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[Musique] Les inégalités de sexe persistent parmi les artistes


La chanteuse québécoise Charlotte Cardin dénonce une «industrie toujours pas égalitaire», et pointe le paradoxe que «de plus en plus de gens» en sont conscients. (photo Spotify/Instagram)

Derrière les femmes superstars, la musique souffre toujours d’une sous-représentation des artistes féminines, moins écoutées, moins programmées que les hommes, et encore largement victimes de sexisme.

Shay, Clara Luciani, Charlotte Cardin, Miki… L’affiche valait le coup d’œil : sur la façade du palais Bongniart, bâtiment historique de la Bourse de Paris, au cœur de la capitale française, trônaient fin novembre les visages de sept chanteuses. Elles étaient réunies par le leader mondial du streaming, Spotify, qui déclinait pour la première fois en France son programme de valorisation Equal en un festival d’un soir, 100 % féminin.

Star la plus attendue, Theodora (son single Kongolese sous BBL est certifié disque de diamant) incarne cette nouvelle génération d’artistes qui s’affirment, dans une industrie musicale qui a encore peu d’exemples de femmes, noires, à un tel niveau de succès. «Quand tu es une fille noire et que tu fais de la musique en France, tu dois te battre cinq fois plus. Parce que personne n’aime les filles noires», a-t-elle lâché dans une récente interview au magazine musical américain The Fader.

En 2024, seules quatre artistes féminines ont figuré parmi les vingt albums les plus vendus (streaming compris) sur le marché français : les stars américaines Taylor Swift et Billie Eilish et les chanteuses françaises Zaho de Sagazan et Santa. Même en dézoomant, le total des écoutes des chansons interprétées par des femmes ne représentent que 22 % parmi les 100 000 titres les plus populaires sur les plateformes de streaming l’année dernière, a comptabilisé le syndicat français de l’édition phonographique (SNEP).

«C’est encore trop peu mais on a toutes les raisons de penser que cette proportion va continuer à croître car la place des artistes féminines progresse dans les tops annuels», analyse la principale organisation professionnelle de la musique enregistrée.

Commentaires misogynes

«C’est une industrie qui n’est toujours vraiment pas égalitaire», confirme la chanteuse québécoise Charlotte Cardin, nouvelle coqueluche en France avec son tube Feel Good. «Ne serait-ce qu’en regardant des line-ups de festivals dont je faisais partie, à 80 % masculins», illustre-t-elle. Hormis quelques exceptions – Aya Nakamura, Katy Perry, Theodora, Zaz – les têtes d’affiche des principaux rendez-vous de l’été 2026 sont masculines.

«En tant qu’artiste féminine, on a besoin de plus de détermination, plus de pugnacité pour y arriver», constate Julie Béhérec, responsable du programme Equal en France. D’autant que malgré #metoo, le sexisme demeure. Exemple récent, des commentaires misogynes sur les réseaux sociaux sur Theodora et son poids.

Idem pour Miki : la Franco-Coréenne, élevée au Luxembourg et qui se taille une place de choix sur la scène musicale francophone, a été accusée d’être une «industry plant» (pur produit de l’industrie); comme un «pied-de-nez» à ces critiques, elle a nommé ainsi son premier album, sorti en octobre.

Sororité et diversité

«Il y a encore des gens qui objectifient les femmes. Je pense qu’on n’est pas sortis du bois encore à ce niveau-là parce que ça fait tellement partie de la société depuis longtemps», dénonce Charlotte Cardin. Pourtant, l’artiste est convaincue qu’il existe «de plus en plus de gens» qui en sont conscients. Sur les réseaux sociaux, «il y a des gens qui vont commenter mon corps, mon apparence ou être un peu critiques. Et là, il y a une vague de fans qui vient à ma défense à chaque fois!», raconte-t-elle.

Aux yeux de Yoa, révélée avec La Favorite, la sororité doit prévaloir. «Profitons aussi, toutes ensemble, de cette « era » (NDLR : moment) où j’ai l’impression qu’on est toutes plus les unes avec les autres», a-t-elle appelé lors d’une table ronde organisée par Spotify. Autre conseil à ses pairs : rester solide sur ses choix artistiques. «C’est le seul endroit où il faut vraiment se battre, quand vous vous dites cette chanson, elle est comme ça, et elle n’est pas avec trois points de BPM en plus et un couplet en moins», a-t-elle lancé.

Au-delà des chanteuses, l’écosystème entier est appelé à se féminiser, jusqu’aux plus hauts échelons. «Même si tout le monde ne souhaite pas devenir patronne, on sent des envies plus décomplexées, qui sont verbalisées et qui sont encouragées par la direction des maisons» de toutes tailles, observe Patricia Sarrant, coordinatrice de All Access, une association créée par le SNEP en 2020, qui accompagne des femmes via le mentorat. Dans un univers plus mixte, «cette richesse-là entraîne la diversité», rappelle-t-elle.

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