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Climat, droits humains : les investissements du Fonds de compensation épinglés


Le cabinet indépendant qui a passé au crible les investissements du FDC en 2020 confirme les craintes des associations.

Une étude indépendante commandée par Greenpeace et ASTM révèle que la stratégie d’investissement du fonds de pension souverain du Luxembourg est en contradiction avec la sauvegarde du climat et les droits humains.

Cible des manifestants de la marche pour le climat vendredi dernier à Luxembourg, le Fonds de compensation commun au régime général de pension, qui gère les cotisations des travailleurs du privé, fait de nouveau l’actualité, alors que le cabinet indépendant Nextra Consulting présentait hier l’analyse de ses investissements en 2020.

Les ONG commanditaires, Greenpeace et ASTM, dénoncent depuis plusieurs années les incohérences du fonds de pension qui se dit «conscient de ses responsabilités écologiques, sociales et de bonne gouvernance» sur son site web, mais investit massivement – la réserve atteignait 22 milliards d’euros il y a deux ans – dans des secteurs et des entreprises qui alimentent la crise climatique et négligent la protection des droits humains.

Sans grande surprise, les conclusions sont accablantes pour l’institution publique, qui «continue de soutenir l’industrie des combustibles fossiles alors que le Luxembourg a ratifié l’accord de Paris», souligne Martina Holbach, de Greenpeace.

D’après Nextra, les investissements du Fonds de compensation (FDC) en 2020 sont associés à une augmentation potentielle de la température de 2,7 degrés d’ici 2050, deux compartiments se dirigeant même vers un scénario à 6 degrés.

Le cabinet note que le FDC finance plus d’un million de tonnes d’émissions de carbone par le biais de son portefeuille, soit 9 % des émissions directes de gaz à effet de serre du Luxembourg, et qu’il investit dans des entreprises aux pratiques controversées d’extraction d’énergie – forage dans l’Arctique, fracturation hydraulique, pétrole et gaz de schiste – causant des dommages aux écosystèmes et aux droits humains.

ASTM insiste sur cet «angle mort» : «Le FDC et les gestionnaires d’actifs mandatés ne tiennent pas compte des droits humains dans leur approche de durabilité», commente Antoniya Argirova. «Les dirigeants du fonds vantent leur liste d’exclusion, la plus longue au monde selon eux, pour prouver leur engagement, mais ce mécanisme est opaque et insuffisant.»

Spécialiste de ces questions, Nextra révèle que le portefeuille activement géré du FDC n’inclut pas moins de 282 cas de non-respect des droits humains signalés, en lien avec 196 entreprises, dont 30 banques. Au total, 20 % des investissements vont à des industries identifiées comme à hauts risques pour les droits humains, comme l’informatique et les nouvelles technologies.

Dialogue de sourds avec les autorités

Autre problème soulevé par les associations : les risques financiers dus aux décisions d’investissement du FDC. «La plupart des entreprises financées ne présentent aucun plan concret et mesurable en termes de transition vers un modèle économique durable», observe Martina Holbach. «En investissant dans des combustibles fossiles, d’autres actifs à forte teneur en carbone et dans des régions à risque au sens géopolitique, le FDC s’expose à des pertes potentielles.»

Alors que les deux ONG ont déjà rencontré Claude Haagen, le nouveau ministre de la Sécurité sociale, dont dépend le Fonds de compensation, et ses dirigeants, elles se heurtent jusqu’ici à un mur : «Ils sont absolument convaincus que ce qu’ils font est très bien, et se retranchent derrière leur liste d’exclusion et leurs produits d’investissement labellisés LuxFlag», poursuit la militante. «Or ces sous-fonds ne sont pas gérés de manière durable, il manque une approche globale. Toute la stratégie est à revoir.»

C’est pourquoi les ONG plaident désormais pour une révision du cadre légal incluant la possibilité pour le FDC de déployer une politique d’investissement qui lui soit propre, ce qui fait défaut aujourd’hui.

«Cette année, le fonds va plancher sur sa stratégie pour 2023-2028. C’est l’occasion de clarifier son mandat, qui date de 2004 et ne correspond plus aux normes internationales, et aussi de lui permettre d’exclure de ses investissements des secteurs entiers, comme le charbon ou le nucléaire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui», conclut la porte-parole de Greenpeace.

Un système qui montre ses limites

Le géant minier BHP, régulièrement mis en cause pour violation des droits humains, notamment en Amérique latine, et même condamné en 2019 par la Cour constitutionnelle de Colombie pour contamination des sols, de l’air et de l’eau, et pour avoir causé des dommages sur la santé des populations et de ses travailleurs, fait pourtant bien partie des entreprises financées par le Fonds de compensation.

Si BHP figurait sur sa liste d’exclusion en 2018, les investissements ont repris dès l’année suivante et l’analyse du portefeuille d’actions et d’obligations d’entreprises a révélé que les investissements se sont poursuivis en 2020, malgré les violations avérées des droits humains par BHP et les multiples décisions de justice.

Une partie de l’investissement se situe dans le portefeuille SICAV Actions Monde – Actif 2, considéré comme «durable» car il a obtenu le label LuxFlag ESG. Aujourd’hui, BHP est toujours absent de la liste d’exclusion, note Nextra Consulting.

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