fassent pas attendre de longues heures avant d’être pris en charge, ils veulent obtenir un rendez-vous chez un spécialiste en quelques semaines et pas en quelques mois, et la même chose pour certains examens médicaux, notamment radiologiques. Je constate surtout que des médecins, qui sont a priori des gens intelligents, prenant des responsabilités pour chacun de leurs actes dans leur quotidien, ne semblent pas conscients de cette grande responsabilité collective qui est aussi la leur.

Je ne trouve pas raisonnable de combattre sans cesse sur des fronts qui n’intéressent pas les gens. Je ne peux pas m’imaginer qu’en fin de compte, des cardiologues à Ettelbruck se retirent en bloc pour une histoire de 22 ou 40 euros de l’heure pendant une garde. C’est la deuxième fois qu’il y a un gros problème à l’hôpital du Nord, tout comme il y a eu des problèmes au CHEM à Esch, et j’ai l’impression que cela ne datait pas d’hier. Je me demande alors vraiment ce que font tous ces conseils d’administration qui sont occupés par des mandataires politiques. Peut-être que ce n’est plus la bonne formule et qu’il faudrait un peu plus de professionnalisme dans la gestion de ces établissements.

Pour tout le reste, je souhaiterais vivement que la ministre de la Santé, maintenant le covid passé, puisse enfin s’occuper de tous les dossiers que ses prédécesseurs ont laissés en friche. Tous ces problèmes ne datent pas d’hier, y compris les querelles entre l’association des médecins et la fédération des hôpitaux. Si on n’arrive pas à les résoudre, je crains que la ministre n’en fasse les frais.

Votre parti souffre toujours d’un manque de visibilité. Même sur les réseaux sociaux, l’intérêt reste faible. Cela vous inquiète-t-il à la veille d’une année électorale?

Au Luxembourg, on ne gagne pas une élection grâce aux réseaux sociaux. Je ne peux pas me plaindre de la couverture par la presse quand nous présentons nos positions, mais nous devons en faire davantage, car nous sommes en dehors du circuit et du questionnement régulier des forces parlementaires. Si nous n’invitons pas la presse à des intervalles très réguliers, il nous est difficile de faire passer nos idées, parce que personne ne pense à nous demander quoi que ce soit.

C’est dommage parce que nous avons un corpus de positions qui s’étend, et qui, je crois, vaut la peine d’être discuté tout comme d’autres positions qui ne sont pas nécessairement plus lumineuses que les nôtres. Nous allons intensifier notre communication, c’est évident, puisque nous entrons dans une campagne électorale.

Qu’auriez-vous dit, à chaud, face à la presse, en réaction au discours sur l’état de la Nation?

J’ai trouvé que le Premier ministre a fait un discours qui n’était pas mauvais, sauf que c’était la présentation d’un bilan et non pas un discours de prospective. La majorité gouvernementale a légitimement défendu ce bilan, l’opposition l’a fustigé en prétendant avoir pu et voulu faire tellement mieux. Honnêtement, je ne sais pas si cela aurait été vraiment mieux si d’autres partis avaient été à la manœuvre. Pour que cela soit dit.

Vous n’avez pas été impressionné par les alternatives de votre ancien parti, le CSV?

Je veux bien écouter monsieur Roth nous dire trois fois par semaine qu’il y a un phénomène de précarisation « jusque dans les classes moyennes », mais on n’a pas besoin de lui pour le savoir. Où sont les grandes propositions, hormis un nouveau barème d’imposition? La critique est facile, les alternatives beaucoup moins – et c’est souvent nous qui les formulons.

Si personne n’a voulu débattre de notre index social, il reste que le système actuel crée une dynamique d’effet de ciseau extrême qui fait encore plus diverger les rémunérations. Il n’est pas normal que les très gros revenus soient indexés avec des majorations énormes alors qu’en bas de l’échelle, les 2 % net ne suffisent pas à compenser l’inflation. Cela ne devrait pas continuer comme ça. J’ai hâte de découvrir les propositions des autres partis sur ce sujet. Le risque est pourtant élevé qu’il n’y en ait tout simplement pas.

Un commentaire

  1. Voilà un Monsieur qui semble dire des choses sensées.
    Je vais un peu plus me renseigner sur le parti Fokus.

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