Accueil | A la Une | [C’était mieux avant] Tshilumba : «Je me croyais musclée mais face à Schippers, j’étais un scampi»

[C’était mieux avant] Tshilumba : «Je me croyais musclée mais face à Schippers, j’étais un scampi»


(Photo : dr)

L’ancienne meilleure sprinteuse luxembourgeoise revient sur sa très belle mais beaucoup trop courte carrière.

Votre adversaire la plus forte?

Tiffany Tshilumba : Il y en a eu plusieurs, mais je dirais Dafne Schippers (NDLR : la Néerlandaise est notamment double championne du monde du 200 m, vice-championne olympique du 200 m, multiple championne d’Europe et recordwoman d’Europe du 200 m). Je l’ai affrontée en demi-finale des championnats d’Europe en salle à Prague en 2015. Je me rappelle très bien que dans la chambre d’appel, alors que je me croyais musclée, face à elle j’étais un scampi. Elle m’avait tapé sur l’épaule pour me féliciter après la course, j’étais très impressionnée de me retrouver devant elle. C’était un monstre et moi, je n’étais rien. 

Votre plus bel exploit?

Incontestablement, les mêmes championnats d’Europe en salle. Déjà le simple fait de m’y être qualifiée alors que je n’avais que 18 ans était en soit un exploit. Une fois sur place, peut-être que le fait de me dire que tout le reste n’était que du bonus m’a permis de battre le record national (NDLR : en 7« 38) et de passer en demi-finale (NDLR : elle termine 22e en 7« 39). J’y allais avec moins de pression. Sans me dire que je devais absolument passer en demies. Et qu’au final, je n’étais pas moins capable que les autres d’y arriver. Et c’est ce que j’ai fait!

Votre plus grand fou rire?

Des fous rires, j’en ai eu plein à l’entraînement. En compétition, je me rappelle notamment des Gymnasiades au Brésil en décembre 2013. On était à quatre avec Élodie, ma sœur, Laurence Jones et Vincent Karger. Et tous les jours, les organisateurs nous servaient des haricots rouges et du riz. Je peux vous dire qu’avoir la tourista en vacances, ce n’est déjà pas agréable mais en compétition c’est encore pire. Au lieu de se concentrer sur notre course, on cherchait surtout à repérer où étaient les toilettes les plus proches. On y est tous passés. Sur le coup, ça ne fait pas rire mais après on en rigole forcément.

Votre plus belle fête?

Après chaque grosse compétition, on avait l’habitude de faire une grosse fête. J’aimais particulièrement celles après les championnats d’Europe par équipes. Il y avait toujours beaucoup de monde. J’étais également bien pote avec des athlètes des autres nations, bref, tout ça était vraiment fun. C’était un bon délire. J’adore danser et on improvisait des battles de danse. 

Cette épreuve a beaucoup changé la façon dont je vis et dont je pense

Votre plus grave blessure?

Ce n’est pas une blessure à proprement parler, mais j’ai été mal conçue (elle rit). Seulement, on ne l’a détecté qu’à 14 ans. Je me rappelle très bien, c’était en janvier ou février à la Coque j’étais en plein sprint et ma hanche s’est déboîtée. Ma maman m’a demandé si j’avais trébuché et je lui ai expliqué que quelque chose n’allait pas. Il s’agissait d’une displasie des deux hanches si bien que ma hanche se déboîtait souvent. J’ai encore participé à quelques compétitions même si les médecins étaient contre. Je suis allée aux JPEE au Liechtenstein contre leur avis. À 14 ans, on ne réfléchit pas trop à cela. Je savais que j’allais devoir me faire opérer alors que je me suis dit autant y aller quitte à ce que ça empire. Et en octobre suivant puis en juin, je me suis fait opérer de chaque hanche. On avait vu beaucoup de chirurgiens et tous ne voyaient que la solution de la prothèse. Sachant que la durée de vie d’une prothèse est d’une vingtaine d’années, je me voyais mal en changer à 34, 54 et 74 ans. Finalement, c’est un chirurgien luxembourgeois qui travaillait avec un Suisse qui a parlé de l’opération. On vous casse le bassin pour remettre la tête du fémur. Maintenant, j’ai neuf vis dans mes hanches. J’ai passé mon anniversaire à l’hôpital, j’ai fait deux ans de rééducation, je suis passé de la chaise roulante à deux béquilles puis à une béquille. Cette épreuve a beaucoup changé la façon dont je vis et dont je pense. J’ai parfois du mal à l’accepter encore aujourd’hui, mais je n’y suis pour rien. Et puis ça m’a fait découvrir une profession que je ne connaissais pas : kiné. Et maintenant, je suis devenue moi-même kiné. Et je m’occupe de certains patients qui souffrent des mêmes maux que moi.

Votre plus grand regret? 

Je n’ai aucun regret. J’ai fait tout ce que j’ai pu. Comme partir aux États-Unis, même si j’y suis allée avec énormément de douleur et que la charge à l’entraînement a accéléré ma fin de carrière. Mais pour moi, c’était un rêve. Au fond de moi, je savais que c’était la fin. Je souffrais pratiquement quotidiennement. J’étais limitée dans mes mouvements. Il y avait certaines choses que je ne pouvais pas faire. Mais je ne voulais pas passer à côté de ça. Même si je n’ai pas couru de bons chronos, ça reste une expérience géniale pour moi. J’avais eu énormément de contacts, d’entretiens avec tout un tas d’universités et finalement j’y suis allée au feeling. Et j’ai choisi North Texas à Denton.

Le médecin m’a dit que si je n’arrêtais pas, je devrais avoir une prothèse dans deux ans

Le jour où vous avez dû arrêter votre carrière?

Je m’en souviens parfaitement. Après ma première année aux États-Unis, j’étais rentrée au Luxembourg. Mais durant les vacances, j’ai eu des douleurs atroces. Je suis retournée voir le chirurgien pour faire une série de tests. Je pensais faire un contrôle de routine mais il m’a dit que si je n’arrêtais pas, je devrais avoir une prothèse dans deux ans. Je suis sortie en pleurant de son cabinet. Deux jours après, je reprenais l’avion pour les États-Unis car j’avais de toute façon mon billet. Normalement, je devais faire quatre ans. Mais sans bourse, ce n’était pas possible. Je suis repartie pour faire mes adieux. Et après, ma maman m’a dit pourquoi ne pas aller à Louvain. Il restait 24 ou 48 heures pour m’inscrire, elle s’est chargée de tout car moi je ne faisais que pleurer. J’ai eu la chance d’être tirée au sort et voilà comment je me suis retrouvée en Belgique alors que je n’en avais pas du tout envie.

Ses faits d’armes

Promise à un bel avenir, Tiffany Tshilumba a brûlé les étapes. Demi-finaliste aux championnats d’Europe seniors alors qu’elle n’a que 18 ans, elle a également participé aux championnats du monde indoor à Sopot. Durant sa courte carrière, elle a aussi pris part aux JPEE, aux championnats d’Europe par équipes, aux Jeux de la Francophonie ainsi qu’aux Mondiaux et aux championnats d’Europe jeunes. Elle est toujours recordwoman nationale du 200 m indoor (24″03).

Photo : julien garroy

Aujourd’hui

Tiffany Tshilumba a terminé ses études de kiné. Et depuis un peu plus d’un an, elle a déménagé en Suisse, tout près de Lausanne, où elle travaille comme kiné au sein d’une structure où elle a pour collègues de nombreux anciens sportifs de haut niveau. À terme, elle espère ouvrir son propre cabinet.

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