Malgré la crise alimentaire qui frappe le Zimbabwe et l’économie en ruine du pays, le président Robert Mugabe, doyen mondial des chefs d’Etat en exercice, organise samedi un grand festin pour célébrer son 92e anniversaire.
Selon les organisateurs, 50.000 partisans de la Zanu-PF, le parti au pouvoir, et les cadres du régime sont attendus pour la fête qui se tient à Masvingo (sud), six jours après l’anniversaire du président.
Du bétail et du gibier sera abattu pour tous ces invités pour un évènement dont le coût total est estimé à 800.000 dollars par la presse locale. Selon les médias, des militants auraient ordonné à des villageois des districts autour de Masvingo de donner entre un et cinq dollars pour financer une partie des festivités.
De quoi alimenter les critiques sur l’organisation d’un tel évènement alors qu’un quart de la population est en état d’insécurité alimentaire et que le gouvernement a déclaré l’état de catastrophe naturelle dans plusieurs régions en raison de la sécheresse.
« 800 000 dollars »
« Quand vous avez un chef qui dépense 800.000 dollars pour son anniversaire et que des milliers de gens n’ont rien à manger, vous vous demandez quel genre de père (de la nation) vous dirige », estime Okay Machisa, président de l’Association des Droits de l’Homme au Zimbabwe.
« Il n’y a pas grand-chose à célébrer pour quelqu’un de 92 ans, au pouvoir depuis 36 ans qui a conduit à la faillite de notre économie, réduisant notre pays à une nation de vendeurs à la sauvette et de mendiants », lance Takavafira Zhou, professeur de science politique à l’université de Masvingo.
Mardi, la ligue des jeunes du principal parti d’opposition, le Mouvement pour le Changement Démocratique (MDC), a manifesté à Masvingo pour protester contre cette fête en brandissant des pancartes « pas d’anniversaire quand les enfants meurent de faim » ou « nous voulons des emplois, pas une fiesta ».
« Formidables célébrations »
Les festivités doivent débuter par un grand concert et un défilé dans les rues de la ligue des jeunes de la Zanu-PF. « La ligue des jeunes du parti a travaillé d’arrache-pied pour que ce soit un succès », indique Simon Khaya-Moyo, le porte-parole de la Zanu-PF. « Tout est en place et nous nous attendons à de formidables célébrations », a-t-il ajouté.
La suite des évènements se déroulera sous un grand chapiteau érigé devant le monument national du Grand Zimbabwe, un ensemble de ruines du XIIIe siècle.
Le Quotidien / AFP
Un dictateur inamovible et et un pays terriblement appauvri
Né le 21 février 1924, Robert Mugabe dirige d’une main de fer le Zimbabwe depuis l’indépendance du pays en 1980. Malgré son âge canonique, il n’a encore jamais nommé de successeur potentiel et assure pouvoir gouverner jusqu’à 100 ans. Il continue de délivrer de longs discours toujours émaillés de piques contre l’Occident, bien que de récentes maladresses aient alimenté des rumeurs sur son état de santé.
En septembre 2015, il a lu pendant 25 minutes un discours mot pour mot identique à celui qu’il avait prononcé un mois plus tôt, manifestement sans s’en apercevoir. Il a également trébuché par deux fois, lors de récentes sorties publiques.
Ancien grenier à blé de l’Afrique Australe, le pays importe désormais de la nourriture. Le président Mugabe estime que les sanctions, imposées par les pays occidentaux en raison des violations des droits de l’Homme au Zimbabwe, ont aussi contribué à la baisse de la production agricole.
Ses détracteurs affirment, eux, que l’agriculture a été fragilisée par la réforme agraire qu’il a lancée en 2000, en redistribuant les terres des fermiers blancs à la majorité noire, souvent par la force.
Sous sa férule, le pays s’est terriblement appauvri dans les années 2000. Des centaines de milliers, voire des millions, de ses concitoyens ont émigré en Afrique du Sud et, à la suite d’une hyper-inflation, le Zimbabwe a supprimé sa propre monnaie pour utiliser désormais le dollar américain.