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Dans la Moselle luxembourgeoise, on va faire la danse de la pluie


Ben Schram.

La vigne commence à souffrir de la chape de plomb qui pèse sur tout le pays. Si la sécheresse et la chaleur persistent, des dégâts sévères pourraient apparaître.

Le manque d’eau

Si la vigne est une plante qui ne craint pas trop la sécheresse, sa résilience a des limites qui ne sont pas loin d’être atteintes. «Pour les plus anciennes, il n’y a pas encore de problème, avance Ben Schram (domaine Schram, à Bech-Kleinmacher). Mais pour les moins âgées, celles de moins de six ans, on commence à voir les effets du manque d’eau, les feuilles commencent à jaunir.» Le jeune vigneron et son cousin Max ont déjà arrosé les plus jeunes plants deux fois cette année.

Le constat est identique pour Claude Kox (Benoît et Claude Viticulteurs, à Remich) : «Nous avons de réels soucis avec nos jeunes vignes, elles ont besoin d’eau et de plus en plus de puits sont à sec… Les arroser est un travail énorme, qui prend beaucoup de temps. La citerne de 2 000 litres est vidée dans la journée, il faut pratiquement arroser chaque cep l’un après l’autre. C’est nécessaire, mais, dans le fond, je n’aime pas ça. Arroser, c’est batailler contre la nature et ce n’est pas une idée que je porte en tant que vigneron. Je préfère travailler avec la nature que contre…»

L’idéal serait qu’il pleuve dans les deux prochaines semaines. Et pas qu’une petite averse dont l’eau s’évaporerait avant même de s’infiltrer dans le sol. «Il faudrait 30 litres au mètre carré, au moins» espère Ben Schram.

La chaleur

Sècheresse et chaleur sont deux situations différentes, qui ne sont pas toujours concomitantes. Mais si la chaleur et le soleil ardent de ces derniers jours perdurent, ils affecteront les raisins qui, comme nous, peuvent souffrir de coups de soleil.

Certains vignerons en ont fait l’amère expérience en 2018… Claude Kox, lui, a bien pris garde de ne pas trop effeuiller ses vignes : «Nous n’enlevons que les feuilles du côté nord, pour que les raisins profitent de l’ombre des feuilles aux heures les plus chaudes de la journée.»

Son père, Benoît, explique s’inspirer des travaux réalisés dans leurs vignes situées près de Perpignan, en Côtes-du-Roussillon : «Là-bas, comme les autres, nous ne faisons rien. Nous taillons seulement juste avant les vendanges pour faciliter l’accès aux grappes.»

Il souligne que l’effeuillage est pratiqué ici pour éviter que l’humidité présente sur les feuilles n’atteigne les grappes, ce qui provoquerait l’apparition de la pourriture (botrytis), «avec un temps aussi sec qu’actuellement, effeuiller n’est pas nécessaire».

Pour limiter d’éventuels coups de soleil, le chef du service Viticulture de l’Institut viti-vinicole de Remich, Serge Fischer, conseille dans son dernier bulletin adressé aux vignerons de pulvériser du kaolin. Cette argile réfractaire protège la peau des baies, un peu comme le fait la crème solaire sur notre épiderme. Cela peut aider sur des vignes déjà exposées au soleil et très stressées.

Mais l’effet de ce traitement ne dure pas plus d’une journée ou deux, il ne fait pas de miracle. Heureusement, la peau des grains de raisins est encore très épaisse et assez résistante. «D’après mon expérience, les risques de brûlure sont plus élevés en août qu’en juillet, quand les raisins sont davantage formés», souligne Ben Schram.

Un blocage des maturités ?

Les vignes sont en avance par rapport à la moyenne (mais que signifie-t-elle aujourd’hui?), pourtant ce temps gagné pourrait ne servir à rien si les conditions météo se prolongent. Contrainte par un sol et un air trop secs, la vigne, ne parvenant pas à se nourrir correctement, peut choisir de stopper net la maturation des raisins en attendant un moment plus propice.

Ce réflexe de survie est bien utile, mais il n’est pas sans conséquence sur la qualité des raisins. «En cas de blocage, les précurseurs aromatiques qui vont donner le goût aux raisins ne se développeront pas autant, explique l’œnologue-conseil des vignerons indépendants, Jean Cao. Le risque d’une acidité très basse qui déséquilibrerait les vins existe aussi», l’acidité étant la colonne vertébrale des vins blancs.

Un arrêt du processus de maturation peut également avoir pour conséquence de livrer des raisins plus petits, ce qui induit une proportion de peau par rapport au jus plus importante que d’habitude. «Les raisins sont alors plus lourds, plus tanniques, plus concentrés.» Un blocage serait encore plus problématique quand sera venue la véraison, le stade où les raisins prennent leur couleur, qui débutera d’ici 15 ou 20 jours.

Mais un vignoble sec, donc sain

La sécheresse pose des soucis, mais elle peut en régler d’autres. L’absence d’humidité garantit l’absence de mildiou, une affliction particulièrement pénible l’année dernière. Il suffit de se promener dans le vignoble pour observer l’excellent état sanitaire des parcelles. Même l’oïdium, qui aime la chaleur (mais a aussi besoin d’humidité), est très discret. «Il n’y a pas de problèmes de maladies en ce moment, ce qui est une bonne nouvelle!», se félicite Ben Schram.

Vers des vendanges précoces

«Le choix de la date des vendanges sera primordial cette année», anticipe Claude Kox. Des maturités élevées associées à de petits grains de raisin livrent nécessairement des raisins concentrés, il faudra donc être vigilant.

«Je regarderai davantage les taux d’acidité que les taux de sucre, prévient Claude Kox. Je ne veux pas de vins à 15° d’alcool et je ne veux pas non plus manipuler le vin pour le désalcooliser, ce qui le brutalise et nuit à sa qualité. Il n’y a donc pas d’autres solutions que de vendanger tôt. A priori, je pense commencer les vendanges la première semaine de septembre, notamment pour le crémant.»

Tout bon pour les rouges

Si produire des vins blancs secs et énergiques risque d’être compliqué, les cépages rouges, qui ne craignent pas la concentration, risquent d’être particulièrement intéressants. Particulièrement le merlot, qui est toujours très minoritaire, mais de plus en plus planté par les vignerons. Portés par leur expérience bordelaise (ils ont également des vignes à Saint-Émilion), Benoît et Claude Kox plantent ce cépage bordelais depuis plusieurs années dans la Moselle luxembourgeoise.

«Nous l’avons déjà vendangé deux fois et je suis très content de ce qu’il donne ! se félicite Claude. Mon problème, c’est que je n’en ai pas assez et que je veux le garder encore un peu pour qu’il se bonifie. Mais avec les quantités que j’ai, la rupture de stock arrivera très vite… trop vite!»

Lui et son père en ont encore planté cette année, ainsi que de la syrah. «Nous avons 20 ares de merlot et 12 de syrah, précise-t-il. Ce n’est pas beaucoup, mais notre vignoble est petit (NDLR : environ 4 hectares) et cela représente quand même entre 8 et 9 % du total.» Ce qui en fait probablement le domaine proportionnellement le plus porté sur les vins rouges du Grand-Duché.

Un commentaire

  1. Bon courage aux vignerons! Quoi qu’il arrive, il y aura des clients pour boire le produit fini.

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