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Européennes : « On peut craindre le pire ! »


"Les partis qui instrumentalisent les questions migratoires pour obtenir des voix vont continuer à jouer sur les peurs des migrants", estime Sérgio Ferreira. (Photo Julien Garroy)

Alors que la question migratoire sera certainement un thème de prédilection en vue des élections européennes, le porte-parole de l’ASTI, Sérgio Ferreira, en décrypte les enjeux.

Entrons tout de suite dans le vif du sujet : les campagnes et programmes électoraux aborderont largement la question de la migration. Tout d’abord, quelle est votre position par rapport à la récente décision, prise à l’unanimité au Conseil européen, de mettre fin à l’opération Sophia en Méditerranée ?

Arrêter les opérations maritimes est regrettable… D’après nos informations et selon le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, le Luxembourg s’est particulièrement impliqué dans cette opération Sophia. Cela dit, la question que l’on se pose est la suivante : peut-on combattre le crime sans protéger les victimes ? Car personne n’oserait critiquer le fait qu’on combatte les passeurs, bien au contraire; mais les victimes dans tout cela ? Elles seront renvoyées en Libye, alors que l’on sait que la situation y est explosive.

Le Premier ministre libyen, Fayez al-Sarraj, a d’ailleurs tout récemment déclaré que si la situation devait encore se détériorer en Libye, »800 000 personnes sont prêtes à gagner l’Europe dont des criminels ». Que pensez-vous de ces propos ?

Je considère ces propos comme des menaces. Cela revient à dire : « si vous ne faites rien, on ouvre les portes ».

Y voyez-vous une stratégie de la part de la Libye ?

Évidemment, et il s’agit d’une stratégie payante. On l’a vu avec la Turquie du président Erdogan qui a exactement fait le même jeu, lorsqu’il a dit aux Européens : « J’ai quatre millions de réfugiés aux portes de l’Europe. » L’UE a donc payé Erdogan pour qu’il les garde. À cause des divisions entre les États membres de l’UE, qui n’ont pas de stratégie unique, alors, évidemment, des pays tiers en profitent.

Mais l’UE le fait aussi : l’Europe a montré l’exemple de ce chantage envers les pays qu’on aide financièrement, dans le cadre de la coopération au développement. En effet, l’UE leur dit : « Si vous ne gérez pas la question de la migration chez vous, alors on va couper dans les fonds alloués »… C’est donc malheureusement la stratégie de l’UE qui provoque ce genre de réaction du côté libyen. Il y a une instrumentalisation de ces questions faites par des pays qui ne devraient pas le faire !

Le résultat des élections européennes pourrait-il conduire à une inflexion de la politique migratoire ?

Sincèrement, l’on ne s’attend pas à mieux… Je dirais plutôt qu’on craint le pire! Malheureusement, c’est le Conseil européen qui a bloqué toutes les tentatives d’harmonisation et non le Parlement européen qui, lui, d’ailleurs, a été beaucoup plus ouvert et proactif dans beaucoup de ses délibérations. Étant donné que l’on va élire le nouveau Parlement et non les 28 gouvernements nationaux, on peut craindre le pire !

Quel serait le « pire à craindre », selon vous ?

Les partis qui instrumentalisent les questions migratoires pour obtenir des voix – appelons-les « populistes » pour simplifier – vont continuer à jouer sur les peurs des migrants. Et si jamais il en ressort une représentation plus importante, qui puisse éventuellement bloquer d’autres majorités, eh bien là… ce sera pire ! Car au-delà du Conseil européen, on pourrait avoir un Parlement qui, au lieu de faire des politiques pour avancer, sera plutôt dans une logique de propagande contre les migrants, les réfugiés, les droits des femmes, la protection climatique…

Entretien avec Claude Damiani

A lire en intégralité dans Le Quotidien papier du 29 avril

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