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Des baskets de luxe conçues au Luxembourg


Joé Garson a le droit de poser ses chaussures sur la table : il nous dévoile son dernier modèle, entièrement végane. (Photos : hervé montaigu)

À 27 ans, sorti de nulle part, Joé Garson a créé sa marque de chaussures de luxe. Une entrée remarquée dans le milieu de la mode et une première participation à la Fashion Week de Paris.

Il était une fois, au Luxembourg, un petit garçon timide et joyeux qui vivait modestement, entouré de ses deux sœurs et de sa maman venue du Cap-Vert dans la trentaine. La vie de Joé Garson, telle qu’il la raconte, est digne d’un conte de fées. Tous les éléments narratifs sont présents : un enfant raillé par les autres, un événement qui fait tout basculer et la métamorphose du garçon pauvre en un jeune homme qui côtoie le luxe, sans oublier au passage l’apparition d’un génie. Le discours du Luxembourgo-Cap-Verdien de 27 ans est bien rodé. Mais on a beau savoir qu’on est face à un entrepreneur qui promeut sa marque de basket de luxe, Genie Jaguar, son récit est enthousiasmant.

À l’école, il subit les moqueries de ses camarades de classe, parce qu’il ne porte pas de chaussures ni de vêtements de marque. «Ça m’a marqué inconsciemment», explique Joé Garson, qui a découvert cette notion psychologique lors de ses études d’éducateur spécialisé en Belgique. Mais n’allons pas trop vite. L’enfant harcelé décide de ne plus se laisser faire au lycée : «J’ai commencé à suivre un mauvais chemin. Je voulais être le plus fort. Je me suis bagarré pour essayer de me prouver des choses et me montrer. Je cherchais l’attention», analyse-t-il.

Jusqu’au jour où, à la sortie d’une discothèque, c’est la rixe de trop. Il aperçoit un couteau, du sang, des gens à terre. Il quitte les lieux. Le lendemain matin, la police débarque chez lui, il y a eu plusieurs blessés, dont un grave. Sa mère est en pleurs, il se remémore les paroles de ses professeurs qui lui affirmaient qu’il finirait en prison. Le voilà à deux pas d’en franchir les portes. Il a 16 ans. C’est une prise de conscience. Il est mis hors de cause, mais pendant deux ans, il vit, le regard par-dessus son épaule en permanence, suivi par des Russes qui veulent en découdre. «C’est quelque chose dont je parle à mes élèves : parfois, on pense que c’est juste une bagarre, mais ça peut aller vraiment beaucoup plus loin, parce qu’il y en a toujours un qui veut se prouver qu’il est plus puissant que toi», soupire-t-il.

«Un an et demi plus tard, je suis à la Fashion Week»

Devenu éducateur, il travaille pendant la période du covid dans une maison relais, s’occupant d’enfants d’une dizaine d’années. Un jour, l’un d’entre eux lui demande de reproduire l’aigle qu’il voit dans un journal. C’est la révélation. Bien qu’amateur de bande dessinée, il n’avait jamais eu la patience de s’essayer au dessin. Pourtant, le rapace qu’il crayonne est parfait, les enfants poussent des cris de joie et, les jours suivants, se mettent à lui réclamer de nouvelles esquisses. C’est à ce moment que l’histoire s’emballe. Intéressé depuis toujours par la mode, Joé Garson s’exerce et se met à dessiner sur des vestes en cuir qu’il revend à des amis et connaissances. Mais la trentaine d’heures passées sur chaque pièce est difficilement rentabilisée. Or ce que vise Joé Garson désormais, c’est la reconnaissance, il veut sa revanche.

«C’est à partir de ce moment-là que j’ai décidé de faire quelque chose que personne ne fait au Luxembourg, ou du moins rarement : ma propre marque de chaussures», glisse-t-il dans un sourire. Il revend sa voiture et sa moto comme capital de départ, commence à chercher sur internet une usine susceptible de produire ses baskets. Il n’a aucun contact dans le milieu.

En médaillon si c’est possible ou un truc dans le genre, l’idéal serait que cette photo ne se trouve pas trop loin de l’angle

Il essuie refus sur refus sous prétexte que son budget est trop serré, jusqu’au jour où, après des mois de recherches, il trouve une usine dans le nord du Portugal qui accepte de le suivre. Et elle n’est pas la seule : le pilote de course automobile luxembourgeois Dylan Perreira devient son ambassadeur. «C’est là que je commets ma plus grosse erreur : je fais produire 400 chaussures, persuadé que j’allais écouler tout le stock. Mais je n’ai quasiment rien vendu au début», rigole-t-il. «J’avais dépensé presque tout mon budget! À partir de là, j’ai commencé à faire des quantités un peu plus réduites et plus de modèles différents. Et un an et demi plus tard, je suis à la Fashion Week de Paris au milieu de grandes marques…»

Pour créer un nouveau modèle de chaussures, il puise son inspiration dans l’art et regarde aussi ce que produisent les autres marques. C’est tout un processus : il dessine d’abord à la main un premier jet, puis l’envoie à une designer autrichienne qui ajoute, ou non, quelques détails et la reproduit digitalement. Le fichier est ensuite envoyé au Portugal, puis les matières sont choisies, et une fois le prototype validé, la production, à la main, est lancée.

Pourquoi avoir appelé sa marque Genie Jaguar? «Le génie exauce les rêves et le jaguar représente la force dans l’ombre. Et en plus, ce sont mes initiales», ajoute-t-il, malicieux. «Le but, c’est d’intriguer, mais toute l’histoire est dévoilée dans une bande dessinée en plusieurs chapitres que l’on trouve dans mes boîtes à chaussures.»

Avoir pu participer à la Fashion Week à Paris en janvier dernier lui a permis de nouer des contacts. Ses chaussures ne vont plus être proposées seulement sur le site geniejaguar.com et dans un magasin du City Concorde, mais aussi dans des boutiques à Monaco et Paris. Prochaine étape : être présent aux Fashion Weeks de Milan et Tokyo.

Et l’ambition de Joé Garson ne s’arrête pas là. Il veut à la fois être célèbre et mettre sa famille à l’abri des problèmes d’argent. En attendant, l’histoire continue. D’ici à quelques mois, Genie Jaguar aura comme égérie un grand footballeur luxembourgeois évoluant à l’étranger, un pas de plus vers le happy end.

Une nouvelle collection végane

Travailleur acharné et autodidacte, Joé Garson crée des chaussures pour les hommes et les femmes ainsi que des ceintures et des foulards. Il apporte un grand soin aux détails, qu’il s’agisse d’ajouter un motif python ou un point métallique ici ou là. Chaque paire de chaussures est fabriquée à la main au Portugal, en cuir de vache – la prochaine collection (photo) sera végane. L’âge de sa clientèle oscille entre 25 et 60 ans. Une paire de baskets coûte environ 200 euros.

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