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«Constamment dénigrés», les salariés de LuxairCargo inquiets pour l’avenir


Le contrat d’exploitation du Cargocenter prend fin dans trois mois, mais les salariés n’ont aucune information sur la suite. (photos Tania Feller)

Régulièrement ciblé par la direction, le personnel de la branche fret de Luxair s’interroge sur son sort, alors que le contrat d’exploitation du Cargocenter, conclu pour 30 ans avec l’État, arrive à échéance dans trois mois.

Peu connue du grand public, la branche cargo de Luxair compte à elle seule 1 250 employés, soit près de la moitié des salariés de la compagnie aérienne, occupés à charger et décharger quotidiennement le ventre des gros porteurs qui se présentent au Cargocenter – des avions Cargolux pour la plupart.

Si l’activité a grimpé en flèche en 2021, boostée par la crise sanitaire qui a permis d’augmenter de 20 % le chiffre d’affaires de LuxairCargo, les effectifs n’ont pas été renforcés pour autant. C’est même le contraire : «On a traité près de 200 000 tonnes de marchandises de plus, avec moins de personnel», pointe ainsi Pascal*, un chef d’équipe. Une masse de travail supplémentaire que ces manutentionnaires ont dû absorber, alors que leurs rangs étaient déjà clairsemés.

Car, à l’instar de l’ensemble des départements de Luxair, les deux dernières années ont été marquées par de nombreux départs, doublés de sérieuses difficultés à recruter. Un phénomène inédit : «On n’a jamais vu ça au cargo», souligne-t-il, lui qui y a passé ces vingt dernières années.

En cause, des conditions de travail difficiles et une rémunération peu attractive : «On travaille trois week-ends dans le mois et les jeunes sont payés à peine 200 euros de plus que dans d’autres boîtes où ils pourraient profiter librement de leurs samedis-dimanches», analyse Pascal.

Ainsi, il n’est pas rare que les nouvelles recrues assistent aux premiers jours de formation pour finalement jeter l’éponge. Et quand les ressources humaines croient enfin embaucher une vingtaine de CDD, au final, seule la moitié d’entre eux se présente.

Désormais, même le recours à l’intérim – entre 100 et 150 personnes par jour au cargo – est devenu un vrai casse-tête : «Ils vont chercher des gens de plus en plus loin, jusqu’à Nancy ou Forbach», rapporte l’employé.

«Tout le fret à l’aéroport, c’est nous. Les dividendes que Luxair perçoit de Cargolux, c’est grâce à nous.»

«Low performers» dans un «shit hole»

Au-delà de la pénibilité, c’est aussi l’attitude de la direction à l’égard des salariés du cargo qui est pointée du doigt : «On ressent des différences de traitement par rapport au reste du personnel», confie Suzanne*, une autre employée de longue date.

«Le directeur a des mots très durs envers le cargo : une fois, en visioconférence, il a parlé de low performers, des gens qui ne seraient pas assez flexibles selon lui. On a trouvé ça tellement injuste», se souvient-elle.

«Ça fait mal d’être constamment dénigrés, alors que notre charge de travail dépasse l’entendement», poursuit la jeune femme. «On se sent comme des moins que rien.»

Il y a quelques mois, le directeur général, Gilles Feith, a récidivé, n’hésitant pas à employer le terme de shithole pour désigner le cargo. Une séquence vidéo qui a fait le tour des messageries en interne et dont Pascal se rappelle très bien : «On a tous été heurtés et beaucoup de gars ont voulu stopper le travail», confie le chef d’équipe, la mâchoire serrée.

«Tout le fret à l’aéroport, c’est nous. Les dividendes que Luxair perçoit de Cargolux, c’est grâce à nous. On n’en a aucune reconnaissance», regrette-t-il.

Les salariés se plaignent également de l’état vétuste des installations, le bâtiment LuxairCargo n’ayant bénéficié d’aucune rénovation depuis longtemps, tandis que certains équipements font défaut au Cargocenter, comme les rampes pour charger les avions du Qatar : «Du coup, on pousse des palettes de six tonnes à la main», déplore Pascal.

Un climat oppressant qui a fini par faire douter ces employés : «On se demande si ce n’est pas fait exprès, pour se débarrasser de l’activité cargo. Le directeur répète toujours qu’on coûte trop cher», s’interroge Suzanne, tandis que Pascal rapporte des rumeurs persistantes sur la mise en vente du bâtiment.

Car, à trois mois de la fin du contrat d’exploitation du Cargocenter – qui se trouve sur le terrain de l’aéroport, propriété de l’État – rien n’a encore été annoncé quant au futur du cargo, plus que jamais sur la sellette : selon des sources internes, LuxairGroup pourrait, en effet, céder sa branche Cargo pour se concentrer sur Airlines.

Chaque jour, les employés prennent donc leur poste sans savoir ce qu’il adviendra d’eux dans une poignée de semaines. «C’est un stress permanent. On ne sait pas si on va être vendus, si on va rester Luxair… On n’a aucune idée de ce qui va se passer», soupire Pascal.

Ces trois dernières années, trois directeurs se sont succédé aux commandes de LuxairCargo.

«Je cherche ailleurs, je n’ai plus le choix»

Un futur incertain, difficilement supportable pour Suzanne, qui est aujourd’hui à bout de forces et sous traitement médicamenteux : «Je cherche ailleurs parce que je n’ai plus le choix. Je suis écœurée, je ne comprends pas pourquoi personne ne nous tend la main, alors qu’on endure tout ça depuis deux ans», décrit-elle, lassée de venir travailler «avec la boule au ventre».

Cette situation a provoqué la fuite de nombreux employés et cadres de LuxairCargo, à tous les niveaux : des intérimaires et CDD au management intermédiaire, jusqu’au comité exécutif du groupe, où s’opère une véritable valse des postes depuis 2020. Trois directeurs LuxairCargo se sont ainsi succédé en à peine trois ans, tandis que l’actuel a donné sa démission et quittera la société le mois prochain.

Alors que la haute saison du fret aérien approche, les salariés se montrent de plus en plus fébriles et ne cachent pas qu’ils attendent beaucoup de la tripartite qui réunira gouvernement, patronat et syndicats, lundi au Kirchberg : «Ce qu’on réclame, c’est le retour de bonnes conditions de travail, l’abandon du chômage partiel et le dégel des salaires», annonce Pascal, qui se dit déjà «prêt à aller plus loin» si les négociations devaient ne pas aboutir.

* Prénoms d’emprunt

2 plusieurs commentaires

  1. C est a se demander si s est une entreprise sérieuse car apparemment ils font ça à tous le monde ,signer des CDI pour Les annuler après sans motif

    C est honteux

  2. Amanis lahcen

    Bonjour,
    J’ai eu l’occasion de travailler à Luxair, je n’es pas vu ni la pression ni le dénigrement, c’est de la propagande syndicale, j’ai vu des salariés dans une zone confortable qui ne veulent pas faire plus malgré la crise, j’ai moi même dénoncé ceci mais la RH a pris la décision de mettre fin à mon contrat.

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