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Feux de forêts : ils enquêtent comme sur une scène de crime


À l’instar d’une scène de crime «classique», les agents recueillent méticuleusement tous les éléments permettant de remonter l’origine du feu.

Après le passage des flammes, c’est un travail de fourmi qui attend gendarmes, pompiers et forestiers enquêtant sur les feux de forêts, bien souvent criminels.

Les techniques d’enquête reposent sur de véritables «méthodes criminalistiques» appliquées à grande échelle, à la recherche du plus petit indice et de précieux témoignages. En France, en proie à de multiples incendies dévastateurs depuis plusieurs semaines, les agents de la cellule départementale de Recherche des causes et circonstances des incendies de forêts (RCCI), gilet fluo sur le dos, entourent ce jour-là une zone calcinée de ruban rouge et jaune dans une forêt du Gard (sud). Avançant à petits pas, penchés sur le sol brûlé, ils posent des drapeaux rouges pour indiquer le chemin du feu dans son sens de propagation, puis des drapeaux jaunes là où il était passé «à reculons».

Des fanions blancs signalent des traces de passage humain, comme des empreintes de pas. «Comme sur une scène de crime», les agents «balisent» puis «ratissent» l’endroit, à la recherche de «tout élément qui pourrait éclairer l’origine du feu», explique Pascal Sperandio, lui-même membre de la RCCI de la gendarmerie de Nîmes. «Notre rôle est de déterminer l’endroit exact où l’incendie a pris. Puis de savoir s’il est naturel, accidentel ou criminel. C’est un travail de fourmi», complète l’adjudant-chef Christophe Peigne, responsable de la RCCI du Var qui intervient sur tous les sites d’incendies «d’origine inconnue ou suspecte».

Dans un été à risque élevé d’incendies en raison des vagues de chaleur et de la sécheresse, qui touche désormais l’ensemble de la France métropolitaine, ces cellules composées de gendarmes, pompiers et de forestiers de l’Office national des forêts (ONF) sont particulièrement occupées et sollicitées. D’après l’ONF, neuf incendies sur dix sont d’origine humaine et trois sur dix en moyenne sont intentionnels.

Avant l’arrivée de l’équipe sur site, les pompiers ont pour consigne de «geler les lieux», soit d’éteindre le feu «avec un jet diffus» pour ne pas détruire de potentiels indices, précise le colonel Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Les agents de la RCCI, appelés sur place dès le signalement de l’incendie, déterminent en premier lieu d’où le feu est parti. «On obtient entre les drapeaux une forme plus ou moins grande : c’est là que se situe notre zone de départ. Elle se réduit au fil de l’investigation. L’année dernière, sur le grand feu de Gonfaron, on était partis de 2 300 m² et on a terminé sur moins de 20 m²», se souvient Christophe Peigne.

«Les gens viennent nous parler»

Les agents y cherchent notamment des mégots pouvant ouvrir la piste d’un incendie accidentel et des traces de carburant, aiguillant plutôt vers un feu criminel. Outre la recherche d’indices au sol, les enquêteurs misent aussi sur les témoignages des riverains ou de promeneurs. «Dès qu’on parle de nature et de lutte contre le feu, les gens viennent nous parler, plus qu’avec un gendarme en tenue classique», affirme Christophe Peigne, qui porte de fait systématiquement lors de ses interventions une chasuble siglée RCCI.

Après un incendie la semaine dernière à Gajan (Gard), une mère de famille a été arrêtée après avoir été aperçue à proximité de l’incendie. À Pont-Saint-Esprit, dans le même département, deux enfants âgés de 10 et 12 ans ont été interpellés sur indications du voisinage. «Une à deux fois par an», la RCCI du Var tombe sur un système incendiaire, objet bricolé ou manufacturé qui peut provoquer un incendie avec retardement. Chaque trouvaille est enregistrée dans une base de données à laquelle seule la RCCI a accès, pour ne pas «donner de mauvaises idées».

Plusieurs départs de feu au même endroit tendent aussi à indiquer le passage à l’acte d’un pyromane. «Les gens qui mettent le feu ont tendance à le faire plusieurs fois. Quand on voit plusieurs départs suspects à la même heure, dans la même zone, on peut quasiment classer comme incendie volontaire sans y aller», assure Christophe Peigne. Une fois le rapport de la RCCI rendu au procureur de la République, il revient à la gendarmerie ou à la police d’enquêter sur l’identité du pyromane.

Les observations de la cellule permettent par ailleurs aux pompiers de mieux connaître les zones à risques et d’adapter leur dispositif de surveillance, voire de positionner par avance des camions prêts à intervenir.

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